
L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier arrive au tribunal de Besançon le 9 septembre 2025 ( AFP / SEBASTIEN BOZON )
L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a admis que la première des 30 victimes qui lui sont imputées avait bien été empoisonnée, tout en continuant a nier en être à l'origine, lundi devant la cour d'assises du Doubs.
Au début de la quatrième semaine de ce procès hors norme, l'ancien anesthésiste star de Besançon a été interrogé sur les deux premiers décès qui lui sont reprochés, en octobre 2008 à la clinique Saint-Vincent.
L'accusation le soupçonne d'avoir pollué des poches de perfusion de patients avec des produits anesthésiques ou du potassium pour nuire à ses collègues avec lesquels il était en conflit.
Damien Iehlen, 53 ans, est mort le 10 octobre 2008 à la clinique Saint-Vincent de Besançon où il était venu se faire opérer d'un rein. Son autopsie a permis de relever dans son sang un taux très élevé de lidocaïne, un anesthésique local, "cinq fois la dose létale".
Selon les experts, de la lidocaïne avait été introduite préalablement dans une poche de perfusion utilisée pour son endormissement.
- "Pas moi" -
La présidente de la cour d'assises a demandé à Frédéric Péchier s'il admettait que Damien Iehlen avait été victime d'un "empoisonnement".

L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier arrive au tribunal de Besançon le 9 septembre 2025 ( AFP / SEBASTIEN BOZON )
"Tout à fait", a répondu calmement l'accusé, qui avait jusqu'à présent toujours contesté cette hypothèse, préférant celle d'une possible erreur médicale de sa collègue chargée de l'anesthésie.
Pourquoi un tel revirement? Au début de l'enquête, "ça me paraissait totalement aberrant l'idée de polluer une poche", a-t-il répondu, expliquant avoir finalement été convaincu par un expert lors de l'audience.
"Je n'ai pas d'explication, si ce n'est que quelqu'un a mis les flacons de lidocaïne dans la poche. Et ce n'est pas moi", a soutenu l'accusé, qui a toujours contesté avoir empoisonné des patients.
"Un empoisonneur sévissait à Besançon depuis 2008, c'est évident", avait déclaré vendredi soir son avocat Randall Schwerdorffer, "maintenant, c'est à l'accusation de démontrer que cet empoisonneur est Frédéric Péchier".
- "Concordance des cas" -

Frédéric Péchier à la cour d'assises du Doubs, à Besançon, le 8 septembre 2025 ( AFP / SEBASTIEN BOZON )
En revanche, M. Péchier a contesté l'hypothèse d'un empoisonnement pour Suzanne Ziegler, deuxième patiente sur le liste des 30 empoisonnements qui lui sont imputés, décédée cinq jours seulement après M. Iehlen.
Cette femme de 74 ans a-t-elle été empoisonnée? "Je ne pense pas. Je pense qu'il y a eu une pathologie cardiaque sous-jacente" et "que cette patiente a été sous-estimée sur le plan cardiaque", a indiqué M. Péchier à la barre.
Selon l'accusé, "il n'y a pas d'argument pour montrer une intoxication aux anesthésiques locaux".
"On n'a aucune preuve: pas de dosage sanguin, pas d'analyse de poches de perfusion, si ce n'est une trace de lidocaïne dans une ampoule de Nimbex" utilisée lors de l'intervention, a-t-il détaillé.
Deux premiers experts entendus vendredi n'ont pas voulu se prononcer sur l'origine de son décès.
Les docteurs Alain Miras et Matthieu Biais ont au contraire, lundi, "été beaucoup plus tranchés" en faveur de l'hypothèse d'une intoxication à la lidocaïne, a relevé la présidente de la cour, Delphine Thibierge.
L'une des deux avocates générales, Thérèse Brunisso, a souligné les similitudes entre les décès de Damien Iehlen et Suzanne Ziegler: "même temporalité dans l'apparition des troubles médicaux, cinq minutes après l'induction, même troubles cliniques, même lidocaïne retrouvée dans les séquestres, à quatre jours d'intervalle".
"Vous emmenez la cour sur des chemins de traverse", a-t-elle lancé en direction de l'accusé. "M. Péchier, est-ce que tout cela est bien sérieux au regard de la gravité des accusations dont vous faites l'objet?
Frédéric Péchier est jugé depuis le 8 septembre pour 30 empoisonnements de patients âgés de 4 à 89 ans, dont 12 mortels, dans deux cliniques privées de Besançon entre 2008 et 2017.
L'ancien médecin anesthésiste-réanimateur comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 19 décembre.
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