Beaucoup d'entreprises allemandes sont les seules à proposer un produit ou un composant spécifique. Et elles ont bon espoir que le client américain absorbe simplement la hausse de prix.

Donald Trump à Washington, aux États-Unis, le 5 août 2025. ( AFP / BRENDAN SMIALOWSKI )
Lasers, équipement médical... Certaines petites et moyennes entreprises allemandes produisant des produit hautement spécialisés, espèrent pouvoir échapper aux répercussions de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump. Une attitude qui tranche avec les grands groupes qui s'attendent à un impact important des droits de douane sur leur activité.
Ces industriels du "Mittelstand", colonne vertébrale de l'économie du pays, font le pari que sur des segments de niche sans réelle alternative aux machines et équipements allemands , les clients américains vont tout simplement absorber la hausse des prix. "C'est le client américain qui paie la taxe" , résume Thorsten Bauer, codirigeant de Xiton Photonics, un fabricant de lasers basé à Kaiserslautern (ouest). "Nous ne remarquons rien", ajoute-t-il.
Avec sa vingtaine de salariés, cette entreprise est emblématique du "Mittelstand", un tissu de PME le plus souvent familiales et fortement exportatrices , souligne Jan-Philipp Gillmann, responsable de la banque des entreprises pour l'Europe chez Deutsche Bank. Ces entreprises "sont en partie protégées" car "elles sont souvent les seules à produire un composant donné", note-t-il. Aussi, le surcoût des droits de douane "est généralement répercuté sur le consommateur final".
Les exportations européennes vers les États-Unis seront soumises à partir de jeudi à un droit de douane général de 15%, supérieur aux niveaux habituels mais bien en deçà des 30% initialement envisagés par Donald Trump. Mais le compromis trouvé ne représente un allègement que pour 5% des entreprises allemandes, indique un sondage effectué par la chambre allemande de commerce et de l'industrie du pays (DIHK) juste après la conclusion de l'accord commercial.
Parmi les 3.500 entreprises interrogées, 58% s'attendent à des répercussions négatives , voire 74% pour les entreprises faisant affaire directement aux États-Unis. De quoi convaincre ces dernières d'y réduire leurs activités ? Cela représente un cas sur deux, selon la DIHK.
Une entreprise sur cinq impliquée aux États-Unis déclare en outre n'avoir pas d'autres choix que de répercuter la surtaxe sur leurs propres prix. Si les géants allemands comme Volkswagen chiffrent l'impact en milliards d'euros, beaucoup d'entreprises plus modestes espèrent encore passer entre les gouttes.
"Vraie niche"
"On ne peut pas simplement copier le 'Made in Germany' ", affirme Brian Fürderer, fondateur de Microqore Medical, une PME de 32 salariés dans la technologie médicale, domaine où "peu rivalisent avec l'Allemagne". "Mais quand on occupe une vraie niche, la demande (américaine) suit", ajoute l'entrepreneur, qui ne la voit pas fléchir tant que les droits de douane n'atteignent pas "30 voire 40%".
L'optimisme des acteurs du Mittelstand tranche avec les affirmations répétées de Donald Trump, selon lesquelles ce sont les entreprises étrangères -et non les consommateurs américains- qui devront encaisser les taxes.
Les premiers coups de semonce tarifaires ces derniers mois et l'incertitude prolongée ont néanmoins marqué l'Allemagne, dont les États-Unis sont le premier partenaire commercial.
"Quand les droits de douane sont tombés, je n'ai fait aucune vente aux États-Unis pendant trois mois", raconte Thorsten Bauer. "Quand l'avenir est incertain, les clients retardent leurs commandes", ajoute-t-il.
La politique commerciale erratique de Washington invite à la prudence, tout comme le cafouillage avec les douanes : un client américain reste en attente d'un remboursement après s'être vu appliquer à tort un droit de 50% sur de l'aluminium importé, témoigne Thorsten Bauer. Sa conclusion : "Il n'y a pas de sécurité juridique".
L'entrepreneur cherche à "stimuler les ventes en Europe avec des remises", pour "réduire la dépendance aux marchés internationaux".
"Régulé à mort" en Europe
Un casse-tête pour Xiton Photonics, qui réalise environ un quart de son chiffre d'affaires aux États-Unis. Les clients sont "plutôt au Japon, en Chine ou en Amérique qu'en Europe" , souligne Thorsten Bauer.
La persistance des tensions géopolitiques rendent aussi toute stratégie incertaine. "Il peut évidemment aussi arriver que la Chine décide, du jour au lendemain, de ne plus importer depuis l'UE. Dans ce cas, on n'est qu'une girouette au gré du vent, obligé de se laisser porter", craint-il.
Produire directement aux États-Unis serait une option, compte tenu du prix de l'énergie et des lourdeurs administratives européennes, explique Brian Fürderer, dont l'entreprise réalise 50% de ses ventes outre-Atlantique. "En Europe, on est régulé à mort" et "les gens ont peur d'investir ou d'innover" , se plaint-il, tandis que Washington octroie maintes aides fiscales et subventions.
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