(Actualisé avec réaction de Moscou)
par Tom Balmforth et Alexander Tanas
A peine réélue, la présidente moldave Maia Sandu a promis des changements, cherchant à asseoir les positions pro-européennes qu'elle défend en amont d'élections législatives cruciales prévues l'été prochain.
Maia Sandu, qui prône une entrée de la Moldavie dans l'Union européenne, a devancé au second tour de la présidentielle l'ancien procureur général Alexandre Stoianoglo, soutenu par le Parti socialiste pro-russe, à l'issue d'une campagne marquée par des soupçons d'ingérence de Moscou.
Le scrutin présidentiel a aussi mis en lumière le mécontentement de la population. Maia Sandu, qui a obtenu 55,33% des suffrages, a gagné grâce au soutien des Moldaves de l'étranger. Sans leurs voix, la présidente sortante aurait perdu de peu.
Réagissant à cette victoire de Maia Sandu, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a fustigé l'élection "la plus antidémocratique" de l'histoire de la Moldavie et estimé que le vote des Moldaves de l'étranger illustrait les "profondes divisions" de la société moldave.
Le Parti socialiste a dit ne pas considérer Maia Sandu comme la présidente légitime, la qualifiant de "présidente de la diaspora".
Dans son discours de victoire, Maia Sandu a reconnu le "besoin de changement" de ses compatriotes.
"Je comprends parfaitement que ce vote a aussi été motivé par le besoin de changement – des changements que la société attendait. Je veux que vous sachiez – j'ai entendu toutes les voix, y compris les voix critiques", a déclaré la présidente sortante, qui avait été élue avec 57,72% des suffrages il y a quatre ans.
S'engageant à être une "présidente pour vous tous", Maia Sandu a demandé aux Moldaves de dépasser leurs rancunes et leur mécontentement et de s'unir pour protéger leur pays, qui a été, selon elle, la cible d'une ingérence massive lors de l'élection.
Les accusations visant Moscou et l'oligarque en exil Ilan Shor se sont multipliées durant la campagne électorale. "Nous constatons une ingérence massive de la Russie dans notre processus électoral (...) Des efforts au fort potentiel pour fausser l'issue", a écrit dimanche le conseiller à la sécurité nationale de Maia Sandu, Stanislav Secrieru, sur le réseau social X.
SOULAGEMENT À BRUXELLES
La victoire de Maia Sandu, 52 ans, est considérée par les partisans de la cheffe de l'Etat comme une validation de sa politique pro-européenne et a été accueillie avec soulagement à Bruxelles, une semaine après la victoire en Géorgie du parti au pouvoir considéré comme favorable à la Russie.
"Le degré d'ingérence dans les élections est frappant et constitue un signe avant-coureur de ce qui va se passer dans les pays à l'intérieur et hors de l'Union européenne. Pour l'instant, c'est une bonne nouvelle", a déclaré un diplomate du bloc à Reuters.
A Paris, Emmanuel Macron a tenu à féliciter Maia Sandu pour sa réélection. "La démocratie a triomphé de toutes les interférences et de toutes les manoeuvres", a écrit le président français sur le réseau social X. "La France continuera de se tenir aux côtés de la Moldavie sur son chemin européen."
"Maia Sandu a guidé la République de Moldavie en toute sécurité à travers des moments difficiles et a mis le pays sur la voie européenne. Nous sommes aux côtés de la Moldavie", a déclaré pour sa part le chancelier allemand Olaf Scholz sur X.
Le président ukrainien Volodimir Zelensky, dont le pays partage une frontière avec la Moldavie, a également félicité lundi Maia Sandu.
"Les Moldaves ont fait un choix clair : ils ont choisi la voie de la croissance économique et de la stabilité sociale", écrit sur X le chef de l'Etat ukrainien.
Le président américain Joe Biden a également adressé ses félicitations à Maia Sandu. "Pendant des mois, la Russie a cherché à saper les institutions démocratiques et le processus électoral de la Moldavie. Mais elle a échoué", a-t-il dit dans un communiqué.
DES DÉFIS INTÉRIEURS
Reste que le soutien dont a bénéficié Alexandre Stoianoglo à travers le pays suggère que le parti Action et Solidarité au pouvoir fera face à un défi de taille lors des élections législatives prévues l'été prochain, avec en jeu la composition du gouvernement.
Maia Sandu avait présenté l'élection présidentielle comme un choix entre un avenir prospère au sein de l'UE d'ici 2030 ou un avenir fait d'incertitude et d'instabilité.
Durant son mandat de quatre ans, les liens entre Chisinau et Moscou ont été distendus, des diplomates russes ont été expulsés de Moldavie et la cheffe de l'Etat a condamné l'invasion russe de l'Ukraine. Le Kremlin a qualifié le gouvernement de Maia Sandu de "russophobe".
Alexandre Stoianoglo a déclaré durant la campagne électorale être favorable à une entrée de la Moldavie dans l'UE mais a exprimé aussi le désir de développer les liens avec la Russie, citant l'intérêt national.
Maia Sandu a décrit son rival comme un "cheval de Troie" oeuvrant aux intérêts du Kremlin, ce qu'Alexandre Stoianoglo a nié, alors que l'offensive lancée par la Russie en Ukraine en 2022 a alimenté les inquiétudes sur l'avenir de la Moldavie.
Alexandre Stoianoglo a reproché à la présidente sortante de n'avoir pas protégé les intérêts des citoyens "ordinaires", l'accusant de semer la division dans un pays où une large partie de la population parle russe.
Il a également profité du mécontentement d'une partie de l'électorat face à la situation économique du pays, avec notamment une inflation élevée en raison de la crise du COVID et de la guerre en Ukraine.
Pour l'analyste politique Vitaly Andrievski, la première priorité pour Maia Sandu, son gouvernement et son parti sera de se concentrer sur les conditions économiques en Moldavie, une nation agricole pauvre peuplée de moins de trois millions d'habitants.
(Tom Balmforth, Alexander Tanas et Felix Hoske; avec la contribution de Lidia Kelly à Melbourne et Miranda Murray à Berlin, version française Jean Terzian, Claude Chendjou et Blandine Hénault)
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