Dix ans après le lancement de sa première offre, la start-up californienne s’est imposée comme la référence mondiale du cyclisme virtuel. Valorisée à plus d’un milliard de dollars, elle a transformé le simple vélo d’appartement en expérience immersive et communautaire.
En 2014, pris entre «sa vie de famille et sa vie professionnelle» , Eric Min, cycliste amateur, manque de temps pour pédaler en extérieur. Il hésite alors : continuer à s’entraîner sur un vélo d’intérieur… ou renoncer totalement. Mais le sportif qui sommeille en lui reprend le dessus et il reprend le pédalage. Néanmoins, sur son vélo d’appartement, sa motivation s’essouffle rapidement : l’expérience est monotone, sans interaction, sans élan collectif. Pédaler seul entre quatre murs, très peu pour lui. C’est là que dans sa tête germe l’idée de Zwift. «Pourquoi ne pas faire de cette pratique en intérieur un grand jeu vidéo multijoueur ?» s’interroge-t-il alors. Ni une ni deux, il se met à voyager avec une ambition : discuter avec des acteurs du marché. Fin septembre 2014, la plateforme sportive sort en version Bêta. Et en octobre 2015, soit dix ans presque jour pour jour, l’offre est officiellement lancée au grand public.
Sa solution révolutionne la pratique en intérieur et se fait rapidement connaître d’un large panel de sportifs. Associé à Jon Mayfield, Scott Barger et Alarik Myrin, Eric Min crée ainsi une plateforme d’entraînement virtuel pour le cyclisme en combinant jeu vidéo et sport connecté. Les utilisateurs pédalent, à domicile, sur un vélo connecté ou avec un «home-trainer» - un appareil auquel on fixe son vélo pour pouvoir pédaler sans avancer et qui parvient même à simuler la difficulté des pentes -, tout en évoluant dans des environnements virtuels immersifs - comme le Mont Ventoux ou d’autres célèbres cols du monde entier -, et avec d’autres «e-cyclistes». Zwift propose des parcours interactifs, des programmes d’entraînement structurés, ainsi que des courses en ligne en temps réel, seul ou en groupe. L’utilisateur se retrouve plongé au sein d’une communauté forte de cyclistes de tous niveaux. L’expérience s’appuie sur des capteurs et utilise les données pour en faire un jeu et rendre l’entraînement plus vivant.
Des utilisateurs engagés
L’entreprise, basée en Californie, s’est rapidement imposée comme un acteur majeur de l’ industrie du «fitness» , avec une forte communauté mondiale. Durant la pandémie, la plateforme gagne en popularité et accueille des compétitions officielles comme les championnats du monde de cyclisme e-sport. Pour Damien, qui utilise Zwift en complément de la course à pied, la plateforme permet vraiment de «s’entraîner avec ses amis» . «En cas de flemme» ou de mauvais temps, le trentenaire privilégie instantanément la plateforme «n’ayant plus d’excuse pour ne pas faire de sport» . Pour Aurélie, cycliste chevronnée, l’entreprise « a sauvé sa pratique du vélo notamment pendant le confinement, et préservé son groupe d’amies» . Pour elle, que la vie universitaire a amenée à bouger et à quitter des cercles d’amis, la plateforme est «une aubaine» . À l’entendre, pari réussi pour l’entreprise qui souhaite faire en sorte que «plus de monde soit plus actif, plus longtemps» .
«L’expérience Zwift» comme la qualifie Chris Snook, directeur de la communication, permet bien d’avoir « une roue à suivre quelle que soit la l’heure du jour et de la nuit» . La grande force de l’entreprise est très certainement sa communauté. Large et diverse, elle compte plus de 2,5 millions d’utilisateurs à travers le monde aujourd’hui, selon les Échos. Des événements ont lieu très régulièrement sur la plateforme, du simple entraînement de groupe à la compétition. «La vaste majorité des effectifs de l’entreprise utilise le produit et fait partie de la communauté», insiste fièrement le fondateur. Pour plus d’un utilisateur, la plateforme agit en qualité de ciment social. «Il est toujours agréable d’entendre les histoires de personnes qui se rencontrent sur la plateforme et qui en viennent même à se marier», s’amuse le directeur de la communication.
Une stratégie en mouvement
Valorisée à plus d’un milliard de dollars en 2025, l’entreprise avait levé auprès d’investisseurs 120 millions en 2018 puis 450 millions en 2022. Interrogé sur la rentabilité économique de l’entreprise, Eric Min rapporte que «la majorité du chiffre d’affaires est imputable» à ces abonnements nés il y a dix ans . Si l’entreprise commercialise également des équipements (vélos, connectique, etc.), l’entreprise reste «basée sur le “software”», rapporte Eric Min . L’entreprise avait en effet entrepris la commercialisation d’équipements en plus de sa plateforme pour combattre deux barrières, le coût et la complexité qui pouvaient barrer la route à de potentiels utilisateurs de Zwift. Sans parler de «bascule stratégique» , l’entreprise propose également un service gratuit de course à pied. Mais son cœur de métier «reste sur le vélo», insiste le directeur de la communication de Zwift Chris Snook. Il concède néanmoins : « qu’il y aura toujours la possibilité de s’étendre dans le futur à d’autres sports» . À l’entendre, il s’agirait même là d’une diversification logique pour Zwift qui aime à se décrire comme «un compagnon bien-être, né du jeu» .
Face à la plateforme, un concurrent émerge: Woosh. La solution encore naissante, créée en 2019, propose ses services gratuitement. Zwift de son côté, produit plus mature et qui a déjà rencontré son public, a fixé son prix de 19,99 euros par mois. Si certains cyclistes trouvent le prix de l’abonnement excessif, ce n’est pas le cas de tous. Pour Marcel, retraité, «c’est trop» , il estime que la possibilité de faire du vélo - même l’hiver et par mauvais temps - ne vaut pas les 200 euros par an que demande la marque. Pour d’autres, il s’agit d’un prix tout à fait raisonnable : « les gens paient bien 20 euros et parfois plus pour un forfait téléphonique... là ça permet en plus de faire du sport avec ses amis», compare Frank, un allemand fan de vélo.
Regardant attentivement les marchés en croissance comme l’Europe (1 er marché) et l’Asie - avec comme tête d’affiche le Japon et la Corée du Sud dont Eric Min est originaire - , l’entreprise ne compte pas « rester en roue libre» . Partenaire fondateur du Tour de France femme, Zwift entend bien faire pédaler le monde entier sur sa plateforme.

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