par Greg Torode et Antoni Slodkowski
L'élection de Donald Trump risque de réduire à néant les canaux de communication laborieusement rétablis par Joe Biden et Xi Jinping au cours de l'année écoulée après des années de tensions autour du commerce, du COVID-19 et de Taïwan.
Avec le retour de Donald Trump à la Maison blanche en janvier prochain, les diplomates et les experts régionaux s'attendent à ce que les relations entre Washington et Pékin entrent dans une nouvelle ère de glaciation.
Voici les principaux sujets de dialogue entre les deux premières puissances économiques mondiales :
DÉFENSE
L'amélioration des communications entre les deux armées a permis de réduire les tensions dans les points chauds de la région : les garde-côtes et les navires de pêche chinois et philippins s'affrontent presque chaque semaine en mer de Chine méridionale, tandis que l'armée de l'air chinoise continue de tester les défenses de Taïwan en menant régulièrement des exercices autour de l'île.
Selon les experts, le dialogue en matière de sécurité pourrait être le premier à faire les frais de nouvelles turbulences diplomatiques entre les deux pays, comme l'illustre le gel des échanges dans le domaine militaire pendant les deux années qui ont suivi une visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants, en août 2022.
Les communications se sont progressivement améliorées sur un certain nombre de sujets dans le domaine de la défense depuis que Xi Jinping et Joe Biden ont convenu de réinitialiser leurs relations lors d'un entretien en novembre 2023.
En août dernier, le conseiller de Joe Biden en matière de sécurité nationale, Jake Sullivan, s'est ainsi entretenu pendant trois jours à Pékin avec le principal conseiller militaire de Xi Jinping, Zhang Youxia. Il a également participé à plusieurs réunions avec le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi.
Des échanges directs ont aussi eu lieu en septembre entre les commandants en chef des deux armées dans la zone indo-pacifique.
Les experts s'attendent à ce que le retour prochain de Donald Trump et la perspective d'une politique américaine plus agressive envers la Chine alimente la nervosité des dirigeants et des commandants militaires chinois.
"Dans ce contexte, je m'attends à ce que les commandants soient beaucoup plus nerveux dans leurs zones de déploiement autour des points chauds, comme le détroit de Taïwan, la mer de Chine méridionale et les zones contestées avec le Japon", a déclaré Alexander Neill, un expert basé à Singapour. "Les dirigeants n'aiment pas l'imprévisibilité."
Les discussions sur le programme d'armement nucléaire de la Chine, qui sont restées au point mort malgré les tentatives de l'administration Biden de les relancer, seront probablement un sujet à suivre de près dans les prochains mois.
Certains experts pensent que Pékin, dont l'arsenal nucléaire est bien plus petit que celui des États-Unis et de la Russie, ne voit pas l'intérêt de tels pourparlers.
"Il est très révélateur que, même dans le contexte actuel de léger dégel, Pékin ait mis fin aux échanges avec Washington sur le contrôle des armements au début de l'année", souligne Jon Czin, spécialiste de la politique étrangère à la Brookings Institution.
FENTANYL
Des progrès progressifs mais visibles ont été enregistrés dans la coopération visant à mettre un terme au trafic illicite de composants chimiques utilisés pour produire le fentanyl, une drogue de synthèse qui fait des ravages aux Etats-Unis, depuis que Joe Biden et Xi Jinping ont relancé la coopération dans ce domaine lors de la réunion du 23 novembre.
Washington demande avec insistance à Pékin de durcir sa politique en la matière, notamment en luttant contre le financement illégal et en renforçant les contrôles sur les produits chimiques.
En juin, le procureur général chinois a exhorté les responsables des services de sécurité à se focaliser sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, alors que Pékin et Washington rendaient publique une rare enquête conjointe sur le trafic de drogue.
En août, quelques jours après une réunion d'un groupe de travail conjoint sur la lutte contre les stupéfiants, la Chine a annoncé qu'elle renforcerait les contrôles sur trois composants chimiques essentiels à la fabrication du fentanyl.
CHANGEMENT CLIMATIQUE
La diplomatie climatique entre les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde a contribué à donner de l'élan aux négociations sur la mise en oeuvre de l'Accord de Paris de 2015 et a joué un rôle déterminant pour parvenir à un consensus lors de la COP28 qui s'est tenue l'année dernière à Dubaï.
Donald Trump prévoyant de retirer une nouvelle fois les Etats-Unis de l'Accord de Paris, la coopération climatique avec Pékin devrait prendre fin, même si des initiatives au niveau infranational, par exemple avec l'État de Californie, devraient se poursuivre.
Le retour prochain de Donald Trump à la Maison blanche pourrait également compromettre les efforts visant à persuader Pékin d'adopter des objectifs de réduction des émissions plus ambitieux pour 2035, la Chine étant déjà irritée par les "barrières commerciales vertes" mises en place par les États-Unis sur les véhicules électriques, les batteries et les panneaux solaires.
ÉCONOMIE
De manière moins visible, les deux puissances rivales organisent régulièrement des réunions de groupes de travail sur les questions économiques et financières depuis septembre 2023.
Lors de l'une de ces réunions, qui s'est tenue pendant deux jours à Pékin en septembre dernier, les responsables chinois ont exprimé leurs "vives inquiétudes" quant aux droits de douane américains supplémentaires imposés à leur pays, aux restrictions à l'investissement et aux sanctions liées à la Russie.
Zhao Minghao, de l'Institut d'études internationales de l'université chinoise de Fudan, estime que ce dialogue a permis de réaliser des "progrès significatifs".
"Mais pour Pékin, il y a une inquiétude légitime concernant la poursuite de ces échanges, qui avaient été interrompus sous la première présidence de Trump et pourraient l'être à nouveau", souligne-t-il.
(Greg Torode à Hong Kong et Antoni Slodkowski à Pékin, avec Laurie Chen à Pékin et David Stanway à Singapour; version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)
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