Dans la famille des "polluants éternels" ou PFAS, le TFA fait l'objet d'une attention croissante des scientifiques, associations et autorités, qui s'alarment de son accumulation dans l'environnement et de ses effets sur la santé.
( GETTY IMAGES NORTH AMERICA / JOE RAEDLE )
Le TFA est dans le viseur des autorités sanitaires de l'Europe et de la France, qui l'a inclus dans la liste de polluants éternels qu'elle va contrôler dans l'eau du robinet à compter de janvier.
• Le TFA, c'est quoi ?
Le TFA, ou acide trifluoroacétique, "est une toute petite molécule", proche de l'acide acétique (le composant du vinaigre), explique à l' AFP Hans-Peter Arp, professeur en chimie de l'environnement à l'Institut géotechnique norvégien et à l'Université norvégienne de sciences et de technologie. Différence notable : sa liaison carbone-fluor, qui le rend extrêmement stable, comme l'ensemble des PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées), d'où sa persistance dans l'environnement. Il est l'un des plus petits et des plus mobiles de cette famille de molécules.
• D'où vient-il ?
Ses propriétés (très acide, soluble et stable) en font une molécule largement utilisée dans l'industrie. De plus, "de nombreux secteurs produisent des substances chimiques qui se dégradent en TFA" , souligne Hans-Peter Arp, spécialiste de cette substance. Il est ainsi utilisé comme matière première dans la production de pesticides et la dégradation de certains d'entre eux, comme l'herbicide flufénacet, entraîne la production de TFA.
Dans l'industrie pharmaceutique, on le retrouve comme catalyseur dans la synthèse de médicaments, notamment anticancéreux.
Mais la principale source de TFA dans l'environnement est les "nouveaux produits chimiques utilisés dans les systèmes de chauffage et de climatisation, appelés gaz fluorés", souligne Hans-Peter Arp. Ironie du sort, l'introduction de ces produits "est liée au protocole de Montréal", signé en 1987 pour remplacer les gaz réfrigérants qui détruisent la couche d'ozone ou contribuent au changement climatique.
• Quelle toxicité ?
En cours d'évaluation par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), le TFA a été classé reprotoxique par l'Agence allemande pour l'environnement, c'est-à-dire faisant courir aux fœtus des risques de malformations , même s'il est à ce stade considéré comme "l'un des PFAS les moins toxiques", selon Hans-Peter Arp. Cependant, complète-t-il aussitôt, "c'est celui auquel nous sommes le plus exposés et cette exposition augmente, donc cette moindre toxicité est en quelque sorte compensée par cette exposition extême".
Début décembre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire Anses a annoncé avoir détecté du TFA dans 92% des échantillons d'eau analysés au cours d'une campagne de recherche (plus de 600 prélèvements d'eau brute et autant d'eau du robinet).
Une étude du collectif d'ONG Pesticide Action Network (PAN) Europe, réalisée sur 66 produits céréaliers achetés dans 16 pays européens (céréales de petit déjeuner, pâtes, croissants, pain, farine), a trouvé du TFA dans 81,8% des échantillons contrôlés , à des concentrations nettement supérieures à celle de l'eau du robinet.
• Quelle réglementation ?
À Bruxelles, eurodéputés et États membres ont trouvé un accord pour ajouter vingt-cinq PFAS, dont le TFA, à la liste des polluants à contrôler en priorité dans les cours d'eau. Le Parlement et les Vingt-Sept doivent maintenant approuver cette loi, avant sa transposition dans les pays européens avant fin 2027.
En France, sur recommandation de l'Anses, le gouvernement a ajouté le TFA à la liste des 20 "polluants éternels" contrôlés dans l'eau potable, à compter de janvier 2026.
Dans l'attente des résultats de l'expertise européenne sur la toxicité du TFA, attendue pour l'été 2026, la France a retenu, comme l'Allemagne, une valeur sanitaire indicative de 60 microgrammes par litre, "avec un objectif plus protecteur à dix microgrammes par litre", a indiqué le gouvernement.
Le député écologiste Nicolas Thierry, auteur de la première loi française sur les PFAS, souligne que les Pays bas ont fixé le seuil à 2,2 microgrammes. "Si le seuil est fixé trop haut, (...) ça permet d'affirmer que l'eau est conforme", sans garantie de protection de la santé, a-t-il déploré.
La question de la toxicité du TFA est d'autant plus cruciale qu' il est très compliqué de l'éliminer de l'eau : seule la filtration membranaire d'osmose inverse basse pression (OIBP) permet de retenir les PFAS "à chaîne courte", comme le TFA. Un technique de filtrage par des fibres polymères avec des pores inférieurs à un nanomètre, extrêmement coûteuse et énergivore.
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