Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Fermer

Russie et menace nucléaire : le point sur la rhétorique de Poutine et du Kremlin
information fournie par Boursorama avec Media Services 26/09/2024 à 16:54

Le Kremlin a déclaré que le changement de doctrine russe concernant le recours à l'arme nucléaire, annoncé la veille par Vladimir Poutine, devait être considéré comme un "signal" pour les Occidentaux.

Vladimir Poutine a affirmé que son pays pourrait utiliser l'arme nucléaire en cas de "lancement massif" d'attaques aériennes et que tout assaut mené par un pays non-nucléaire mais soutenu par une puissance disposant de l'arme atomique pourrait être considéré comme une agression "conjointe" ( SPUTNIK / GAVRIIL GRIGOROV )

Vladimir Poutine a affirmé que son pays pourrait utiliser l'arme nucléaire en cas de "lancement massif" d'attaques aériennes et que tout assaut mené par un pays non-nucléaire mais soutenu par une puissance disposant de l'arme atomique pourrait être considéré comme une agression "conjointe" ( SPUTNIK / GAVRIIL GRIGOROV )

La doctrine change, mais à la marge, via une rhétorique constante depuis 2022. Vladimir Poutine a envoyé un "signal" aux Occidentaux en modifiant le seuil d'usage de l'arme nucléaire, sans toutefois bousculer les grands équilibres. Le chef de l'Etat russe a notamment prévenu mercredi que son pays pourrait utiliser l'arme suprême en réponse à tout assaut lancé par un pays non-doté (sans arme nucléaire) mais soutenu par une puissance dotée. Un avertissement implicite à l'Ukraine et à ses alliés. "C'est une précision et un élargissement" de la doctrine "mais pas un abaissement du seuil", affirme à l'AFP Héloïse Fayet, spécialiste du nucléaire à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

La doctrine russe

La doctrine russe de 2020 évoque quatre cas justifiant l'usage du feu nucléaire : des tirs de missiles balistiques contre la Russie ou un allié; l'usage d'une arme nucléaire par un adversaire; une attaque contre un site d'armements nucléaires; une agression mettant en jeu "l'existence même de l'Etat".

Mais son application fait débat. Certains experts et responsables militaires, notamment à Washington, considèrent que la doxa soviétique de ne pas utiliser l'arme suprême en premier a été abandonnée. Moscou se réserverait la carte de "l'escalade pour désescalader" : utiliser l'arme dans des proportions limitées afin de faire reculer l'Otan.

Ce que Poutine a changé

Le chef du Kremlin a proposé de "considérer l'agression de la Russie par un pays non-nucléaire, mais avec la participation ou le soutien d'un pays nucléaire, comme une attaque conjointe" contre la Russie.

Un point "clairement destiné à dissuader les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de fournir des armes de longue portée à l'Ukraine", explique à l'AFP Hans Kristensen, de la Fédération des scientifiques américains (FAS). "Le problème avec Poutine est de savoir s'il est prêt à aller jusqu'au bout" ou si ce ne sont "que des mots".

Le président russe a aussi prévenu qu'il envisagerait le recours à la bombe en cas d'attaque aérienne d'ampleur (aviation, missiles ou drones) et en cas d'attaque contre le Bélarus, un allié de son pays.

Des précédents en pagaille

Le chiffon rouge est un des outils récurrents du pouvoir russe depuis février 2022.

Constatant que Kiev ne tomberait pas aussi rapidement qu'espéré, Vladimir Poutine avait ordonné de "mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en régime spécial d'alerte au combat". Mais les experts soulignaient qu'une partie de l'arsenal russe - comme occidental - était prête à l'emploi en permanence.

La Russie avait par ailleurs annoncé à l'été 2023 le déploiement d'armes nucléaires tactiques au Bélarus. L'armée russe a en outre effectué en mai dernier des manoeuvres près de l'Ukraine en réponse aux "menaces de certains responsables occidentaux".

- La dissuasion affaiblie mondialement -

Les propos du chef de l'Etat russe, sur fond d'Assemblée générale des Nations unies, qui se déroule sans lui, s'inscrit dans un contexte de "fragilisation globale du principe de dissuasion à l'échelle mondiale", selon un général occidental s'exprimant sous couvert de l'anonymat.

