par Claude Chendjou
La Banque centrale européenne (BCE) sera contrainte d'assouplir davantage sa politique monétaire au second semestre en raison de l'impact des droits de douane voulus par l'administration américaine, estime-t-on chez Nomura, à l'occasion de la présentation à Paris mercredi des perspectives économiques du courtier japonais.
"Nous nous attendons à deux baisses des taux directeurs de la BCE de 25 points de base en septembre et en décembre", a déclaré Andrzej Szczepaniak, vice-président de l'European Economics chez Nomura.
La BCE a procédé la semaine dernière à une huitième baisse des coûts d'emprunt dans la zone euro depuis juin 2024, ramenant le taux de dépôt à 2,0%, mais l'institution a souligné qu'elle était arrivée "à la fin d'un cycle", suggérant une pause dans la baisse du loyer de l'argent, dans l'attente de nouvelles données.
Pour Nomura, les droits de douane de Donald Trump dits "réciproques", en cours de négociation jusqu'au 9 juillet pour l'Union européenne, vont avoir un impact "considérable" sur la croissance en zone euro, même avec une hypothèse de base d'un relèvement des surtaxes à 10%.
"Les données vont être plus mauvaises que ce la BCE attend", assure Andrzej Szczepaniak, ce qui selon sa collègue, Marine Mazet, stratégiste taux chez Nomura, pourrait pousser la BCE a baisser son taux de dépôt jusqu'à 1,25%.
"On voit un risque de davantage de baisses de taux que moins de baisses de taux", a-t-elle dit, ajoutant que cela dépendrait aussi du stimulus budgétaire allemand.
Berlin prévoit un plan d'investissement reposant sur une réforme du frein constitutionnel à l'endettement qui doit permettre d'accroître les dépenses fédérales pour la défense, ainsi que la création d'un fonds de 500 milliards d'euros sur 12 ans pour les infrastructures.
RISQUE DE STAGFLATION
Plus globalement, Nomura estime que les droits de douane auront un effet "stagflationniste" au niveau mondial, avec à long terme une hausse des prix, une baisse de la croissance économique et une modification dans les chaînes de valeur.
La BCE de son côté prévoit dans son scénario de base, intégrant des droits de douane de 10%, une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,9% cette année, de 1,1% en 2026 et 1,3% en 2027. Avec une "désescalade" sur les surtaxes, la croissance passerait respectivement à 1,2%, 1,5% et 1,4%. Avec des mesures de représailles faisant remonter les surtaxes à 20%, la croissance tomberait respectivement à 0,5%, 0,7% et 1,1%.
Alors que la BCE voit pour le moment un impact négligeable des droits de douane sur l'évolution de l'inflation, Nomura exprime des doutes sur ce scénario.
"J'ai du mal à comprendre comment les droits de douane peuvent avoir un impact cumulatif important entre 2025-2027 de 0,7% sur le PIB et un impact moins prononcé sur l'inflation pour la même période", a déclaré Andrzej Szczepaniak.
Pour l'économiste de Nomura, les droits de douane vont avoir un impact plus important sur l'inflation que ce que pense la BCE, dont les prévisions sont une inflation en zone euro à 2,0% en 2025, 1,6% en 2026 et 2,0% en 2027.
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France (BdF) et membre du conseil des gouverneurs de l'institution de la BCE, a déclaré mardi que l'institution était prête à réagir si nécessaire au flux de données économiques dans un contexte d'incertitude élevée.
(Rédigé par Claude Chendjou, édité par Kate Entringer)
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