Le ministère de l'Économie prolonge en 2024 la possibilité de payer toutes ses courses alimentaires avec des titres-restaurant, ce qui indigne les professionnels de la restauration. Pour le chef étoilé Thierry Marx , "le gouvernement envoie un très mauvais signal à (la) profession".

( AFP / PHILIPPE HUGUEN )
"Rien ne changera". Le gouvernement a choisi, mardi, de prolonger en 2024 la possibilité de payer toutes ses courses alimentaires avec des titres-restaurant, après la bronca de parlementaires et d'usagers qui s'inquiétaient des restrictions qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier. Allant plus loin, le ministre de l'Économie cherche à pérenniser le principe. Par exemple en transformant les titres-restaurant en titres-repas . Le ministre estime que l'utilisation de ces moyens de paiement pour acheter des produits alimentaires en supermarché pourrait être pérennisée au-delà de 2024, au grand dam des restaurateurs. "Au-delà de la prolongation pour un an" de cette utilisation dérogatoire, annoncée mardi par le gouvernement, "je suis prêt à ce qu'on ouvre la discussion sur l'utilisation plus généralement de ces tickets pour acheter de la nourriture", a déclaré le ministre mercredi 15 novembren sur Europe 1 et CNews . Bruno Le Maire s'interroge : "Est-ce qu'il ne faut pas utiliser le ticket-restaurant de manière plus globale pour l'achat des produits alimentaires ? Est-ce qu'il ne faut pas changer cette dénomination qui induit un peu en erreur ? Avec une seule obsession, que ça corresponde aux attentes des gens".
Les titre-restaurant sont nés en France à la fin des années 1960. Aujourd'hui, ils sont utilisés par plus de cinq millions de salariés pour régler des repas ou des prestations alimentaires, chez quelque 234.000 commerçants. À l'été 2022, leur utilisation a été étendue à tous les produits alimentaires , même s'ils ne sont pas directement consommables sans cuisson ou préparation (farine, pâtes, riz, œufs, poisson, viande, etc.). Cette dérogation devait prendre fin le 31 décembre 2023.
Grogne sur les réseaux sociaux
À l'approche de l'échéance, certains salariés bénéficiaires ont été prévenus que la liste des achats possibles allait être réduite et s'en sont émus. Ce qui a entraîné une vague de réactions politiques. Sur les réseaux sociaux, les usagers mettent en avant les difficultés liées à l'inflation. "Quand il s'agit d'engloutir un plat devant un ordinateur entre deux réunions, que préférez-vous ? Prendre une formule spécialement conçue pour utiliser le plafond quotidien de votre carte ticket-restaurant (...) ou acheter pour la même somme ou presque, de quoi cuisiner des plats pour plusieurs jours et bien plus savoureux à la maison ?", s'insurge dans une tribune une journaliste de la plateforme dédiée à l'univers du travail Welcome to the jungle .
Le gouvernement s'est empressé d'éteindre l'incendie. Mardi, la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire a assuré qu'il resterait possible d'utiliser les titres-restaurant pour payer toutes les courses alimentaires "tout au long de l'année 2024" . Et la pérennisation de cette mesure au-delà de 2024 "fera partie des points que nous aborderons dans la négociation de la réforme" du marché des titres-restaurant, censée être présentée d'ici la fin de l'année. Mercredi, Bruno Le Maire a relevé que le choix précédent d'arrêter la dérogation au 31 décembre 2023 avait été "un choix du Sénat" , et que c'était "un choix du gouvernement" de le prolonger en 2024.
Thierry Marx demande à être reçu par Élisabeth Borne
Mais comment prolonger cette mesure ? Le ministre de l'Économie évoque le projet de loi de finances pour 2024, actuellement en discussion au Parlement. Les trois groupes de la majorité ont annoncé le dépôt d' une proposition de loi dédiée à l'Assemblée , tout comme les sénatrices LR au Sénat. Cette proposition de loi sera examinée le 12 décembre au Sénat. À l'Assemblée, le groupe Renaissance demande une procédure d'examen simplifié, mais à ce stade "le RN est contre". Le député RN Thomas Ménagé explique vouloir "un vrai texte où on peut parler plus largement du pouvoir d'achat".

Le chef étoilé Thierry Marx demande à être reçu par la Première ministre Élisabeth Borne. ( AFP / EMMANUEL DUNAND )
Autre hic, comme en 2022, les restaurateurs sont vent debout contre la transformation du titre restaurant en "titre caddie" , selon les termes de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), principal syndicat patronal de l'hôtellerie-restauration. Son président, le chef étoilé Thierry Marx, demande à être reçu dans les meilleurs délais par la Première ministre (Élisabeth Borne) pour lui faire part de notre incompréhension, notre mécontentement et notre souhait d’un retour rapide à la situation précédant la loi de 2022". Selon lui, "avec sa volte-face sur la prolongation de l'utilisation du titre-restaurant aux produits alimentaires, le gouvernement envoie un très mauvais signal à notre profession", déplore-t-il dans un communiqué transmis à l' AFP jeudi.
Pas un "titre-caddie"
"Dans titre-restaurant, il y a restaurant'. Ce titre doit rester une aide au déjeuner des salariés ne disposant pas de restaurant d’entreprise. Il ne doit pas devenir un titre-caddie", demande Thierry Marx. "En 2023, c'est un manque à gagner de 200 millions d'euros pour nos restaurateurs", estime le chef, a propos de la possibilité d'acheter des produits alimentaires non directement consommables avec des titres-restaurant. Il rappelle "qu'en 2023, la grande distribution a vu sa part de marché titre-restaurant augmenter de plus de 6%", quand "celle des restaurants diminuait de 3%".
"J’entends bien les voix qui s’expriment à propos de l’utilité de ce titre, en période d’inflation, pour faire ses courses au quotidien. L’inflation concerne tous les Français. La hausse des prix impacte aussi nos restaurateurs", souligne encore Thierry Marx. Il appelle le gouvernement à "concevoir un titre alimentation ou un chèque alimentaire pour lutter contre l’inflation et aider les plus défavorisés". "C'est aux pouvoirs publics de proposer des dispositifs spécifiques" , estime aussi Franck Chaumes, président de la branche restauration de l'Umih.
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