Russie, Israël et Pakistan, des puissances dotées, ont été récemment attaqués sur leur sol et "en ont été fragilisés mais ils n'ont pas fait usage" de l'arme atomique, fait-il valoir.

La menace russe n'a pas empêché les alliés de Kiev de s'affranchir progressivement de toutes les lignes rouges : livraison de missiles de longue portée, de chars, d'avions de chasse...

Par ailleurs, note le gradé de haut rang, "on assiste aussi à une moindre inhibition des armées à augmenter le niveau de risque à proximité des infrastructures nucléaires civiles (...). Cela contribue à banaliser le fait nucléaire".

L'opinion russe

Selon un sondage du centre indépendant Levada en juillet, 34% des Russes jugent l'usage de l'arme atomique contre l'Ukraine "certainement" ou "plutôt" justifié.

"L'opinion publique le demande car elle veut gagner" la guerre, juge Alexandre Khramtchikhine, un expert russe favorable au Kremlin, estimant que "Poutine est de plus en plus sous pression chez lui".

Mais le chef de l'Etat envoie aussi "un avertissement à l'Occident", ajoute-t-il. "Si vous croyez sérieusement que nous avons assisté mercredi à du bluff, il y a 99% de chances que vous voyiez une guerre nucléaire à l'avenir".

Les Occidentaux prudents

Les Occidentaux, pour autant, veulent croire que le tabou nucléaire né en août 1945 (Hiroshima et Nagasaki) tiendra encore, tant le coût politique et humain serait monstrueux pour celui qui le briserait. Focalisés sur la situation au Proche-Orient, les dirigeants réunis à l'ONU n'ont d'ailleurs pas réagi.

Quiconque prend ces annonces au sérieux "se fait manipuler", estime Phillips O'Brien, de l'université écossaise de Saint Andrews. "Aucun dirigeant n'utilisera l'arme nucléaire parce que la doctrine le dit. Il le fera s'il en a envie. Rien n'a changé", tranche-t-il sur X (ex-Twitter).

"Pas de quoi s'inquiéter", renchérit Héloïse Fayet, de l'IFRI. "Cela fait partie du dialogue dissuasif que la Russie entretient avec l'Occident, et il est certain que la place du nucléaire dans ce rapport de force va augmenter".

20 commentaires

  • 27 septembre 08:27

    Vitrifié ou le cancer tu as le choix de ton avenir Vladimir….la deuxième option est probable


Signaler le commentaire

Fermer

A lire aussi

  • ( AFP / STR )
    information fournie par Boursorama avec AFP 02.04.2025 08:32 

    Deux des plus gros constructeurs automobiles étatiques chinois sont en "discussions avancées" pour fusionner, a rapporté mercredi le New York Times, à l'heure où Pékin pousse ces géants du secteur à être moins dépendants de partenaires étrangers et à innover dans ... Lire la suite

  • Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz à Jérusalem
    information fournie par Reuters 02.04.2025 08:30 

    Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a annoncé mercredi qu'Israël allait étendre son opération militaire à Gaza, déclarant que de vastes zones de l'enclave seraient saisies et ajoutées aux zones de sécurité d'Israël. Israël Katz a fait savoir dans ... Lire la suite

  • Les textes produits par l'IA présentent une sorte de «neutralité» passe-partout qui, à la longue, finit par desservir les usagers. (crédit : Adobe Stock / photo générée par IA)
    information fournie par The Conversation 02.04.2025 08:30 

    Si les IA sont plus performantes que les humains pour brasser des informations et produire un texte dans un laps de temps très court, elles ne maîtrisent ni la véracité des contenus ni l'adaptation des discours aux contextes. Quelques observations pour apprendre ... Lire la suite

  • ( AFP / NICOLAS ASFOURI )
    information fournie par Boursorama avec AFP 02.04.2025 08:29 

    Le groupe Club Med a annoncé mardi "une nouvelle performance record" en 2024, année de la finalisation de sa stratégie de montée en gamme, avec des ventes passant les 2 milliards d'euros, en hausse de 5,5% sur un an. Le Club Med a atteint "une taille significative ... Lire la suite