Mené par la BCE, le système unique de supervision devrait révéler ce que les superviseurs nationaux se sont employés à dissimuler
Les dossiers économiques et financiers se sont imposés dans la campagne pour les élections européennes organisées dimanche prochain. L’union bancaire s’imposera-t-elle comme un rempart à de nouvelles crises ? Elle ne saurait suffire, estime Jean-Paul Pollin.
On a beaucoup expliqué que l’objectif immédiat de l’Union Bancaire Européenne (UBE) était de rompre le cercle vicieux entre la crise des dettes publiques et celle des banques : l’interdépendance de l’une et de l’autre engendrant des déséquilibres cumulatifs. Cette spirale déstabilisante a fragmenté l’espace financier européen et brisé l’illusion d’une politique monétaire unique, puisqu’elle a provoqué une forte divergence des taux d’intérêt entre les pays de la zone. De fait, elle a aggravé les difficultés des économies les plus fragiles qui ont dû supporter des conditions de financement (privé et public) très restrictives. Ce qui a dégradé, aussi bien leurs problèmes de compétitivité, que la situation de leurs finances publiques.
L’éclatement de la zone, qui semblait inévitable au tournant des années 2011-2012, a été évité par l’entrée en jeu du président de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi , qui a su convaincre de sa volonté et de ses capacités d’action, et a ainsi pu réduire sensiblement les écarts de taux. Mais il est peu probable que ce véritable tour de magie puisse être répété à l’avenir. De sorte que l’on est conduit à se demander si l’UBE, sous sa forme actuelle, pourra s’y substituer et sera capable de contrer une possible nouvelle dislocation de l’espace financier européen. Plusieurs raisons amènent à en douter.
D’abord parce que les dettes publiques des pays de la zone sont tout aussi présentes qu’il y a deux ou trois ans dans les bilans de leur système bancaire . Or, en dépit des efforts de réduction des déficits, le niveau de ces dettes continuera d’augmenter encore plusieurs années. Ce qui peut soulever des inquiétudes sur leur valeur et donc sur la robustesse des bilans bancaires.
Ensuite parce que l’exercice d’appréciation des actifs bancaires (l’AQR) menée actuellement par la BCE devrait logiquement déboucher sur des recommandations de liquidation, de démantèlement ou au moins de recapitalisation de certains établissements : le système unique de supervision devrait révéler ce que les superviseurs nationaux se sont employés à dissimuler . Il est prévu que les pertes enregistrées dans ces circonstances seront absorbées par les actionnaires est les créditeurs des banques (le fameux « bail in »). Mais ceci ne se fera pas sans dégâts pour les établissements et les économies concernées, notamment par l’intermédiaire des conditions de financement. Et dans le cas des sinistres les plus importants, ce sont les Etats, comme par le passé, qui devront intervenir car le « fonds de résolution » européen, prévu à cet effet, ne pourra être sollicité de façon significative que d’ici quatre ou cinq ans. Quant à la mutualisation des systèmes nationaux d’assurance des dépôts, elle a été ajournée sine die.
En l’état l’UBE n’offre donc qu’un système d’assurance minimal, bien loin de l’esquisse d’Union Budgétaire dont rêvaient certains . De ce fait, les rouages de la spirale déstabilisante sont toujours bien présents, à peine affaiblis par la perspective du « bail in ». Et les marchés se reprennent à douter…
Jean-Paul Pollin
Jean-Paul Pollin est professeur à l’Université d’Orléans et également président de la Commission « Système financier et financement de l’économie » du Conseil national de l’information statistique .
Ses principaux domaines d’expertise sont les monnaies, la banque et la finance.
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