Le ministre de l'Economie a répondu pendant trois heures aux questions des sénateurs de la commission des Finances, qui avait lancé fin mars une mission sur la dégradation du déficit public et le "défaut d'information du Parlement" sur la situation.

Bruno Le Maire, le 7 mai 2024, à l'Assemblée nationale ( AFP / LUDOVIC MARIN )
"Il faut changer ce ton péremptoire!". L'audition de Bruno Le Maire par la commission des finances du Sénat, jeudi 30 mai, a été le théâtre de remontrances marquées émises par le président de la commission, Claude Raynal, à l'égard du patron de Bercy, égratigné pour son manque de "précautions oratoires" dans ses déclarations sur la dérive du déficit public, plus forte qu'initialement anticipée.
En préambule de son audition, le ministre de l'Economie a affiché sa volonté de prendre le temps pour répondre à des accusations "graves" et "infondées formées à son encontre.
"Sur ces questions là, on ne peut pas être péremptoire"
"Vous souhaitez recadrer les choses (...). Ca change terriblement du ton très péremptoire que vous utilisez habituellement une situation!" , a répondu Claude Raynal, président de la commission, avant de développer en citant des déclarations passées du ministre.
"Je vous dis vos phrases : 'Ce projet de loi de finances garantit un déficit de 4,4% pour 2024 et nous le tiendrons', 'Nous avons toujours tenu nos objectifs', etc... C'est extrêmement péremptoire!", a t-il lancé face au ministre. "Et il faut changer ce ton péremptoire, parce que vous nous avez donné toutes les raisons pour montrer que justement, sur ces questions là, on ne peut pas être péremptoire !".
"C'est pas la France seule qui décide de sa croissance!"
Le sénateur de Haute-Garonne pointe la confiance excessive des affirmations de Bercy, dans un environnement économique aux variables multiples. "Il y a trop de choses qui échappent au ministre des Finances. C'est pas la France seule qui décide de sa croissance ! (...) Ce qu'on souhaiterait, c'est que déjà, dans la présentation du budget, ces précautions oratoires puissent être prises. Et derrière les précautions oratoires, quelques précautions sur les résultats" , suggère t-il ainsi.
Dans cette perspective, le sénateur de Haute-Garonne propose ainsi de préférer des "intervalles de confiance" à des valeurs absolues en matière de prévisions économiques. Ce faisant, "on saurait où on va, qu'on navigue entre telle et telle valeur". Ce serait plus simple !", fait-il valoir. Le président de la commission formule même un "encouragement" au ministre : choisir une trajectoire qui permette éventuellement d'avoir une bonne surprise. C'est toujours mieux d'avoir en fin d'année 0,2 de plus, ce qui permet d'amérliorer le solde, plutôt que d'avoir 0,2 ou 0,3 de moins".

Dette et déficit publics de la France en % du PIB depuis 1990 ( AFP / Bertille LAGORCE )
"Les prévisions de déficit ne sont pas une science exacte", a répondu Bruno Le Maire, citant les "aléas conjoncturels très forts" pouvant faire varier l'évaluation des recettes de l'impôt sur les sociétés (IS) et la trajectoire de la croissance économique.
S'il n'a pas dévoilé les prévisions d'une note de ses services datée du 7 décembre 2023 prévenant d'un risque de déficit à 5,2% du PIB, alors que l'examen du projet de loi de finances pour 2024 était en cours au Parlement, c'est parce qu'elles étaient "lacunaires" concernant l'IS ou "inexactes" sur les dépenses de l'Etat, a-t-il détaillé. "Si je les avais diffusées, j'aurais donc semé le doute et l'inquiétude inutilement", a-t-il fait valoir, avec le risque de voir augmenter l'écart de taux d'intérêt d'emprunt de la France par rapport à l'Allemagne ("spread").
"Une erreur pareille ne peut pas se reproduire deux fois", reconnait Le Maire
Ce n'est qu'en février 2024 que différentes données, concernant la fiscalité, les dépenses des collectivités locales ou la conjoncture se sont précisées, selon M. Le Maire. Peu après, début mars, il avait prévenu que le déficit dépasserait "significativement" l'objectif de 4,9%.
Bruno Le Maire a toutefois reconnu "une erreur sur l'évaluation des remontées fiscales" , surtout l'IS en raison des montants provisionnés par les entreprises: "J'ai saisi l'ensemble des administrations concernées dans mon ministère à ce sujet. Une erreur pareille ne peut pas se reproduire deux fois." Il s'est également dit favorable à une communication "plus régulière" et "plus transparente" entre le gouvernement et le Parlement en matière de finances publiques.
Face aux sénateurs, Bruno Le Maire s'est également défendu d'avoir dissimulé au Parlement des informations sur le dérapage du déficit public en 2023, qui est "brutalement" passé à 5,5% du PIB contre 4,9% initialement anticipés. Critiqué par les oppositions pour le dérapage du déficit public, le gouvernement l'a attribué à des recettes fiscales de 21 milliards d'euros plus faibles qu'espéré l'an dernier.
"Toutes les informations ont été données en temps utile au Parlement et aux Français, et toutes les décisions nécessaires ont été prises en temps utile pour corriger les conséquences de recettes fiscales moins élevées que prévu", a soutenu M. Le Maire. "J'ai toujours fait preuve, depuis sept ans que je suis ministre de l'Economie des Finances, de sincérité, d'honnêteté et de sens de la vérité", s'est-il défendu. "Toutes les accusations (...) comme quoi j'aurais délibérément dissimulé au Parlement des informations qui étaient à ma disposition sont graves, infondées."
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