Après avoir connu des fortunes diverses, l'énergie nucléaire connaît un regain d'intérêt dans plusieurs pays, en réponse à l'urgence climatique et aux besoins accrus en électricité, mais cette ambition reste à concrétiser. Etat des lieux du recours à l'atome dans le monde.

( AFP / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN )
Hiver nucléaire après Fukushima
Le nucléaire génère un peu moins de 10% de l'électricité mondiale, dans 31 pays, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Cette énergie a connu un coup de frein avec l'accident de la centrale de Fukushima au Japon en 2011. L'Allemagne et la Suisse décident alors son abandon, la Chine ralentit son faramineux programme. L'Italie avait voté pour la sortie du nucléaire par référendum dès 1987 après Tchernobyl...
Le monde est passé de 440 réacteurs en fonctionnement en 2005, son maximum, à 413 en 2023, selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
La production nucléaire mondiale devrait atteindre un record en 2025 selon l'AIE, mais l'avenir est incertain: le parc vieillit et le nombre de chantiers lancés chaque année - 6 en 2023 - est loin du rythme des années 70-80, selon l'Etat de l'industrie nucléaire dans le monde 2024 (WNISR), un rapport de consultants critiques sur le nucléaire. Entre 2004 et 2023, 102 réacteurs ont été raccordés dans le monde, et autant (104) ont fermé.
Par comparaison, la seule année 1976 avait vu le lancement de 44 constructions.
Des champions historiques
Les Etats-Unis restent la première puissance nucléaire civile, avec 94 réacteurs opérationnels mais leur âge moyen croît (42 ans). Face aux besoins croissants en électricité tirés notamment par les centres de données, très énergivores, le pays se prépare à redémarrer deux réacteurs.
La France, avec 57 réacteurs dont le dernier raccordé au réseau fin décembre 2024 avec 12 ans de retard, reste le pays le plus nucléarisé par habitant. Après avoir prévu de fermer des sites, Paris a annoncé en 2022 un nouveau programme de 6 voire 14 réacteurs, le premier attendu en 2038.
La Grande-Bretagne doit arrêter progressivement ses neuf réacteurs dont beaucoup arrivent en fin de vie mais ce pays, qui a arrêté ses centrales à charbon, mise sur de nouvelles unités pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le seul chantier en cours à Hinkley Point C a cependant vu ses coûts s'envoler et son calendrier retardé.
Et deux pays très actifs
Aujourd'hui, les pays les plus actifs du nucléaire civil sont la Chine, qui construit à domicile et la Russie, 1er exportateur de centrales. Selon l'AIE, sur les 52 réacteurs dont la construction a débuté dans le monde depuis 2017, 48 sont de conception chinoise ou russe. A fin 2024, la moitié des 63 réacteurs en construction sont en Chine.
La Chine égale désormais la France avec 57 réacteurs sur son territoire et en a 27 autres en construction, selon le rapport WNISR. Si la Chine construit à domicile, la Russie domine le marché international, avec 26 réacteurs en chantier dont 6 chez elle.
Des ambitions mais beaucoup de défis
D'autres pays comme les Pays-Bas ou la Suède expriment un intérêt renouvelé pour le nucléaire à la fois lié au besoin de souveraineté énergétique et au besoin de décarbonation des économies. Comme l'énergie éolienne ou solaire, le nucléaire ne rejette presque pas de CO2 dans l'air.
D'autres pays veulent y revenir, comme l'Italie et la Belgique qui a acté le 15 mai 2025 son renoncement à la sortie du nucléaire en abrogeant une loi de 2003.
Le Japon lui-même a lancé une réflexion sur la construction de nouveaux réacteurs et voté la prolongation des existants au-delà de 60 ans, mais 12 ans après Fukushima, la majorité du parc reste à l'arrêt. Pour la Pologne, la République tchèque ou l'Inde, il s'agit d'être moins dépendants du charbon.
Avec de "petits réacteurs modulaires", le secteur vise aussi de nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents.
Le monde pourrait bientôt compter une douzaine de nouveaux pays nucléaires, selon le directeur de l'AIEA, Rafael Mariano Grossi: Ghana, Kenya, Ouzbékistan, Kazakhstan, Philippines...
L'ambition du secteur et d'une vingtaine de pays de tripler les capacités d'énergie nucléaire d'ici 2050 se heurte toutefois à d'immenses défis opérationnels et financiers: longs à construire, ces chantiers sont difficiles à financer.
D'autres pays, en raison du coût, des risques et du sort des déchets, restent aussi résolument contre, comme la Nouvelle-Zélande. Ces divergences se retrouvent au sein de l'UE dans les divisions sur le soutien à cette énergie. L'Allemagne a débranché ses trois derniers réacteurs en 2023.
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