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Vote du Budget : le 49.3, une arme cruciale... mais pas la seule
information fournie par Boursorama avec Media Services 03/10/2025 à 16:24

Devenue monnaie courante ces dernières années, l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution est une arme redoutable pour le gouvernement. Son renoncement par Sébastien Lecornu lui fait courir plusieurs risques, mais le Premier ministre conserve d'autres outils constitutionnels pour faire passer son budget.

( AFP / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT )

( AFP / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT )

Une utilisation de plus en plus fréquente

L'article 49, alinéa 3 de la Constitution, permet au gouvernement "d'engager (sa) responsabilité" sur un texte de loi, considéré dès lors comme adopté sans vote, à moins qu'une motion de censure ne soit votée dans la foulée par une majorité absolue de députés, entraînant la chute du gouvernement.

Pour les textes budgétaires, son utilisation est illimitée, ce qui en fait une arme très utile.

Utilisé plus de 100 fois sous la Ve République - plus de 50 fois par Michel Rocard et Elisabeth Borne à eux seuls -, le 49.3 a cristallisé la colère sociale lors de son activation par Mme Borne sur la réforme des retraites le 16 mars 2023.

Mais l'engagement de la responsabilité du gouvernement est devenu monnaie courante sur les textes budgétaires: depuis 2022 et l'absence de majorité absolue pour le camp présidentiel à l'Assemblée nationale, tous les budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale ont été frappés du sceau du 49.3.

Preuve que l'outil fonctionne, les Premiers ministres l'ayant activé ont résisté aux motions de censure en découlant, à l'exception de Michel Barnier en décembre 2024.

- Y renoncer, qu'est-ce que ça change ? -

En annonçant qu'il renonçait au 49.3, M. Lecornu prend donc plusieurs risques.

Sans majorité au Palais Bourbon, son budget pourrait tout simplement être rejeté par une Assemblée nationale éclatée en trois blocs irréconciliables.

Le budget risque aussi d'être considérablement remodelé à la chambre basse par les oppositions, avec, par exemple, l'ajout de nombreuses mesures fiscales redoutées par le camp macroniste et la droite.

"Se priver d'un outil aussi redoutablement efficace est une sorte de pari pour le Premier ministre", reconnaît auprès de l'AFP Audrey de Montis, maître de conférences en droit public à l'université de Rennes. Avec un avantage: "Cela renvoie la responsabilité de manière beaucoup plus visible sur les parlementaires", ajoute la spécialiste du Parlement.

"Nous sommes dans le moment le plus parlementaire de la Ve République", a d'ailleurs noté le Premier ministre, qui espère ainsi échapper à la censure.

De fait, sans 49-3, seuls le dépôt et l'adoption d'une motion de censure dite "spontanée" pourraient entraîner sa chute.

Autre atout entre les mains du locataire de Matignon: l'opinion. Selon un sondage Elabe de juillet 2024, sept Français sur dix s'opposent au 49.3.

- D'autres outils existent -

Avec ce renoncement, M. Lecornu est-il désormais à la merci de ses oppositions au Palais Bourbon ?

"La Constitution dispose d'un tel panel de dispositifs que le Premier ministre, même s'il prend un risque, n'est pas complètement désarmé", pointe Audrey de Montis.

Parmi ses options: demander des secondes délibérations si l'issue d'un vote ne lui convient pas, opter pour un "vote bloqué" pour obliger une assemblée à se positionner sur l'ensemble du texte, ou encore l'article 40 de la Constitution.

Ce dispositif rend irrecevable tout amendement parlementaire augmentant les dépenses de l'Etat, comme par exemple... la suspension ou l'abrogation de la réforme des retraites, souhaitée par la gauche. Or jusqu'ici, le camp présidentiel a toujours empêché la tenue du moindre vote sur le sujet.

Autre disposition constitutionnelle à surveiller: l'article 47, qui permet au gouvernement de mettre en vigueur le budget par ordonnances si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 70 jours.

Ce scénario inédit, envisagé par plusieurs sources macronistes, inquiète notamment le chef de file RN sur le budget Jean-Philippe Tanguy, qui accuse depuis plusieurs jours M. Lecornu de "jouer la montre" pour "court-circuiter le Parlement".

"Cela peut être une stratégie gouvernementale: demander aux deux assemblées de faire leur travail, tout en sachant qu'au bout d'un moment, il dispose d'armes constitutionnelles pour aller plus vite, voire pour faire sans elles si cela ne fonctionne pas", résume Audrey de Montis. Au risque de se faire renverser ?

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