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Copropriété : 35 % des contrats proposés par les syndics comportent de graves irrégularités
information fournie par Le Figaro 03/11/2025 à 09:17

Selon la CLCV, les anomalies sont encore beaucoup trop nombreuses par rapport au contrat type. Ce document s’impose pourtant depuis 2014 aux professionnels de la gestion des copropriétés.

Attention aux dérapages et abus en tout genre ! Telle est la conclusion l’étude de l’association de consommateurs CLCV sur les contrats de syndic dont Le Figaro révèle la teneur. Pour y voir clair sur les pratiques du secteur, l’association a passé au crible quelque 195 contrats proposés à des copropriétés en 2023. Ces contrats lui ont été envoyés par des adhérents ou par des abonnées à sa lettre d’information, résidants un peu partout en France.

Il y a de quoi s’inquiéter. Seulement 29 % des contrats passés au crible sont conformes au contrat type fixé par décret, soit moins d’un tiers. « C’est très peu », déplore David Rodrigues, juriste à la CLCV. À l’inverse, 71 % présentent des anomalies dont 35 % des anomalies graves ou « violations », parce que susceptibles de conduire à un préjudice financier pour les copropriétaires. Pour la CLCV, la Commission de contrôle des professionnels de l’immobilier promise en 2014 mais toujours pas créée se justifie pleinement. À quelques jours du salon annuel de la copropriété à Paris, l’association réclame à nouveau l’instauration de cette commission, de manière à « améliorer le dispositif » alors que « la matière paraît suffisamment encadrée pour ne pas avoir à légiférer à nouveau ».

Les cabinets rattachés à des grands groupes apparaissent comme de bien meilleurs élèves que les syndics indépendants. Les contrats totalement conformes sont de 57 % chez les premiers, mais tombent à 12 % chez les seconds. La proportion de contrats comportant une ou plusieurs violations du contrat type est de 17 % dans les cabinets appartenant à des grands groupes, contre près de la moitié pour les cabinets indépendants (46 %). « Les groupes ont fait un gros travail d’homogénéisation des documents et des process ces dernières années », commente David Rodrigues.

Anomalies, irrégularités, violations...

Que faut-il entendre par anomalies, irrégularités graves ou violations ? Comme le rappelle, David Rodrigues, les contrats de syndic doivent être identiques au contrat type, le modèle prérédigé défini par décret et qui s’impose tel quel aux syndics depuis la loi Alur de 2014. « Il faut seulement remplir les blancs et rayer ce qui doit l’être quand un choix est possible. Mis à part cela, rien ne peut être ajouté et rien ne peut être supprimé ». Pourquoi ? Parce que supprimer des éléments – y compris quand ils ont été rayés – reviendrait à priver les copropriétaires de l’information sur des services auxquels ils pourraient prétendre mais dont ils n’auraient pas connaissance parce que purement et simplement retirés du document. Par exemple, la possibilité d’avoir un compte rendu écrit quand le gestionnaire d’immeuble visite l’immeuble. À l’inverse, ajouter les éléments peut conduire à facturer des prestations qu’ils n’ont pas à régler.

Le « bonneteau » du HT et du TTC

Certaines de ces anomalies ou écarts par rapport au contrat type, fort heureusement, ne prêtent pas à conséquence. Par exemple quand le prix des prestations est seulement indiqué en TTC, au lieu de HT et TTC. « Ce n’est pas grave parce que le copropriétaire sait combien cela lui coûtera. Si les montants sont seulement indiqués en HT, il peut vraiment y avoir confusion ». C’est ce que fait un syndic basé à Vaison-la-Romaine dont nous avons pu consulter le contrat. Le contrat est encore plus perturbant quand le syndic met des montants HT pour certaines prestations et TTC pour d’autres, comme le fait un autre cabinet de province.

