(Actualisé avec déclaration de Tusk §§2-3)
par Barbara Erling et Anna Magdalena Lubowicka
Le candidat nationaliste Karol Nawrocki a remporté le second tour de l'élection présidentielle en Pologne devant le libéral Rafal Trzaskowski, selon les résultats officiels communiqués lundi, un revers pour les ambitions de réformes du gouvernement pro-européen du Premier ministre Donald Tusk.
Le chef du gouvernement a annoncé lundi soir qu'il solliciterait rapidement un vote de confiance du Parlement.
"Je veux que chacun voie, y compris nos adversaires ici et à l'étranger, que nous sommes prêts à affronter cette situation, que nous avons conscience de la gravité du moment mais que nous n'avons pas l'intention d'effectuer le moindre pas en arrière", a dit Donald Tusk lors d'une allocution télévisée.
D'après la commission électorale nationale, Karol Nawrocki, soutenu par le parti nationaliste Droit et Justice (PiS), a obtenu 50,89% des suffrages à l'issue du scrutin de dimanche, contre 49,11% pour Rafal Trzaskowski, maire de la capitale Varsovie et allié de Donald Tusk.
Karol Nawrocki, 42 ans, boxeur amateur qui s'inspire des idées du mouvement "Make America Great Again" (MAGA) du président américain Donald Trump, a fait campagne en promettant de garantir que les politiques économiques et sociales du pays favorisent les Polonais plutôt que d'autres nations ou les réfugiés, comme ceux ayant fui l'Ukraine voisine.
Si le Parlement polonais dispose de la plupart des pouvoirs, le président peut opposer son veto à des projets de loi.
Le scrutin était particulièrement surveillé par l'Ukraine et la Russie, ainsi que par les Etats-Unis et à travers l'Union européenne (UE), Karol Nawrocki ayant promis de protéger la souveraineté de la Pologne et dénoncé ce qu'il a qualifié d'ingérence excessive de Bruxelles dans les affaires du pays.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'a félicité lundi pour sa victoire et s'est dite convaincue que l'UE pourrait poursuivre sa "très bonne coopération" avec la Pologne.
"Nous sommes tous plus forts ensemble dans notre communauté de paix, de démocratie et de valeurs. Alors oeuvrons pour assurer la sécurité et la prospérité de notre foyer commun", a-t-elle déclaré dans un message publié sur X.
Karol Nawrocki, tout comme Rafal Trzaskowski, a souligné la nécessité d'accroître nettement les dépenses de défense - alors que Donald Trump réclame que l'Europe investisse davantage en la matière - et de continuer à soutenir l'Ukraine dans sa guerre face à la Russie.
TAUX DE PARTICIPATION RECORD
Le candidat nationaliste s'est cependant dit opposé à l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan, dont la Pologne fait partie, citant le risque d'un conflit direct avec la Russie.
Moscou demande que Kyiv abandonne son projet d'adhésion à l'Alliance transatlantique comme l'une des conditions préalables à la conclusion d'un accord de paix.
Karol Nawrocki a présenté l'élection comme un référendum sur la coalition gouvernementale du pro-européen Donald Tusk, dont la Plateforme civique a pris le pouvoir il y a dix-huit mois.
Rafal Trzaskowski, 53 ans, avait promis d'aider Donald Tusk à mener à bien les réformes démocratiques qu'il a entreprises et que les deux politiciens présentent comme nécessaires pour réparer les dégâts causés par le PiS.
"Je suis désolé de ne pas avoir réussi à convaincre la majorité des citoyens de ma vision de la Pologne", a-t-il déclaré sur X, en félicitant Karol Nawrocki pour sa victoire.
L'indice de référence de la Bourse polonaise a perdu du terrain à l'annonce de ces résultats, les investisseurs anticipant une nouvelle paralysie politique, tandis que le zloty baissait face à l'euro.
Selon la commission électorale, le taux de participation a été de 71,31%, ce qui constitue un record pour le second tour d'une élection présidentielle en Pologne.
Le parti nationaliste, battu lors des législatives d'octobre 2023 après quasiment une décennie au pouvoir, a opéré une réforme de la justice contestée notamment par Bruxelles, qui l'a décrite comme contraire aux standards démocratiques de l'UE.
ORBAN SALUE UNE "VICTOIRE FANTASTIQUE"
Comme son prédécesseur Andrzej Duda, Karol Nawrocki devrait bloquer toute tentative du gouvernement Tusk de libéraliser l'avortement ou de réformer le système judiciaire.
D'autres dirigeants nationalistes et eurosceptiques ont adressé leurs félicitations à Karol Nawrocki. "La Pologne a gagné", a écrit sur X le candidat de l'extrême droite battu mi-mai lors de l'élection présidentielle roumaine, George Simion, tandis que le Premier ministre hongrois Viktor Orban a salué une "victoire fantastique".
La victoire de Karol Nawrocki constitue une "nouvelle victoire pour les patriotes (européens)", a également déclaré le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, sur Facebook.
Le résultat de l'élection présidentielle polonaise pourrait donner de l'élan au chef de l'opposition eurosceptique et ancien Premier ministre de la République tchèque, Andrej Babis, qui est en tête des sondages avant les élections d'octobre dans son pays. Sur X, celui-ci a adressé ses "chaleureuses félicitations" à Karol Nawrocki.
(Reportage d'Anna Wlodarczak-Semczuk, Pawel Florkiewicz, Kuba Stezycki, Anna Lubowicka, Fatos Bytyci, Barbara Erling, avec Jan Lopatka à Prague, rédigé par Alan Charlish ; version française Camille Raynaud, Kate Entringer, Jean Terzian et Benjamin Mallet, édité par Blandine Hénault)
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