par Philip Blenkinsop
Le chancelier allemand Friedrich Merz et le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez ont exhorté jeudi leurs homologues européens réunis à Bruxelles à soutenir l'accord de libre-échange avec le Mercosur malgré la résistance de la France, qui continue d'estimer que "le compte n'y est pas".
"Au moment où nous nous parlons, nous ne sommes pas prêts. Le compte n'y est pas pour signer cet accord parce que je veux qu'on traite comme il se doit notre agriculture", a averti le président français Emmanuel Macron avant l'ouverture du Conseil européen dans la capitale belge, où plusieurs milliers d'agriculteurs se sont rassemblés pour protester contre une plus grande ouverture des marchés européens à des produits en provenance d'Amérique du Sud ne respectant pas les mêmes normes.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prévu de se rendre au Brésil samedi pour signer cet accord finalisé il y a un an après un quart de siècle de négociations mais elle a besoin pour cela du feu vert des Etats membres de l'UE.
La France tente de réunir une minorité de blocage en s'appuyant notamment sur des pays ouvertement hostiles au traité, comme la Pologne ou la Hongrie, ou réticents comme l'Italie.
Mercredi, la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni a jugé "prématuré" de signer l'accord. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, qui a exprimé son impatience face aux atermoiements européens, a dit jeudi s'être entretenu avec la cheffe du gouvernement italien, qui lui aurait demandé de la patience et un délai d'un mois pour peaufiner encore le dossier.
L'Allemagne, l'Espagne et les pays nordiques préconisent de leur côté de ratifier dès maintenant l'accord, faisant valoir qu'il permettra d'atténuer l'impact des droits de douane américains et de réduire la dépendance à l'égard de la Chine, particulièrement pour les minerais tels que le lithium pour batteries, en garantissant l'absence de taxes douanières sur la plupart de ces produits.
MANIFESTATION
"Cet accord commercial est le premier de nombreux accords que nous devrons sceller pour que l'Europe regagne un poids économique et géopolitique à un moment où il est remis en question par des adversaires déclarés, comme [le président russe Vladimir] Poutine, voire des alliés traditionnels", a déclaré Pedro Sanchez.
"Il faut prendre des décisions maintenant si l'Union européenne veut rester crédible dans le commerce mondial", a renchéri Friedrich Merz.
Un millier de tracteurs et quelque 7.000 agriculteurs ont convergé à Bruxelles pour dénoncer la concurrence déloyale qui découlera à leurs yeux de cet accord de libre-échange avec le marché commun sud-américain, qui réunit Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay.
Des incidents ont émaillé la manifestation. La police a tiré des cartouches de gaz lacrymogène et fait usage de canons à eau face à des protestataires leur jetant des pierres.
La Commission européenne a tenté en vain d'apaiser les agriculteurs en proposant des clauses de sauvegarde pour certains produits agricoles comme le boeuf.
Aux termes de ce mécanisme, des enquêtes pourraient être déclenchées si les volumes d'importation augmentent de plus de 8% par an ou si les prix baissent d'autant dans un ou plusieurs Etats membres de l'UE, en vertu d'un accord conclu mercredi entre les pays membres et le Parlement européen.
La Commission doit également publier une déclaration précisant les mesures prises par l'UE pour effectuer des contrôles, y compris dans les pays du Mercosur, afin d'insister sur le respect des normes de production.
Des "avancées" saluées jeudi par Emmanuel Macron qui estime cependant que les conditions ne sont toujours pas réunies pour que la France accepte l'accord, alors qu'une autre crise enflamme le sud-ouest de l'Hexagone autour de la gestion par l'Etat de la lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a pris la main mardi dans la crise en exigeant une "accélération" de la campagne de vaccination contre la maladie pour "coûte que coûte protéger" l'élevage français.
VOIR AUSSI :
ENCADRE-Que contient l'accord UE-Mercosur et quels sont les points contestés ? nL8N3XN17Z
(Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Sophie Louet)

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