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Soudan-Exécutions de masse après la prise d'El Fasher par les FSR, selon des témoins
information fournie par Reuters 31/10/2025 à 16:39

par Nafisa Eltahir

Des combattants à dos de chameaux ont rassemblé quelques centaines d'hommes près de la ville soudanaise d'El Fasher le week-end dernier et les ont conduits à un réservoir en criant des insultes racistes avant de leur tirer dessus, selon un témoin indiquant avoir fait partie des captifs.

Cet homme, Alkheir Ismaïl, a ajouté lors d'une interview vidéo réalisée par un journaliste connu de Reuters à Tawila, dans la région occidentale du Darfour, que l'un des ravisseurs l'avait laissé s'enfuir après l'avoir reconnu comme l'un de ses anciens camarades d'école.

"Il leur a dit : 'Ne le tuez pas'", a-t-il raconté. "Même après avoir tué tous les autres - mes amis et tous les autres."

Alkheir Ismaïl a expliqué qu'il apportait de la nourriture à des proches qui se trouvaient encore dans la ville lorsque celle-ci est tombée aux mains des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) dimanche et que, comme les autres hommes arrêtés, il n'était pas armé.

Reuters n'a pas été en mesure de vérifier dans l'immédiat son témoignage en raison du conflit, mais s'est assuré de l'exactitude d'informations antérieures obtenues par le journaliste.

Alkheir Ismaïl est l'un des quatre témoins et des six travailleurs humanitaires interrogés par Reuters ayant déclaré que des personnes fuyant El Fasher avaient été rassemblées dans les villages voisins et que les hommes avaient été séparés des femmes et emmenés. Dans un récit antérieur, l'un des témoins avait dit que des coups de feu avaient ensuite retenti.

Des militants et des analystes ont de longue date alerté sur le risque de représailles meurtrières fondées sur des bases ethniques perpétrées par les FSR si celles-ci s'emparaient d'El Fasher, dernier bastion de l'armée soudanaise au Darfour.

Le bureau des droits de l'homme des Nations unies a fait état vendredi d'autres témoignages, estimant que des centaines de civils et de combattants non armés pourraient avoir été exécutés. De tels massacres sont considérés comme des crimes de guerre.

LES FSR ÉVOQUENT DE INTERROGATOIRES

Les FSR, dont la prise d'El Fasher marque une étape importante dans la guerre civile au Soudan, qui dure depuis deux ans et demi, ont nié ces exactions, affirmant que les récits étaient inventés par leurs ennemis et lançant des contre-accusations.

Reuters a vérifié au moins trois vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrant des hommes vêtus d'uniformes des FSR tirant sur des captifs non armés, ainsi qu'une douzaine d'autres sur lesquels on peut voir des corps après d'apparentes fusillades.

Un haut commandant des FSR a qualifié ces témoignages d'"exagération médiatique" de la part de l'armée et de ses combattants alliés "pour dissimuler leur défaite et la perte d'El Fasher".

La direction des FSR a ordonné des enquêtes sur des violations commises par ses membres et plusieurs d'entre eux ont été arrêtés, a-t-il déclaré, ajoutant que le groupe paramilitaire avait aidé des habitants à quitter la ville et appelé les organisations humanitaires à aider ceux qui sont restés sur place.

Ce commandant a également dit que des soldats et des combattants se faisant passer pour des civils avaient été emmenés pour être interrogés. "Il n'y a pas eu d'assassinats comme on l'a prétendu", a-t-il déclaré à Reuters en réponse à une demande de commentaire.

LE PRÉCÉDENT DE GENEINA

La prise d'El Fasher par les FSR renforce la division géographique d'un pays dont le territoire s'est déjà réduit lors de l'indépendance du Sud-Soudan, en 2011, après des décennies de guerre civile.

Dans un discours prononcé mercredi soir, le chef des FSR Mohamed Hamdan Dagalo a appelé ses combattants à protéger les civils et a déclaré que les violations feraient l'objet de poursuites. Il a également semblé reconnaître les informations faisant état de détentions en ordonnant la libération des prisonniers.

La plupart des combattants ayant freiné l'avancée des FSR à d'El Fasher appartiennent à l'ethnie Zaghawa, dont l'inimitié avec les membres du groupe paramilitaire majoritairement arabes remonte au début des années 2000 lorsque, sous le nom de milices Janjawid, ces derniers ont été accusés d'atrocités au Darfour.

Alex de Waal, expert en génocide et spécialiste du Darfour, a déclaré que les actes dont les FSR sont accusés à El Fasher semblent "très similaires à ce qu'ils ont fait à Geneina et ailleurs", en référence à une autre ville du Darfour prise par les paramilitaires au commencement de la guerre en cours, ainsi qu'au début du conflit des années 2000.

Les États-Unis ont déclaré que les FSR avaient commis un génocide à Geneina et cette attaque fait l'objet d'une enquête de la Cour pénale internationale. L'armée soudanaise et d'autres accusent les Émirats arabes unis de soutenir les FSR, ce que l'État du Golfe nie.

(Avec la contribution de Khalid Abdelaziz, Milan Pavicic et Catherine Cartier, rédigé par Alex Dziadosz, version française Benjamin Mallet, édité par Kate Entringer)

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