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Les acheteurs étrangers prennent goût à la négociation immobilière
information fournie par Le Figaro 14/06/2024 à 06:00

Les étrangers négocient désormais les prix d’après les notaires du Grand Paris. Mais moins que les Français, selon les agents immobiliers. Voire pas du tout, pour les biens sans défaut qu’ils achètent comptant.

Les prix de l’immobilier en Île-de-France ont chuté de plus de 8 % entre les premiers trimestres 2023 et 2024. « Les prix baissent mais de manière insuffisante », relève Élodie Frémont, présidente de la commission des statistiques immobilières et notaire à Paris. Avant d’ajouter une phrase inattendue: « Même les étrangers négocient. »

Cette tentative des acquéreurs étrangers de faire fléchir les prix immobiliers parisiens est un phénomène nouveau, apparu pour la première fois début 2022, avant de s’accélérer au troisième trimestre 2022 puis en 2023 et en 2024, selon elle. « Cette date coïncide avec la période où le marché parisien a commencé à traîner de la patte, à se durcir. En parallèle, le dollar américain est devenu plus fort », analyse Élodie Frémont. Les acquéreurs américains, italiens, anglais, ont conscience que dans un contexte de flambée des taux d’intérêt , payer en cash est un plus et comme cela offre la possibilité de signer très rapidement la promesse de vente, ils tentent de négocier les prix, « chose que l’on ne voyait jamais avant ».

Leur monnaie étant forte et le nombre de candidats potentiels sur un même produit étant réduit, les Américains sont donc en position de force pour négocier. « J’ai vu du 10% de décote sur des produits haut de gamme », confie Élodie Frémont. En face, comme la plupart des ventes sont contraintes, donc provoquées par des divorces, des successions..., les vendeurs ne discutent pas. Ils ont un besoin urgent de trésorerie et la possibilité de régler une vente rapidement sans risquer de se voir opposer un refus de crédit en face les rassure, quitte à accepter une décote. « C’est une nationalité pour laquelle l’argent n’est pas tabou donc cela ne les dérange pas de montrer leurs revenus », ajoute Élodie Frémont. « Environ 90% de leurs achats se font comptants donc ils ne discutent pas si le logement leur convient parfaitement bien et ils ne vont pas faire le tour des agences pour voir s’il est pile dans le prix », nuance Andréa Boström Mouls, directrice de Varenne, agence spécialisée dans l’immobilier haut de gamme depuis trente ans.

Le DPE non dérangeant pour les Américains

Élodie Frémont remarque que les étrangers non-résidents sont de plus en plus exigeants sur la qualité du produit. Avant, si un produit avait le bénéfice d’une belle adresse mais péchait par son étage (un premier étage par exemple), il satisfaisait quand même les étrangers. Aujourd’hui, la clientèle étrangère est toujours attentive à l’adresse (les 6e, 7e et une partie du 16e sont prisés) mais aussi à l’étage et au bruit. « Par contre le diagnostic de performance énergétique, DPE , n’a jamais dérangé aucun Américain non-résident. C’est une clientèle plus aisée donc la surconsommation et la facture qui va avec ne les dérangent pas », reconnaît la présidente de la commission des statistiques immobilières et notaire à Paris.

Le DPE joue effectivement moins aux yeux des étrangers qu’aux yeux des Français, selon Richard Tzipine, directeur général de Barnes, réseau immobilier spécialisé dans l’immobilier de luxe. « Ce qui joue plus c’est le clé en main. Dans le quartier Odéon (NDLR dans le 6e arrondissement de Paris), un Canadien a acheté un 120 mètres carrés clés en main, nickel, sans travaux, pour 29.000 euros le mètre carré », donne-t-il à titre d’exemple. « Les Américains achètent des biens rénovés donc qui affichent un bon DPE souvent. Mais si c’est un bien à refaire avec un mauvais DPE, ce n’est pas déterminant ni rédhibitoire. Ce n’est pas une population qui affectionne les travaux donc c’est plus rare qu’ils s’intéressent à ce type de biens toutefois , elle préfère les appartements en parfait état qui combinent décoration contemporaine, cachet de l’ancien et éléments d’origine conservés », ajoute Jean-Philippe Roux directeur d’agence John Taylor, qui compte 70% de clients étrangers.

