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Saisies sur salaire pour des loyers impayés : 5 raisons de ne pas se réjouir trop vite
information fournie par Le Figaro 25/07/2025 à 07:00

(Crédits: Pixabay - Jörg Hertle)

(Crédits: Pixabay - Jörg Hertle)

- Les loyers impayés peuvent désormais être prélevés plus rapidement sur les salaires des mauvais payeurs. Mais cette bonne nouvelle en cache de mauvaises.

Comme chaque été, des nouvelles passent inaperçues. Généralement, elles sont mauvaises, comme la hausse d'une taxe par exemple. Pour une fois, l'une d'entre elles est bonne. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a déclenché une vague de réactions et d'enthousiasme chez les propriétaires . « J'ai reçu une avalanche de messages du genre « Quels sont vos tarifs ? », « Est-ce qu'on peut en parler rapidement ?», «Les professionnels sont concernés ? », raconte Fabian Regairaz, notaire au Bourget (93). Mercredi, j'avais une cinquantaine de personnes devant mon étude. »

Pourquoi cette euphorie ? Une annonce inattendue est à l'origine de cet engouement : les loyers impayés peuvent être prélevés directement sur les salaires des locataires, depuis le 1er juillet . « Sans juge. Sans audience. Sans stress », ajoute Me Regairaz. « Cette avancée aura une portée psychologique , ajoute Me Lorène Derhy, avocate en droit immobilier. Se faire ponctionner son salaire par son bailleur, c'est rude. La pression est maximale. » Au premier abord, cette bonne nouvelle semble mettre fin à tous les maux des bailleurs. En réalité, cette avancée n'est que limitée. « Elle vous fera gagner 1 ou 2 mois de procédure », affirme Me Romain Rossi-Landi, avocat en droit immobilier. La preuve en 5 raisons.

• Passer par un juge reste indispensable

Lorsque Me Regairaz explique qu'il n'y a plus besoin de passer par un juge, c'est pour demander une saisie qui ne se résume pas seulement aux salaires mais qui peut concerner aussi les comptes bancaires ou encore les meubles du locataire. Avant le 1er juillet, un propriétaire devait d'une part, obtenir d'un tribunal une décision qui condamne le locataire à payer sa dette et, si besoin, qui autorise le propriétaire à l' expulser - qu'on appelle dans le jargon juridique un « titre exécutoire ». En cas de signature d'un bail notarié , celui-ci est directement exécutoire assure Me Fabian Regairaz. D'autre part, dans un deuxième temps, il fallait attendre un jugement autorisant le bailleur à saisir le salaire du mauvais payeur. Sans compter les commandements de payer délivrés par un commissaire de justice avant et après la décision du tribunal. Désormais, il n'est plus nécessaire de passer devant le tribunal pour une saisie sur salaire.

En revanche, la procédure pour obtenir un « titre exécutoire » reste indispensable pour pouvoir effectuer la saisie. Et celle-là dure généralement plusieurs mois. « Le passage par un juge est nécessaire et, contrairement à ce qu'on a pu lire, la garantie loyers impayés reste pertinente car elle permet de contrôler la solvabilité des locataires et d'avoir accès aux commissaires de justice. Les propriétaires se bercent d'illusions sur leur capacité à pouvoir récupérer leurs loyers par eux-mêmes », martèle Valérie Imbert, directrice des opérations de Solly Azar, compagnie d'assurances.

• Le locataire peut faire traîner la procédure

Une fois que la décision d'expulsion a été validée, le propriétaire doit demander à un huissier d'adresser un commandement de payer au locataire. Ce dernier a un mois pour répondre. Il peut contester cette décision ainsi que la demande de saisie et ainsi faire traîner la procédure judiciaire. Sauf si le propriétaire arrive à prouver la mauvaise foi du locataire qui a les moyens de payer son loyer, contrairement à ce qu'il prétend.

Dans ce cas, le bailleur peut espérer du juge qu'il n'accorde aucun délai au locataire. « Près d'un de nos dossiers sur deux (49%), est clôturé en moins de 3 mois. Tant que le propriétaire n'a pas récupéré la totalité de son dû, le dossier n'est pas clôturé. Dans 70% des cas, le locataire recommence à payer son loyer. Nous privilégions la médiation, le paiement échelonné ou la saisie des meubles mais pas des salaires », souligne Valérie Imbert qui précise que seuls les dossiers dont l'indemnisation est terminée sont pris en compte dans leur calcul qui repose sur la date d'ouverture du dossier et pas celle de la déclaration de sinistre, séparées d'environ un mois.

• Le locataire se rend insolvable

C'est LA grosse zone d'ombre autour de cette bonne nouvelle en trompe-l'œil. Pour éviter d'avoir à rembourser leurs loyers impayés, les locataires, souvent sur les bons conseils de leur entourage, organisent leur insolvabilité. « Dans 90% de mes dossiers, mes clients récupèrent leur logement mais jamais leurs loyers impayés », affirme Me Romain Rossi-Landi. Lassés par les procédures longues et coûteuses, ils laissent tomber. Et doivent souvent s'asseoir sur plusieurs dizaines de milliers d'euros. C'est le cas de propriétaires qui ont dû attendre plus de 10 ans avant de récupérer leur maison de 45 m² à Châtillon (92). Le couple de locataires, sans travail, a priori insolvable, leur doit plus de 32.000 euros.

• La chasse aux «faux» insolvables

Aux dires des avocats, « ce sont les pires dossiers ! » Lorsque les propriétaires ont affaire à des locataires de mauvaise foi, ils se tirent les cheveux. Surtout lorsque ces derniers trichent sur leurs revenus. C'est arrivé à des propriétaires qui ont loué, pour 1820 euros par mois, leur maison de 131 m² dans les Yvelines (78). La locataire leur a transmis des feuilles de paie faisant état d'un salaire net avant impôts variant entre 9500 et 10.000 euros par mois. Et pourtant, peu de temps après la signature du bail, cette influenceuse très active sur TikTok et Instagram, n'a plus été en capacité de payer ses loyers.

Après enquête, le compte bancaire de la locataire était crédité de... 15 euros. Soit les documents communiqués par la locataire sont authentiques et le non-paiement intégral des loyers et charges est « abusif », estime l'avocat des propriétaires, soit ces documents ne le sont pas et la locataire ne dispose pas des ressources qu'elle prétend avoir. Pour les plaignants qui vont assigner la locataire en justice, la mauvaise foi de celle qui leur doit environ 11.000 euros, ne fait aucun doute.

• Un parcours du combattant pour récupérer ses loyers

Ils sont rares mais ils sont déterminés. Il arrive que des propriétaires tiennent absolument à récupérer leurs loyers. « Une cliente a attendu 6/7 ans avant de se faire rembourser ses 64.000 euros », se souvient Me Rossi-Landi. Mais pour cela, non seulement ils doivent s'armer de patience mais en plus, il leur faut engager des moyens importants. Ils doivent faire appel à un commissaire de justice qui va vérifier les comptes bancaires et les déclarations de revenus du locataire. « Certains de mes clients engagent également un détective pour savoir si le locataire, sans travail, a trouvé un nouvel emploi et touchent des revenus », confie l'expert en droit immobilier.

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