Les ponctions budgétaires sont "hyper concentrées sur les villes", avec un effort demandé aux agglomérations plus de deux fois plus élevé qu'en 2025, dénoncent les réprésentants des grandes villes et des bassins industriels.

( AFP / ALAIN JOCARD )
Les services publics locaux et les investissements dans les villes françaises sont menacés par un projet de budget 2026 qui ravive les clivages territoriaux au détriment des territoires urbains et des bassins industriels, alertent les représentants des grandes villes réunis au Creusot (Saône-et-Loire), à cinq mois des municipales.
"Ce budget est totalement insupportable et totalement injuste pour les villes, les agglomérations et les métropoles" , dénonce Jean-François Debat (PS), président de Grand Bourg Agglomération. En cause, des ponctions budgétaires "hyper concentrées sur les villes" qui compromettent selon lui les services publics locaux et les investissements dans la transition écologique.
Outre le volume de l'effort demandé, plus de deux fois plus élevé qu'en 2025, l'élu de l'Ain cite des mesures "vexatoires" comme la création d'un "fonds d'investissement pour les territoires", qui, en regroupant trois dotations, supprime au passage celle qui concernait les villes, la dotation de soutien à l'investissement local.
"Le gouvernement rajoute une bagarre entre urbains et ruraux", tranche l'élu en critiquant une vision "quasi populiste qui consiste à dire qu'un gros budget veut forcément dire 'richesse' et un petit 'pauvreté', alors que les grandes villes concentrent les populations les plus défavorisées".
L'association France urbaine, qui rassemble les grandes villes et intercommunalités, pointait déjà un "déséquilibre marqué" en 2025 entre le niveau d'effort demandé à l'ensemble des communes, environ 1,1% de leurs recettes de fonctionnement, et celui demandé aux grands établissements intercommunaux (communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles), qui atteint 3,9%. "Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont pas des collectivités donc c'est 'open bar' pour les tondre", souligne Franck Claeys, délégué adjoint de l'association.
Autre point de friction, le dispositif de mise en réserve obligatoire des recettes fiscales ("dilico"), augmenté d'un à deux milliards d'euros en 2026, dont 1,2 milliard pour le bloc communal (communes et intercommunalités). "Les mêmes indicateurs s'appliquent pour une commune de 100 habitants et pour une ville de 100.000 habitants alors que les réalités financières sont très différentes", remarque M. Claeys.
La réindustrialisation menacée ?
Les territoires industriels s'estiment aussi particulièrement lésés, avec une amputation "d'1,3 milliard d'euros" liée à la baisse de compensations par l'État d'allègements d'impôts acquittés par les entreprises industrielles, alors que ces dernières peuvent générer des coûts supplémentaires en termes de pollutions.
"On ne peut pas vouloir que la France redevienne un grand pays industriel et ne pas donner de moyens aux collectivités qui portent le développement économique", explique à l' AFP David Marti, maire PS du Creusot, pour qui "le gouvernement se tire une balle dans le pied".
L'accélération de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises fait également grincer des dents. "L'État s'était engagé la main sur le cœur à compenser cette suppression mais il ne tient plus ses promesses. Tout cela est un véritable scandale", fustige Benoît Arrivé, maire de Cherbourg-en-Cotentin. Il s'interroge sur le financement des crèches, écoles et gymnases nécessaires à l'accueil de 15.000 nouveaux emplois liés à l'industrie nucléaire et aux énergies décarbonées.
Le signal envoyé par le gouvernement apparaît par ailleurs contradictoire avec l'objectif de réindustrialisation du pays, priorité présidentielle depuis la crise sanitaire. "D'un côté on appuie sur l'accélérateur et de l'autre sur la pédale de frein, ce qui fait qu'au mieux on tourne en rond, et au pire on finit dans le fossé", observe Franck Claeys, rappelant que les territoires industriels sont "assez souvent des territoires où les problèmes sociaux sont exacerbés".
"On va vers une indifférenciation des territoires , sans intéressement à l'activité économique", déplore Paul Simondon, adjoint aux finances à Paris, comparant le mécanisme du "dilico" à un "train fou qui ne s'arrêtera jamais".
À Rennes Métropole, les élus pointent un manque de visibilité financière. "On est très dépendant du vote annuel national, alors même qu'on mène des politiques publiques qui se déploient sur le long terme", juge Marie Ducamin, chargée des finances.
Le gouvernement envisage de mettre à contribution les collectivités à hauteur de 4,7 milliards d'euros pour 2026. Un chiffre contesté par les élus locaux pour qui la ponction serait supérieure à huit milliards.
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