
La prison de Vendin-le-Vieil, le 22 juillet 2025 dans le Pas-de-Calais ( AFP / FRANCOIS LO PRESTI )
"Des erreurs de casting": deux détenus ont contesté lundi devant le tribunal administratif de Lille leur transfert dans le nouveau quartier spécial narcotrafiquants de la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), alors que les recours se multiplient en France contre ce dispositif.
"Ce que nous contestons, c'est l'erreur de casting", a lancé l'avocate de ces deux détenus, Me Delphine Boesel, lors de sa plaidoirie en référé-suspension. Selon elle, l'administration a voulu remplir ce quartier de 100 places "sans prendre en compte la réalité des dossiers" individuels.
Son premier client, qui a déjà purgé une peine de six ans de prison pour trafic de stupéfiants, exécute actuellement deux ans ferme pour "faux documents" jusqu'en juillet 2026. Il est aussi mis en examen pour corruption de surveillant.
"Mais cette instruction ne peut pas justifier sa place au QLCO", le quartier de lutte contre la criminalité organisée de Vendin-le-Vieil, selon son avocate, décrivant des conditions "pires qu'à l'isolement" qu'il subissait auparavant à la prison de la Santé à Paris.
En visioconférence, le détenu dénonce une mesure "hypocrite": "On me propose comme fin de peine de me socialiser avec les 100 plus gros narcotrafiquants de France", ironise-t-il, rappelant avoir passé en prison l'équivalent du bac, un BTS et participé à des concours d'écriture ou d'éloquence.
En juillet, "quand on me met les menottes pour m'envoyer au QLCO, je suis en état de sidération. Je suis séparé de ma famille, il n'y a pas d'unité de vie familiale ici", déplore-t-il.
Une représentante du ministère de la Justice réplique que le QLCO était "de moindre sévérité que l'isolement". Le détenu peut recevoir ses proches, y compris ses enfants mineurs "sans hygiaphone", et poursuivre ses cours par correspondance, assure-t-elle.
Pour son second client, condamné à quinze ans de réclusion criminelle, Me Boesel a également mis en cause ce placement à Vendin-le-Vieil: "S'il ne peut pas travailler, pas aller à l'école, pas faire de formation, comment je vais accompagner un homme pour le préparer à sa sortie?"
Les décisions dans ces deux dossiers sont attendues mercredi.
- "Raisons populistes" -
Deux autres recours similaires seront examinés mardi matin à Lille. D'autres tribunaux administratifs ont déjà été saisis, notamment à Caen, Versailles, Amiens, mais aussi Melun (Seine-et-Marne) et Paris, où des requêtes ont été rejetées: les juges du fond devront se prononcer dans les prochains mois.
Me Fabien Arakelian, qui défendra mardi à Lille un autre détenu, dénonce des procédures "en dehors de la loi".
"On a voulu faire de lui un exemple", a-t-il affirmé auprès de l'AFP, fustigeant un transfert à Vendin motivé par "des raisons populistes, électoralistes", relevant du "fait du prince, du garde des Sceaux". "L'opération de communication est réussie, mais c'est un recul de l'État de droit".
En visio-audience à Versailles vendredi, le détenu Sofiane Boukhedimi a décrit ses nouvelles conditions de détention à Vendin: "Je me retrouve d'une situation respectueuse avec l'administration pénitentiaire à l'isolement, à l'enfer (...). Je suis fouillé deux fois par jour, c'est extrêmement difficile".
Entre fin juillet et début août, 88 détenus, majoritairement en détention provisoire, ont rejoint ce nouveau quartier pour narcotrafiquants, le premier à avoir vu le jour en France. Parmi eux figure Mohamed Amra, dont l'évasion sanglante en mai 2024 dans l'Eure a coûté la vie à deux agents pénitentiaires.

Des cellules dans un couloir de la prison de Vendin-le-Vieil, le 14 mai 2025 dans le Pas-de-Calais ( POOL / Michel Euler )
Une vingtaine de détenus ont déjà saisi la justice administrative pour contester leur transfert à Vendin, selon l'entourage du ministre de la Justice Gérald Darmanin.
Parallèlement, l'Association des avocats pénalistes a saisi le Conseil d'État pour obtenir l'annulation du décret autorisant ces quartiers, et M. Darmanin est visé par une plainte pour abus d'autorité devant la Cour de justice de la République (CJR).
D'autres recours, introduits devant des juges de la liberté et de la détention, ont quasiment tous été jugés irrecevables, selon l'administration pénitentiaire, qui précise que des appels ont été interjetés dans le cas contraire.
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