( GETTY IMAGES NORTH AMERICA / ANDREW HARNIK )
CNN entre dans une séquence incertaine avec le rachat de sa maison mère Warner Bros Discovery (WBD), dont Donald Trump voudrait profiter pour influer sur la ligne éditoriale de la chaîne d'information, qui est engagée dans un changement de modèle économique.
"Je serai probablement impliqué" dans la décision du gouvernement américain d'autoriser ou non l'acquisition de WBD par Netflix ou Paramount Skydance, les deux prétendants, a clamé, la semaine dernière, le président américain.
Et le milliardaire entend clairement utiliser ce dossier pour mettre au pas la chaîne qu'il critique le plus depuis une décennie, plutôt prisée des téléspectateurs de gauche mais aussi consultée régulièrement par 20% des républicains, selon une étude du Pew Research Center.
"Les dirigeants de CNN sont un groupe de gens très malhonnêtes", a-t-il lancé, et "je ne pense pas qu'ils devraient rester en place".
Selon le Wall Street Journal, le patron de Paramount Skydance, David Ellison, aurait assuré à Donald Trump qu'en cas de feu vert à son offre, il remodèlerait CNN et sa grille. Elle comprend notamment aujourd'hui les présentateurs Kaitlan Collins et Jake Tapper, pugnaces dans leur couverture du gouvernement Trump.
Le groupe a déjà obtenu, en juillet, l'agrément du régulateur au rapprochement entre Paramount et Skydance après s'être engagé à modifier la ligne éditoriale de la chaîne CBS.
"Un virage à droite imprimé par Paramount serait une menace pour l'indépendance éditoriale de CNN", analyse Mark Feldstein, professeur à l'université du Maryland, "mais il n'est pas certain qu'ils seraient mieux lotis si c'était Netflix" qui l'emportait.
Dans ce dernier scénario, Warner Bros Discovery se séparerait ainsi préalablement de son portefeuille de chaînes (dont CNN), désormais logé dans une nouvelle société cotée indépendante, baptisée Discovery Global.
La station tout info se retrouverait alors prisonnière d'une société très endettée, aux faibles perspectives de croissance car dépendante de la télévision par câble aux Etats-Unis, qui perd des millions d'abonnés chaque année.
Dans ce contexte, "ce serait donc difficile pour Discovery Global de justifier des investissements dans CNN (...) car ils seront davantage concentrés sur leurs résultats à court terme", anticipe Brian Wieser, patron du cabinet de conseil Madison and Wall.
- "Aller chercher le public" -
Or, sous la houlette de l'ancien patron du New York Times et de la BBC, Mark Thompson, CNN est engagé dans une réorientation stratégique majeure pour réduire sa dépendance à la télévision traditionnelle.
Elle a lancé, fin octobre, une offre par abonnement (à 6,99 dollars par mois) qui comprend l'accès, en streaming, à la plupart des programmes ainsi qu'à tout le site CNN.com, qui a mis en place, fin 2024, une limite au nombre d'articles consultables gratuitement.
Lors du podcast "Channels", Mark Thompson a affirmé que, selon une étude commandée par la chaîne, 18 millions d'Américains qui se sont désabonnés du câble depuis la pandémie de coronavirus seraient "très intéressés de payer pour un abonnement à CNN seul".
"Pour que CNN reste fort à l'avenir", fait valoir le dirigeant, "nous devons aller chercher notre public là où il est".
Les chaînes Fox News, CNBC, Newsmax mais aussi, plus récemment, NBC, ont déjà toutes tenté le pari d'une offre de streaming dédiée à l'info seule, hors d'un bouquet ou d'une plateforme, mais il s'agissait, dans tous les cas, d'un produit de complément.
Jadis numéro un incontesté de l'info en continu, CNN réunit aujourd'hui moins de 500.000 téléspectateurs en moyenne par jour, loin de ses rivales MSNBC et surtout Fox News, mais aussi derrière la chaîne de bricolage et décoration HGTV, par exemple, même si elle a indiqué à l'AFP être toujours rentable.
Malgré son déclin chiffré, "elle conserve une place importante dans le paysage médiatique", estime Victor Pickard, professeur à l'université de Pennsylvanie, qui met en avant "la puissance de sa marque", connue de 94% des Américains, selon une étude du Pew Research Center.
Il souligne aussi "son influence mondiale", grâce à sa version non américaine CNN International, accessible dans 321 millions de foyers.
"Le meilleur scénario serait qu'elle soit vendue séparément", détachée de tout autre média, considère Brian Wieser. "Mais le problème c'est que le gouvernement Trump s'en mêlera forcément."
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