
Des cercueils tagués au pochoir sur un mur de l'AFP à Paris le 20 juin 2024 ( AFP / Alain JOCARD )
Quatre hommes nés en Moldavie seront jugés le 23 février devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir réalisé en juin 2024 des tags représentant des cercueils avec des inscriptions faisant référence au conflit ukrainien, dans une opération considérée comme "une entreprise de démoralisation de l'armée" française.
Ce dossier fait partie d'une série d'affaires liées à des ingérences étrangères et visant à "semer le trouble" et "créer des fractures" dans la population, avait affirmé la procureure de Paris Laure Beccuau le 12 septembre. Parmi elles: les étoiles de David bleues taguées en région parisienne (deux Moldaves mis en cause), les Mains rouges peintes sur le mémorial de la Shoah (quatre Bulgares seront jugés fin octobre) ou encore les têtes de cochon déposées devant des mosquées.
Pour les tags de cercueils, les quatre hommes, dont deux sont sous mandat d'arrêt, comparaîtront pour dégradation ou détérioration légère d'un bien par inscription commise en réunion, et pour avoir participé à une entreprise de démoralisation de l'armée en vue de nuire à la défense nationale en temps de paix. Ce dernier délit fait encourir cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Agés de 30, 36, 44 ans et 50 ans, ces hommes - trois de nationalité moldave et un dont la nationalité est inconnue - sont soupçonnés d'avoir commis ces faits entre les 18 et 20 juin 2024.
- 100 euros par jour -

Un cercueil tagué au pochoir sur un mur dans le 7e arrondissement de Paris le 8 juin 2024 ( AFP / Geoffroy VAN DER HASSELT )
Le 20 juin 2024, à 01H30 du matin, des policiers avaient surpris un homme en train de taguer un mur avec une bombe de peinture rouge et un pochoir représentant un cercueil vide avec l'inscription "Stop the death now! Mriya Ukraine", tandis qu'un autre faisait le guet.
De tels tags avaient été notamment retrouvés sur les bâtiments de l'AFP et du Figaro.
Des tags au pochoir représentant un cercueil équipé d'ailes d'avion, avec la mention "Des Mirage pour l'Ukraine", avaient été découverts dans d'autres endroits de Paris, certains accompagnés de la mention "Mirya" ("rêve" en ukrainien).
Les deux Moldaves avaient expliqué être payés 100 euros par jour pour réaliser ces tags.
L'enquête a mis en évidence la présence à Paris d'un troisième homme, qui les avait recrutés et était le chef de l'opération sur place, leur disant où taguer.
Les investigations réalisées via la coopération policière ont par ailleurs permis d'identifier une quatrième personne, Alexandr Grigorenco, comme donneur d'ordres: ce "fervent sympathisant du parti politique pro-russe SOR", qui avait déjà "commandité des actions similaires en France quelques jours plus tôt", est le beau-père d'un auteur de telles inscriptions dans le secteur de l'Assemblée nationale entre les 6 et 8 juin 2024, selon l'ordonnance que l'AFP a pu consulter.
Le 22 juin 2024, le ministre moldave des Affaires étrangères, Mihai Popsoi, avait condamné "fermement les tactiques hybrides de la Russie en France consistant à impliquer des citoyens de Moldavie dans des actes de vandalisme et d'incitation à la haine".
- "Menace" -
Les tags ont été réalisés "dans un contexte de guerre déclenchée par la Russie contre l'Ukraine", qui bénéficie du soutien de la France, Paris fournissant notamment à Kiev des avions de chasse Mirage-2000, rappelle le magistrat instructeur.
Pour lui, ils ne peuvent s'analyser autrement que comme "une menace": ils étaient "destinés à avoir un fort impact médiatique afin de démoraliser l'armée de l'air française".
Les avocats des deux Moldaves pris en flagrant délit, Louis Gloria et Emanuel de Dinechin, ont déploré que l'infraction de démoralisation de l'armée ait été retenue: "elle est contraire à la liberté d'expression car potentiellement très dangereuse pour les journalistes intervenant sur les sujets de défense, et contraire au principe de précision de la loi pénale, le +moral de l'armée+ étant une notion de psychologie impossible à jauger objectivement".
Ils ont souligné que cette infraction était "tombée en désuétude depuis la guerre d'Algérie".
En janvier 2025, le Conseil constitutionnel a estimé que la loi liée était conforme à la Constitution et ne portait pas atteinte à la liberté d'expression.
Les deux Moldaves interpellés ont été libérés en octobre 2024 sous contrôle judiciaire. Le chef de la bande et le donneur d'ordre font de leur côté l'objet de mandats d'arrêt délivrés au printemps 2025.
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