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Industrie de la défense : l'Europe saura-t-elle tenir la cadence du réarmement?
information fournie par Boursorama avec Media Services 13/06/2025 à 10:00

Le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte a appelé à quintuple les capacités de défense aérienne et antimissile de l'Alliance, pour faire face notamment à une Russie qui "sème la terreur par le ciel". Le Vieux continent est lui appelé à relancer tout un écosystème industriel qui manque encore de visibilité sur le long terme.

( AFP / LUDOVIC MARIN )

( AFP / LUDOVIC MARIN )

Sous pression de Donald Trump et face à la menace russe, les dirigeants des pays de l'Otan devraient s'accorder fin juin à La Haye sur une hausse sans précédent de leurs dépenses militaires.

Mais les Européens ont-ils les capacités suffisantes et les structures en place pour dépenser efficacement cette manne, afin de protéger le continent contre toute éventuelle attaque ?

Pour le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte, la question est cruciale: "C'est ce qui m'empêche vraiment de dormir: il faut non seulement augmenter les dépenses mais aussi augmenter la production industrielle en matière de défense", a-t-il expliqué jeudi.

De son côté, la Russie, en pleine économie de guerre, produit quatre fois plus de munitions que l'Europe et les Etats-Unis réunis. Plus grave, elle sera capable d'ici 2030 de "lancer une attaque victorieuse" contre l'Otan, a-t-il encore averti.

Les 32 pays de l'Alliance vont s'efforcer les 24 et 25 juin aux Pays-Bas de se mettre d'accord pour consacrer au moins 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) à leur sécurité au cours des prochaines années. Un engagement qui représente des centaines de milliards d'euros, dont une grande partie bénéficiera à l'industrie de l'armement, à la traîne après des années de coupes budgétaires.

L'industrie européenne assure qu'elle déjà beaucoup investi, depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022. En ce qui concerne les munitions, "nous produisons quatre fois plus qu'en 2022", a assuré Micael Johansson, patron du groupe suédois Saab, une des principales firmes d'armement en Europe, dans un entretien avec l'AFP.

"Bien sûr, nous pouvons faire plus et, heureusement, beaucoup d'entre nous ont pris des risques pour investir et augmenter les capacités", a-t-il assuré. Mais, a-t-il aussi ajouté, les commandes sont encore trop souvent limitées à cinq ans, pour une industrie qui a besoin de visibilité à plus long terme. Et qui a aussi des problèmes de recrutement. En Allemagne, le fabricant de munitions Rheinmetall a des centaines d'offres d'emplois qualifiés à pourvoir.

Cinq ans pour un permis

Pour accélérer l'ouverture de nouvelles unités de productions, l'Union européenne, va proposer la semaine prochaine une simplification des procédures.

"Il n'est pas possible que l'industrie de la défense doive attendre cinq ans pour obtenir un permis de construire d'une nouvelle usine", a ainsi déclaré cette semaine Andrius Kubilius, commissaire européen chargé de la défense.

Autre écueil à éviter : l'inflation. Des centaines de milliards à investir, mais sans les capacités correspondantes, risquent simplement de faire monter les prix, met en garde Guntram Wolff, économiste de la défense auprès du Bruegel Institute, dans un entretien avec l'AFP.

"ll y a un risque réel que nous en ayons moins pour notre argent à cause de l'inflation", a ainsi averti cette semaine à Bruxelles l'ambassadeur américain à l'Otan Matthew Whitaker.

L'industrie de défense affiche des prix élevés, dans un environnement souvent national et peu compétitif. "Si vous commandez 10, 20 ou 30 armes par an à votre producteur national, il est évident que le prix sera élevé", résume Guntram Wolff.

La solution passe par plus d'Europe, préconise-t-il, et le Bruegel Institute, dans un rapport remis aux 27, suggère de mettre sur pieds une agence européenne des marchés publics, dans le domaine de la défense, pour multiplier les projets en commun, à moindre coût.

C'est l'idée en germe dans les dernières propositions faites par la Commission européenne: des prêts allant jusqu'à 150 milliards d'euros pour financer en commun des achats ou des investissements dans le domaine de la défense.

"Il s'agira d'un signal fort envoyé à l'industrie pour qu'elle sache que les commandes vont venir, ce qui incitera les États membres à investir et l'industrie à anticiper ces investissements", a assuré cette semaine François Arbault, un des principaux responsables des industries de défense au sein de la Commission européenne.

Les premiers financements devraient intervenir avant la fin de cette année, a affirmé un autre haut-fonctionnaire de la Commission européenne. "Le but est d'être prêt pour la guerre d'ici 2030", rappelle Guntram Wolff. "Mais si nous continuons à dépenser trop pour des produits surévalués, et que nous le faisons de manière fragmentée, pays par pays, nous risquons vraiment d'échouer".

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