
Un drapeau portant le logo du célèbre manga japonais One Piece, symbole adopté par les mouvements de protestation de la génération Z dans le monde entier, devant les forces de sécurité lors d'une manifestation exigeant de meilleures conditions de santé et des réformes constitutionnelles à Antananarivo, le 7 octobre 2025 à Madagascar ( AFP / Luis TATO )
Le mouvement Gen Z, instigateur des manifestations commencées à Madagascar le 25 septembre, a appelé à la grève générale et à manifester jeudi, tout en boycottant la rencontre cathartique organisée mercredi après-midi par le président qui a écouté une à une les doléances de dizaines de personnes.
Après avoir renvoyé tout son gouvernement pour tenter d'éteindre la crise et la contestation générale ayant gagné cette île très pauvre de l'océan Indien, le président Andry Rajoelina a repris la main en nommant lundi un militaire Premier ministre.
Pour renforcer encore le signal, les trois premiers ministres du nouveau gouvernement connus depuis mardi sont ceux des Armées, de la Sécurité publique et la gendarmerie, car le pays "n'a plus besoin de perturbation mais de paix", a-t-il souligné.
"Parce qu'il s'est déjà permis de défier le peuple malgache en nommant des personnes +pour ramener l'ordre+, nous lançons un appel à tout le peuple", a fait savoir le collectif dans un communiqué, déclarant la "grève générale" et donnant rendez-vous jeudi à 09H00 (06H00 GMT) dans le centre d'Antananarivo.

Un manifestant devant des barricades en feu lors d'affrontements avec les forces de sécurité à Antananarivo, le 7 octobre 2025 ( AFP / Luis TATO )
Le mouvement avait déjà appelé le 1er octobre la fonction publique à "se joindre à la grève générale", dont il est difficile d'apprécier si elle avait été suivie.
La Gen Z n'a donc pas attendu la fin de son ultimatum, dont le délai expirait mercredi soir, à l'issue d'une rencontre au palais présidentiel avec de nombreux acteurs de la société ayant pris le micro un à un pour se plaindre et souvent évoquer leur cas personnel, mari emprisonné ou fils au chômage par exemple.
Lors de ces échanges diffusés à la radio et à la télé, Andry Rajoelina a promis de démissionner si les coupures d'électricité persistaient à Antananarivo dans un an.
Qualifiée de "simulacre de dialogue", cette réunion, aux accents de "grand débat" mené par le président français Emmanuel Macron en 2019 pendant la crise des gilets jaunes, a été snobée par le mouvement Gen Z.
Ce qui n'a pas empêché l'un des leaders des manifestations étudiantes de prendre la parole parmi les premiers: "La pauvreté devient très dure ici à Madagascar parce qu'il y a trop de corruption dans le gouvernement", a-t-il asséné. "Ce que vous faites, M. le président, n'est pas bien."
"Les étudiants ne peuvent se concentrer sur leurs études à cause du manque de lumière. Il n'y avait plus d'eau. Il y a même plein de rats où l'on dort", a-t-il lancé dans une tirade virulente qui a reçu la plus grande ovation de la journée parmi le petit millier de personnes rassemblées dans une annexe du palais présidentiel.
Si la mobilisation a semblé s'essouffler dans la rue ces derniers jours, les premières nominations au gouvernement, ainsi que le changement de ton du président, ayant abandonné celui de la contrition, pourraient donner un second souffle à la contestation.
- "Excuses publiques" -
Madagascar est le théâtre depuis le 25 septembre d'un mouvement de protestation qui dénonçait au départ les coupures incessantes d'eau et d'électricité et s'est mué depuis en une contestation plus large, notamment d'Andry Rajoelina, 51 ans.
Septembre a marqué le deuxième plus haut niveau de manifestations à Madagascar depuis que l'ACLED a commencé à collecter des données en 1997, estime cette organisation compilant des données sur les troubles et conflits. Seuls les manifestations de 2023 avant l'élection présidentielle l'ont surpassé.
Au moins 22 personnes ont été tuées et plus d'une centaine blessées, selon un bilan établi le 29 septembre par l'ONU, qui est démenti par les autorités malgaches.
Malgré une diminution récente de la mobilisation, des habitants d'Antananarivo et de plusieurs grandes villes de province n'en sont pas moins descendus dans les rues quasi quotidiennement.
Encore mercredi, une centaine de personnes se sont réunies sur le bord du lac d'Anosy dans la capitale malgache, a constaté l'AFP.

Des manifestants lancent des pierres sur les forces de sécurité à Antananarivo, le 7 octobre 2025 à Madagascar ( AFP / Luis TATO )
La veille, les forces de l'ordre ont de nouveau fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser des manifestants à Antananarivo, faisant plusieurs blessés, selon des journalistes de l'AFP.
Parmi les revendications écrites du collectif Gen Z partagées par une vingtaine d'organisations, ne figurent plus la démission du président Rajoelina.
En plus du respect des libertés, le mouvement Gen Z réclame des "excuses publiques du chef de l’État", la "refondation de la Haute cour constitutionnelle" et la "dissolution totale du Sénat", ou au moins le départ de son président Richard Ravalomanana, ex-général de gendarmerie.
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