D’autres anomalies peuvent se révéler bien plus ennuyeuses encore pour le portefeuille des copropriétaires, voire carrément trompeuses. La CLCV les qualifie de «violation». Depuis fin 2020, un syndic qui refuse de remettre au Conseil syndical les documents qu’ils demandent s’expose à des pénalités de 15 euros par jour et par document non transmis. Cette pénalité figure en bonne place dans le contrat type. Manifestement, les syndics n’apprécient guère cette mesure. Quand certains cabinets suppriment carrément cette partie, d’autres modifient à leur guise le montant de la pénalité : 10 euros, 1 euro... au lieu des 15 euros. Un syndic établi à Amiens fait plus fort encore. Au lieu de faire apparaître le montant de 15 euros, il mentionne « un montant fixé par décret », sans le préciser. Les sanctions sont pourtant bien réelles. Un syndic a récemment été rattrapé par la justice pour avoir refusé de transmettre des documents, au final contraint de renoncer à 9000 euros d’honoraires.

Parmi d’autres anomalies : la mise à jour de l’état daté . Ce document établi par le syndic qui donne une photographie de la santé financière de l’immeuble – budget, impayés, etc. – et remis au notaire de l’acheteur lors de la vente du lot ne peut être facturé qu’une seule fois, au prix maximum de 380 euros TTC. Les actualisations éventuelles (parce que l’Assemblée générale s’est déjà tenue, parce qu’un copropriétaire a remboursé une grosse partie de ses impayés de charges, etc.) ne peuvent donner lieu à aucune facturation supplémentaire. Un cabinet basé à Caen réclame pourtant 60 euros. Pas question non plus de voir apparaître le pré-état daté dans un contrat de syndic. Il n’a rien à y faire. Ne serait-ce que parce que ce document peut être établi par le copropriétaire vendeur.

La CLCV trouve également dans 17 % des contrats des « vacations horaires différenciées, avec des montants variant selon la nature de la prestation, la tranche horaire ou la personne concernée » . « Il s’agit , met en garde l’association, d’une pratique illégale dans la mesure où il ne peut être facturé qu’une vacation horaire au taux unique et qui, de surcroît, nuit à la bonne comparabilité des contrats entre eux. » Et que dire de ce contrat d’un des poids lourds du secteur dans lequel la majoration horaire sur un dégât des eaux urgent est de « 30 % minimum » ? Cette mention est illégale parce que non précise, ouvrant la voie à des facturations abusives. « Les grands groupes ont tendance à privilégier la vacation horaire plutôt que le forfait. Le problème, c’est le contrôle , complète David Rodrigues. Mais c omment s’assurer que le syndic a bien passé trois heures sur un dossier ? » Tout syndic doit pouvoir justifier de manière précise le montant de ses vacations horaires, celles qui n’entrent pas dans le champ des prestations de gestion courante gratuites parce que comprises dans ses honoraires.

Les « vraies fausses » gratuités

De la violation à la manipulation, il n’y a qu’un pas. Certains syndics ont l’art de brouiller les pistes, trompant à dessein les copropriétaires, avec peut-être l’objectif de se faire mousser ou de laisser à penser qu’ils leur font une fleur. C’est le cas de ce cabinet qui facture l’état daté 380 euros TTC – le maximum prévu dans les textes – tout en inscrivant que le montant maximum facturable est, selon le décret, de 450 euros TTC. Ce qui est faux. « Nous voyons aussi apparaître des prestations mentionnées comme gratuites, donnant l’impression aux copropriétaires qu’elles pourraient être facturées alors qu’il n’en est rien », commente David Rodrigues. En plus d’être trompeuses, ces « vraies fausses » gratuités ouvrent la voie des facturations futures, précise le juriste.

L’analyse de la CLCV n’est pas qu’accablante. Il y a aussi des satisfecit. La majorité des Assemblées générales (57 %) sont ainsi organisées en dehors des heures ouvrables, gage d’une participation plus importante à ces réunions. Et 9 contrats sur 10 prévoient au moins une réunion par an avec le Conseil syndical, pourtant non imposée dans les textes.

Les pratiques des syndics sont épinglées à intervalles réguliers. Dans une étude publiée en 2024 et passant au crible les contrats de 457 syndics, la DGCCRF avait conclu que 313 cabinets étaient en infraction, avec un taux d’anomalie de 65,4 %. L’enquête avait notamment donné lieu à 2 amendes, 1 proposition de transaction pénale, 150 injonctions, 134 avertissements, 9 PV pénaux et 41 PV administratifs.

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