
Le Premier ministre français François Bayrou
par Elizabeth Pineau
L'idée du Premier ministre François Bayrou de supprimer deux jours fériés pour faire des économies est mal vécue par les Français au regard d'un sondage et de commentaires recueillis mercredi, au lendemain de sa conférence de presse sur le budget 2026.
Lors de ce "moment de vérité", le chef du gouvernement a proposé de supprimer le 8-Mai et le lundi de Pâques tout en se disant prêt à envisager d'autres dates.
"Le lundi de Pâques n'a aucune signification religieuse", a-t-il argumenté, qualifiant en outre le mois de mai de "véritable gruyère, où l'on saute de ponts en viaducs de congés."
Le lundi de Pâques, lendemain de la plus grande fête chrétienne de l'année, est férié dans une centaine de pays.
Le 8-Mai, qui marque la victoire des Alliés en 1945, a été férié en France entre 1953 et 1959, puis à partir de 1981 à la demande du président socialiste François Mitterrand.
En incluant le lundi de Pentecôte, considéré comme une Journée de solidarité avec les personnes âgées depuis 2005, le nombre de jours fériés en France passerait de 11 à 8.
Selon un sondage Tonula Harris Interactive pour RTL paru ce mercredi, 70% des Français sont hostiles à cette mesure, dont 47% "tout à fait opposés".
"C'est vécu comme une double peine : les Français ont l'impression de rogner sur leur pouvoir d'achat en travaillant plus sans gagner plus, et de perdre des moments de détente", a dit à Reuters Jean-Daniel Lévy, directeur général délégué de Harris Interactive.
Le politologue note une forme de "stupeur", qui contraste avec 2005 où la suppression du lundi de Pentecôte fut décidée dans le sillage de la canicule meutrière de 2003. "Cela a d'abord été accepté sous le coup de l'émotion, puis de moins en moins avec le temps", a-t-il commenté.
L'économie espérée par la suppression de deux jours fériés est de quatre à six milliards d'euros selon les estimations.
La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a dit sur TF1 qu'une "contribution" serait demandée aux entreprises en "contrepartie" de cet effort demandé aux salariés. Les modalités seront calées "dans les prochaines semaines" selon Matignon.
"Est-ce que ça se terminera par deux journées fériées en moins ou une nouvelle journée de solidarité ? Tout ça va être ardemment discuté", a dit à Reuters Charles-Henri Colombier, directeur du pôle conjoncture chez Rexecode. "La réaction se cristallise autour de ces mesures, alimentant le débat qui monte en France depuis quelques temps (...) : l'idée qu'on a un système qui pèse sur les actifs de la classe moyenne, qui sont les plus mis à contribution."
"TRAVAILLER GRATUITEMENT"
En réponse à cette proposition du Premier ministre centriste, les réactions ont été vives.
"Aucun député RN n'acceptera" cette idée, vécue comme une "attaque directe contre notre histoire, contre nos racines, et contre la France du travail", a écrit sur X le président du Rassemblement national, Jordan Bardella.
"En cumulé, ce serait trois mois de travail sur toute la carrière. C'est une honte de nous demander de travailler gratuitement", a lancé sur RTL la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.
Patrick Martin, président du Medef, considère en revanche cet effort comme une nécessité. "C'est une charge symbolique très forte, mais le message principal c'est qu'il faut travailler plus", a dit le "patron des patrons" sur LCI.
Par la voix de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, le président Emmanuel Macron a salué un projet de budget ayant "la vertu du courage, de l'audace, de lucidité et de regarder les objectifs d'investissement auquel la France doit faire face avec beaucoup de lucidité et d'honnêteté".
Des Parisiens croisés par Reuters y voient en revanche une forme d'injustice.
"On peut chercher l'argent ailleurs que sur le contribuable, les gens qui travaillent, et on s'est un peu battu pour ces jours il me semble. Je trouve ça scandaleux personnellement", a dit Marion Laurent, illustratrice de 45 ans.
Pour Jean-Claude Vié, 85 ans, "tout le monde est d'accord pour faire des efforts mais il ne faut pas que ça soit toujours sur les mêmes que retombent les efforts".
(Reportage Elizabeth Pineau, avec Leigh Thomas et Noémie Olive, édité par Kate Entringer)
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