
Gabriel Attal réagit après les résultats du second tour des législatives anticipées de 2024
par Sophie Louet et Elizabeth Pineau
Emmanuel Macron a chargé lundi le Premier ministre sortant Gabriel Attal de poursuivre la gestion des affaires courantes pour la "stabilité" de la France, le temps que le nouveau rapport de forces à l'Assemblée nationale se concrétise politiquement.
L'incertitude pèse sur la future architecture gouvernementale au lendemain de la victoire inattendue du Nouveau Front populaire (NFP) aux élections législatives anticipées, une alliance de gauche hétérogène fragilisée par une majorité relative face à un camp présidentiel qui ne s'avoue pas vaincu et prône une coalition "centrale".
Gabriel Attal, qui a été réélu dans la 10e circonscription des Hauts-de-Seine, avait annoncé à l'issue du scrutin qu'il remettrait sa démission lundi matin au chef de l'Etat.
Emmanuel Macron l'a refusée, comme l'y autorise la Constitution, et lui a demandé "de rester Premier ministre pour le moment afin d’assurer la stabilité du pays", selon l'Elysée.
Gabriel Attal, qui a définitivement rompu dimanche soir avec le chef de l'Etat ("Cette dissolution, je ne l'ai pas choisie mais j'ai refusé de la subir"), avait évoqué la possibilité d'un intérim. Le contexte est de fait sensible, avec la proximité des Jeux olympiques qui débutent le 26 juillet.
Selon l'article 8 de la Constitution, il reviendra au président de la République de nommer le successeur de Gabriel Attal pour conduire la politique de la Nation. La pratique veut que ce dernier soit issu des rangs de la force dominante à l'Assemblée.
Dans un renversement de situation que les instituts de sondage n'avaient pas vu venir, l'élan sans précédent du Rassemblement national (RN), galvanisé par sa victoire aux élections européennes et au premier tour des législatives, s'est brisé sur le "front républicain" bâti dans l'entre-deux-tours pour empêcher une cohabitation avec l'extrême droite.
DU TEMPS, ET DES TRACTATIONS
Le RN de Marine Le Pen, réélue dès le premier tour à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), sera la troisième force de l'Assemblée nationale avec 143 sièges, une progression notable par rapport aux 89 sièges conquis en 2022 mais éloignée de ses ambitions.
Louis Aliot, vice-président du RN, a plaidé lundi pour "un examen de conscience" et Sébastien Chenu, porte-parole du parti, a promis une opposition "sans compromission". Le RN devait réunir un bureau exécutif lundi après-midi.
Le NFP compte 182 élus dans la nouvelle chambre, selon les résultats officiels, et la majorité relative sortante (Renaissance, Horizons, MoDem) 168 élus après avoir en avoir perdu une centaine.
Dans cette chambre tripartite, aucune force ne dispose donc de la majorité absolue (289 sièges). Une réminiscence du parlementarisme de la IVe République marquée par une forte instabilité ministérielle.
Emmanuel Macron a fait savoir qu'il "attendra[it] la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires" tout en veillant au "respect du choix souverain des Français". La XVIIe législature débute le 18 juillet.
Le chef de l'Etat, qui, même affaibli depuis la dissolution du 9 juin, entend contrôler le déroulement de cette nouvelle phase institutionnelle, est contraint par son agenda diplomatique. Il devait quitter Paris mardi pour Washington, où il assistera mercredi et jeudi au sommet de l'Otan.
Le NFP (La France insoumise, Parti socialiste, Europe Ecologie-Les Verts, Parti communiste) a entamé dès dimanche soir des discussions pour s'entendre sur le nom d'un candidat ou d'une candidate au poste de Premier ministre.
Jean-Luc Mélenchon a estimé lundi soir sur LCI que le nom que le NFP entend proposer d'ici la fin de la semaine devrait être issu de LFI, qui a le plus grand nombre d'élus au sein de l'alliance de gauche.
La construction d'un gouvernement pérenne, résistant aux motions de censure, devrait prendre du temps, tant la donne est inédite sous la Ve République.
LA "MACRONIE" CROIT EN UNE COALITION AU CENTRE
Dès dimanche soir, le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon, dont les cavaliers seuls intempestifs irritent au sein de l'alliance, a préempté le terrain en appelant le chef de l'Etat à "s'incliner" et à confier les rênes au NFP.
L'hypothèse Jean-Luc Mélenchon pour Matignon - hypothèse caressée par l'intéressé - est un repoussoir au sein de l'alliance de gauche. Marine Tondelier l'a exclue lundi.
Ses alliés, notamment Mathilde Panot, ont toutefois défendu cette option lundi sur RTL, estimant que l'ancien candidat à l'élection présidentielle n'était "pas disqualifié". Le député LFI des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard a éludé sur France 2, soulignant que "plein de personnes [étaient] crédibles" à gauche pour appliquer le programme du NFP.
Le PS qui fait quasiment jeu égal avec LFI dans la nouvelle Assemblée sait pouvoir influer sur les discussions, avec l'appui notamment de l'ancien président François Hollande, élu en Corrèze, et de l'eurodéputé Place publique Raphaël Glucksmann.
Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a lui rejeté sur TF1 une proposition d'entente du président du MoDem, François Bayrou, à travers une coalition qui pourrait aller "de la gauche, hors LFI, jusqu'à la droite, hors Rassemblement national". "Le pouvoir sortant a été battu", a-t-il fait valoir.
Au jeu des alliances, le camp présidentiel, où les ministres-candidats sont quasiment tous élus, veut convertir en actes le "temps du pluralisme", selon l'expression de François Bayrou sur France Inter. Le président du MoDem, à l'instar de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, est convaincu qu'une coalition "centrale" est possible de "Marine Tondelier à Laurent Wauquiez", ce qu'a déjà refusé le PS.
La ministre sortante de l'Education nationale Nicole Belloubet a évoqué sur LCI "un arc républicain" fondé sur "le centre-gauche" tandis qu'Aurore Bergé (Egalité entre les hommes et les femmes) tend la main aux Républicains (LR), qui conservent un rôle de pivot à l'Assemblée.
Les Français "nous enjoignent à nouveau de travailler ensemble, de trouver des voies", veut croire sur France 2 l'ex-présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.
(Rédigé par Sophie Louet, avec Blandine Hénault, Bertrand Boucey, Michel Rose et Kate Entringer, Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault)
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