
( AFP / ANGELA WEISS )
Le futur texte pourrait entraver "de façon inacceptable la capacité des nations à mettre en place des politiques fiscales qui servent les intérêts de leurs citoyens, de leurs entreprises et de leurs travailleurs", a déclaré le représentant américain Jonathan Shrier.
Des objectifs "en contradiction avec les intérêts américains". Lundi 3 février, les Etats membres de l'ONU ont lancé des discussions sur la première Convention "universelle" de coopération fiscale visant notamment à taxer plus équitablement les multinationales et les particuliers les plus riches. Le processus a immédiatement été quitté par Washington.
Alors que le début de ces négociations "historiques" prévues jusqu'en 2027 soulèvent l'espoir des pays en développement, de l'ONU et des ONG plaidant pour un système fiscal international plus "juste", les Etats-Unis ont jeté un froid en annonçant dès lundi leur retrait du processus. Les objectifs "sont en contradiction avec les intérêts américains", a ainsi déclaré le représentant américain Jonathan Shrier.
Le futur texte pourrait entraver "de façon inacceptable la capacité des nations à mettre en place des politiques fiscales qui servent les intérêts de leurs citoyens, de leurs entreprises et de leurs travailleurs", a-t-il ajouté, quelques jours après le retrait des Etats-Unis, par Donald Trump, de l'accord de l'OCDE sur la taxation minimale de 15% sur les bénéfices des multinationales.
A l'ouverture de la session, le tout nouveau président du comité de négociations, l'Egyptien Ramy Youssef, a pourtant lui souligné "l'impératif moral" de cette refonte fiscale. Les "milliards de dollars perdus chaque année en raison de transferts de bénéfices, de compétition fiscale nocive et de flux financiers illégaux" privent notamment "les pays les plus vulnérables de ressources critiques", a-t-il insisté. "Les règles fiscales internationales doivent évoluer avec un monde qui change", pour être utiles "à tous les Etats et tous les peuples", a renchéri Shari Spiegel, du Département des affaires économiques et sociales de l'ONU.
492 milliards de dollars de taxes perdus chaque année à cause des paradis fiscaux
Sous la pression des pays africains qui veulent une place à la table des négociations des règles fiscales internationales - tout comme ils réclament une réforme de l'architecture financière internationale -, l'Assemblée générale de l'ONU avait acté en 2023 l'idée d'une telle "convention cadre" pour rendre la coopération fiscale "pleinement inclusive et plus efficace". Le mandat de négociations a finalement été adopté fin 2024. Parmi les principes de référence, "assurer une juste répartition des droits d'imposition, notamment en imposant équitablement les entreprises multinationales" et "lutter contre les pratiques de fraude et d'évasion fiscales auxquelles se livrent les particuliers fortunés".
Aujourd'hui, ces questions de fiscalité internationale sont principalement entre les mains de l'OCDE, "un club de riches" qui imposent leurs règles aux pays en développement pourtant plus touchés par les pertes fiscales "en proportion de leurs revenus", a dénoncé auprès de l'AFP Ryad Selmani, de l'ONG française CCFD-Terre solidaire. Les règles fiscales internationales actuelles "ne sont pas efficaces", a renchéri Tove Maria Ryding, du Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad). "De grandes multinationales et les individus les plus riches du monde continuent à utiliser des paradis fiscaux et à échapper aux taxes", privant les gouvernements de ressources capitales pour financer le développement ou la lutte contre le réchauffement climatique, a-t-elle déclaré à l'AFP.
Selon l'ONG Tax Justice Network, les Etats perdent 492 milliards de dollars de taxes chaque année en raison de l'utilisation de paradis fiscaux. Et près de la moitié (43%) de ces pertes sont permises par les politiques fiscales de huit pays (Australie, Canada, Israël, Japon, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Royaume-Uni, Etats-Unis) qui ont voté contre les termes de référence de la future Convention. Dans ce contexte, la session inaugurale, jusqu'à jeudi au siège de l'ONU à New York, sera cruciale en déterminant le mode de décision du comité, par consensus - donnant de fait un pouvoir de veto à chaque pays - ou à la majorité.
L'Union européenne a plaidé lundi pour le consensus, notant que dans le cas contraire, les 27 pourraient ne pas participer à la future Convention. S'il est évidemment impossible de prédire le niveau d'ambition de la future Convention et le nombre de pays qui y adhèreront, certains espèrent que les négociations permettront de mettre sur la table la question de nouvelles ressources fiscales. "Certains pays comme la France poussent pour envisager des taxes mondiales sur le transport maritime et aérien" afin de financer l'action climatique, a déclaré à l'AFP Sergio Chaparro-Hernandez, du Tax Justice Network. "La Convention de l'ONU pourrait être un véhicule pour mettre en place certaines de ces solutions", a-t-il ajouté. "Mais cela devra être discuté avec tous les pays".
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