Pour Thierry Delesalle, porte-parole de la Chambre des notaires de Paris, « les étrangers lisent la presse aussi et voient des baisses de prix de 8% en un an. Lorsqu’ils achètent un bien, il est compliqué pour eux qui ne résident pas ici de savoir si le vendeur a bien opéré cette décote. Ils tentent donc de négocier .» Il assure que les biens sans défaut continuent à partir sans négociation aucune, « sinon ils vous filent entre les doigts. Il y a encore des acquéreurs ».

Les étrangers négocient moins que les Français

Richard Tzipine rejette cette « généralité sur les étrangers ». Il explique que « les Moyen-Orientaux et les Libanais ont toujours négocié. Les Américains, eux négociaient moins, cela ne fait pas partie de leur culture. Il existe plusieurs mentalités ». Les Emiratis sont les « champions du monde de la négociation, c’est dans leur nature. Ils obtiennent des décotes de 10 à 25% », souligne Frank Sylvaire, directeur associé de Paris Ouest Sotheby’s Realty. Tout dépend aussi de l’achat effectué. S’il s’agit d’une résidence principale, les étrangers négocient comme les Français alors que s’il s’agit d’un pied à terre, ils ne négocient pas et marchent au coup de cœur. « Par exemple, un couple d’Américains qui cherchait un pied-à-terre typiquement parisien rue Oudinot, dans le 7e arrondissement de Paris a eu un coup de cœur et a acheté en trois jours un bien à 25.000 euros le mètre carré sans chercher à négocier », ajoute-t-il.

Jean-Philippe Roux abonde dans son sens: « Les étrangers négocient beaucoup moins que les Français. Ils achètent plus chers car ils n’acquièrent pas la même chose. C’est un marché de résidence secondaire, un achat plaisir non pas pour se loger mais pour profiter d’une ville qu’ils adorent », explique-t-il. Les taux de négociations chez les étrangers sont compris entre 0 et 5% selon lui, là on serait à des pourcentages supérieurs chez des Français. Il prend l’exemple d’un petit pied à terre à refaire (bien qui attire moins les étrangers qu’un bien clé en mains en général). « Ce petit bien de deux chambres situé du côté du Champ de Mars offre une vue sur la Tour Eiffel. Les meilleures offres déposées par des Français proposaient un tarif situé 15% en dessous du prix affiché. Un Américain a fait une offre 5% en dessous du prix. Les étrangers ne vont pas mettre la même valeur sur une vue sur un monument . Pour eux, une vue est déterminante », ajoute-t-il. Le bien est ainsi parti en 15 jours à 1.300.000 euros. Des Anglais ont négocié le prix d’une maison à Neuilly, dans les Hauts-de-Seine (92), « le bien étant présenté un peu au-dessus du prix du marché, le propriétaire voulant tester un peu plus de hauteur. Affiché à 4.850.000 euros, ils l’ont acheté pour 4.600.000 euros. Les clients payaient comptant donc le propriétaire a accepté », explique Frank Sylvaire, directeur associé de Paris Ouest Sotheby’s Realty. « Les étrangers sont fascinés par la France et notamment par Paris. Si on gagne leur confiance, si l’on fait preuve de transparence, qu’on leur explique pourquoi tel appartement se vend tel prix, ils formulent une offre proche du prix affiché », assure Andréa Boström Mouls.

De plus, ils viennent à Paris pour des périodes très courtes et n’ont pas le temps de négocier: « Ils sont là entre un et quatre jours et veulent conclure le deal rapidement. Ils n’ont pas de temps à perdre, le temps c’est de l’argent. S’ils s’amusent à négocier, cela peut prendre 15 jours à un mois supplémentaire », selon Frank Sylvaire. Il prend l’exemple d’un client originaire de Hong Kong, en Chine, qui cherchait un 200 mètres carrés dans le Triangle d’or: « Il a visité les appartements proposés le vendredi, revisité le samedi, fait une offre au prix pour un meublé clé en mains dans le 8e arrondissement de Paris. On a fait rouvrir l’étude notariale le dimanche pour signer la promesse de vente. Le lundi, on a lui a ouvert un compte bancaire dans une banque internationale pour qu’il verse le séquestre et il est reparti le mardi. En 5 jours, tout était fait », conclut-il.

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