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par Richard Cowan, David Morgan, Bo Erickson et Nolan D. McCaskill
Les opérations de l'administration fédérale américaine ferment en grande partie ce mercredi alors que de profondes divisions partisanes ont empêché le Congrès et la Maison blanche de parvenir à un accord budgétaire, ouvrant la voie à une confrontation qui pourrait s'étendre dans la durée et provoquer la perte de milliers d'emplois fédéraux.
Elus républicains et démocrates n'ont pas avancé mardi dans les négociations de dernière minute sur un texte de financement temporaire destiné à éviter la paralysie de l'administration, effective mercredi à 00h01 (04h01 GMT).
Il s'agit du quinzième 'shutdown' aux Etats-Unis depuis 1981.
Des agences gouvernementales ont prévenu que ce 'shutdown' empêcherait la publication du rapport mensuel sur l'emploi, ralentirait le trafic aérien, suspendrait les travaux de recherche scientifique, priverait les soldats américains de paie et placerait au chômage technique quelque 750.000 employés fédéraux, avec un coût quotidien de 400 millions de dollars.
Le président républicain Donald Trump, qui a entrepris dès son retour au pouvoir en janvier dernier une "purge" de l'administration fédérale qui pourrait aboutir au total à quelque 300.000 suppressions de poste d'ici décembre, a prévenu les démocrates du Congrès qu'un 'shutdown' pourrait ouvrir la voie à des mesures "irréversibles", dont des coupes supplémentaires dans les effectifs et les programmes fédéraux.
Une ultime tentative du Sénat pour faire adopter un texte provisoire, qui financerait les opérations de l'administration jusqu'au 21 novembre, a échoué mardi.
Les sénateurs démocrates ont fait front contre le projet de loi à cause du refus des républicains d'y inclure une extension, au-delà de l'année en cours, de remboursements de soins de santé pour des millions d'Américains. Les républicains disent que cette question doit faire l'objet de débats distincts.
"PAS DE MOTIF SUBSTANTIEL À CE 'SHUTDOWN'"
Selon des analystes indépendants, ce 'shutdown' pourrait durer davantage que les précédents, avec la menace formulée par Donald Trump et des représentants de la Maison blanche de "punir" les démocrates en supprimant des programmes fédéraux et des postes supplémentaires au sein de l'administration.
Jusqu'à présent, le 'shutdown' le plus long de l'histoire du pays a duré 35 jours, à cheval entre décembre 2018 et janvier 2019, lors du premier mandat présidentiel de Donald Trump, à cause de différends entre républicains et démocrates sur la sécurité et l'immigration.
"Tout ce qu'ils veulent, c'est nous intimider. Et ils ne vont pas réussir", a déclaré le chef de file de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, au lendemain d'une réunion infructueuse organisée à la Maison blanche avec Donald Trump et d'autres chefs de file du Congrès.
Le texte de financement provisoire voulu par les républicains a été décrit par le chef de la majorité républicaine au Sénat, John Thune, comme une mesure "non-partisane" similaire à des projets de loi que les démocrates ont acceptés sans souci au cours des dernières années.
"Ce qui a changé, c'est que le président Trump est à la Maison blanche", a-t-il dit aux journalistes. "C'est de cela dont il s'agit. C'est de la politique. Il n'y a pas de motif substantiel à un 'shutdown'".
Si les républicains sont majoritaires dans les deux chambres du Congrès, un seuil de 60 voix est requis au Sénat - composé de 100 sièges - pour les projets de loi budgétaires. Au moins sept sénateurs démocrates doivent donc joindre leurs voix à celles des sénateurs républicains pour que le texte soit adopté.
"LES RÈGLES SONT EN TRAIN DE RADICALEMENT CHANGER"
Les démocrates sont sous la pression de partisans frustrés par les défaites électorales de l'an dernier pour obtenir une victoire à Washington, alors que se profilent dans un peu plus d'un an les "midterms" - élections de mi-mandat au Congrès - qui détermineront l'équilibre des forces au Capitole pour les deux dernières années de Donald Trump à la Maison blanche.
La question des soins de santé permet aux élus démocrates de faire front commun sur l'une des préoccupations des électeurs.
Par ailleurs, les démocrates cherchent à s'assurer que Donald Trump ne sera pas en capacité de revenir sur de quelconques mesures qui figureraient dans le projet de loi. Le président républicain a déjà refusé d'utiliser des milliards de dollars approuvés par le Congrès pour des mesures spécifiques, poussant les démocrates à s'interroger sur la pertinence de voter un quelconque texte budgétaire.
Le climat politique aux Etats-Unis, encore plus polarisé depuis l'assassinat de l'activiste d'extrême droite Charlie Kirk le mois dernier sur fond de poids accru des extrêmes, à gauche comme à droite, pourrait compliquer davantage la conclusion d'un accord mettant fin au 'shutdown', a déclaré Robert Pape, professeur de science politique à l'université de Chicago.
"Les règles de la politique sont en train de radicalement changer et nous ne pouvons pas savoir avec certitude jusqu'où cela va aller", a-t-il dit. "Chaque camp aurait à faire marche arrière face à des dizaines de millions de partisans très agressifs, leurs propres concitoyens, ce qui va leur être particulièrement difficile à faire".
A l'approche du 'shutdown', Donald Trump a diffusé une vidéo 'deepfake' avec des images manipulées dans laquelle Chuck Schumer semble critiquer les démocrates tandis que se tient à ses côtés le chef de file de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, avec un sombrero grossièrement dessiné et une moustache sur son visage.
"C'est puéril. C'est mesquin", a dit Chuck Schumer aux journalistes. "C'est ce qu'un enfant de 5 ans pourrait faire, pas un président des Etats-Unis. Mais cela montre à quel point (les républicains) ne sont pas sérieux. Ils se fichent complètement du mal qu'ils vont engendrer avec leur 'shutdown'".
(Richard Cowan, Nolan D. McCaskill, Bo Erickson et David Morgan, avec la contribution de Jasper Ward et Katharine Jackson; version française Jean Terzian)
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