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«C'est devenu normal dans les transports, pourquoi ça ne le serait pas ici?» les commerçants face au port obligatoire du masque
information fournie par Le Figaro 20/07/2020 à 16:10

(Crédits photo : Unsplash - Zhang Kenny )

(Crédits photo : Unsplash - Zhang Kenny )

Beaucoup se félicitent de cette nouvelle réglementation. Mais la faire appliquer n'est pas sans difficultés.

Un homme en costume s'engouffre dans la boutique d'un pas leste et le regard affairé. « Monsieur. Monsieur! appelle Colette sans ambages. Il faut mettre du gel hydroalcoolique monsieur, pour les mesures barrières ».

Colette, vendeuse chez Sephora, est une infatigable vigie dans un univers qui ne se prête pas aux gestes barrières: celui des cosmétiques. Elle a maintenant pour mission de veiller à ce que tous les clients entrent munis d'un masque, dont le port est obligatoire dans les lieux publics clos à compter de ce lundi.

Colette doit donc garder un œil sur les clients qui viennent sentir un parfum, tester une crème ou un rouge à lèvres. L'expérience est sensorielle par essence. Il faut revoir toutes les pratiques. « Les gens ne se rendent pas compte que des centaines d'autres ont touché les produits avant eux. Je vois des dames baisser leur masque et coller le flacon de parfum à leur nez. Alors je leur dis de ne pas le faire, mais au final, cela peut être épuisant. Nous avons beaucoup de messages à répéter, entre les mesures sanitaires et les promotions en magasin. »

Dans le club de sport Basic Fit, rue de la Chaussée-d'Antin (IXe arrondissement), le masque est imposé aux sportifs durant tous leurs déplacements dans le centre, sauf lorsqu'ils s'exercent sur les machines, « car ils ont besoin de souffle ». Il faudra bien s'y habituer car les contrevenants s'exposent à des sanctions: le port obligatoire du masque est maintenant inscrit dans le règlement de la salle de sport. « Si les clients ne respectent pas, ils ont droit à un avertissement. S'ils récidivent, leur abonnement peut être suspendu » explique Mathieu, agent d'accueil. Le gouvernement a également annoncé que toute personne qui ne porterait pas de masque dans un lieu public clos s'expose à une amende de 135 euros. « Les gens savent que si ce n'est pas respecté, on va fermer et qu'au final ils ont tout à y perdre », veut croire Mathieu.

Les grandes enseignes se montrent intransigeantes: le port du masque doit permettre d'éviter un reconfinement, qui mettrait la reprise économique sérieusement en péril. « Les commerçants ont vécu un confinement. Mais ils ne pourront pas le supporter une deuxième fois. C'est pour cette raison que les professionnels sont demandeurs d'un message de vigilance; Il vaut mieux que les règles soient écrites et claires », explique Isabelle Bricard, secrétaire générale de la Confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD), qui se félicite de cette nouvelle obligation.

Heureusement, le masque entre dans les mœurs. Dans beaucoup de grandes enseignes, le masque est obligatoire depuis le déconfinement. Des commerçants ont également pris cette initiative à titre individuel. « C'est devenu normal dans les transports, pourquoi ça ne le serait pas ici? » nous glisse une restauratrice avec un haussement d'épaules, en préparant sa terrasse XXL.

Posté à l'entrée de la boutique H&M du boulevard Haussmann, un vigile rappelle à l'ordre, catégorique, les clients qui entreraient sans masque et ceux qui n'emprunteraient pas la bonne porte pour sortir. Au rayon des accessoires de coiffure, Karine, styliste d'une trentaine d'années, fait la moue derrière son masque mordoré: « moi, je ne porte un masque que lorsqu'on m'y oblige, parce que je ne suis pas certaine de son efficacité ».

Norbert, jeune vendeur, n'a quant à lui pas vraiment le temps de faire la police: il faut remettre les vêtements en rayon, surveiller les vestiaires, filer en caisse... Le métier est déjà prenant. Et en plein début de soldes, les gestes barrières s'oublient vite. Les clients s'agglutinent dans la partie du magasin où se concentrent les produits en promotion. « Ça se passe de mots », glisse le vendeur.

Le masque, en revanche, est obligatoire dans les boutiques H&M depuis le premier jour du déconfinement. Les clients s'y sont donc habitués au fil des semaines: « environ 90% des gens le portent d'eux-mêmes », estime Norbert.

« Vous savez ce qui est arrivé au chauffeur de bus »

Ce taux est largement plus bas dans un petit bar-tabac du XVe arrondissement: « à peu près 50% des gens qui viennent portent un masque », juge le patron. On serait même tentés de penser qu'il gonfle le chiffre. Deux clients entrent sans masque, puis un autre, puis encore un autre. Une clientèle de quartier, qui le salue jovialement et qui feint d'ignorer le panneau placardé devant la caisse enregistreuse: « chez mon buraliste, le masque est obligatoire ». Mais le patron ne les rappelle pas à l'ordre. « C'est un petit commerce, je ne suis pas Carrefour. J'ai peur de vexer les gens en leur faisant des reproches ». Il fait une pause. « Et puis, vous savez ce qui est arrivé au chauffeur de bus qui avait demandé à des passagers de respecter les gestes barrières? ».

Le 5 juillet dernier, Philippe Monguillot, conducteur de bus, a été victime d'une agression mortelle. Il a été roué de coups pour avoir demandé à des passagers de porter un masque dans le véhicule. « Franchement, oui, ça m'a fait peur », lâche le buraliste.

Maurice, client du coin, entre en mettant son masque siglé d'un petit drapeau bleu-blanc-rouge. Puis il l'abaisse au fil de la discussion, avant de l'enlever carrément et de le rouler en boule dans sa main. « Moi, je pense qu'on veut surtout faire peur aux gens et qu'on devrait les laisser faire ce qu'ils veulent. Porter le masque ou ne pas le porter, c'est leur choix. D'ailleurs, vous savez que le tabac protège du Covid? Les grands fumeurs ne développent jamais de forme grave de la maladie », prétend-il tout de go. Maurice a donc décidé de fumer davantage. Après avoir englouti un café noir sur le zinc, il quitte le bar-tabac avec trois cartouches de cigarettes sous le bras. Ce que désapprouverait certainement son médecin...

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