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Relance de l'atome : les pro-nucléaires de l'OCDE se regroupent, la nouvelle Commission européenne suscite des interrogations
information fournie par Boursorama avec Media Services 19/09/2024 à 11:02

Les changements de têtes chez les commissaires européens font des remous chez les partisans de l'atome, face aux nominations de personnalités ayant déjà manifesté leur hostilité au nucléaire. Pendant ce temps, une quinzaine de ministres se retrouvent sous l'égide de l'OCDE, pour dégager des pistes de réflexion pour relancer les projets nucléaires à l'échelle mondiale.

(illustration) ( AFP / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN )

(illustration) ( AFP / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN )

Une quinzaine de ministres ont rendez-vous à Paris jeudi et vendredi pour une conférence internationale, sous l'égide de l'OCDE et du gouvernement suédois, destinée à trouver les leviers d'accélération de la relance du nucléaire afin de tenir les objectifs climatiques mondiaux.

Les responsables ainsi que des industriels d'une quinzaine de pays sont attendus, venus des Etats-Unis, du Canada, du Japon, de la Corée du Sud, de l'Union européenne (France, Pologne, Bulgarie, Hongrie, Estonie, République tchèque), ainsi que d'Afrique (Ghana). L'objectif pour cette seconde édition de "Roadmaps to New Nuclear 2024" (Feuilles de route pour le nouveau nucléaire 2024) est d'examiner les "moyens concrets d'honorer les engagements pris au niveau mondial d'accroître la production d'énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique", selon le communiqué de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) de l'OCDE, institution qui rassemble les pays développés.

Selon l'AEN, il faudrait tripler les capacités nucléaires mondiales d'ici 2050 pour respecter les objectifs de neutralité carbone, en combinant réacteurs existants, réacteurs de nouvelle génération mais aussi de petits réacteurs modulaires (SMR). "Cette réunion de haut niveau marquera une nouvelle étape importante dans le dialogue mondial autour de l'énergie nucléaire", souligne l'AEN, qui organise cet événement pour la seconde fois à Paris, avec comme co-organisateur cette année la Suède, un des pays qui a décidé de relancer la construction de centrales nucléaires.

Les discussions porteront sur les moyens d'action pour accélérer la construction nucléaire: "comment débloquer l'accès à des montants importants de capitaux à des taux compétitifs, comment garantir des chaînes d'approvisionnement saines et résistantes, ainsi que la main-d'œuvre qualifiée", énumère l'AEN.

Peu de projets concrets

Deux déclarations communes, l'une des gouvernements et l'autre de l'industrie nucléaire, sont attendues vendredi, à l'issue de la conférence, a indiqué l'AEN à l'AFP.

L'an dernier, à Paris, la vingtaine de ministres présents avaient lancé un appel à la finance internationale, encourageant "les banques de développement" et "les institutions financières internationales et régionales" à financer l'énergie nucléaire. L'événement se tient à moins de deux mois de la conférence climatique de la COP29 en Azerbaïdjan, dont le focus est la finance climatique.

Tombé en disgrâce après la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima en 2011, le nucléaire, une énergie peu émettrice de CO2, à l'instar de l'éolien et du solaire, retrouve la cote au nom de la lutte contre le changement climatique. Il s'était même offert une vitrine inédite à la COP28, l'an dernier à Dubaï, où une vingtaine de pays, dont les États-Unis, la France, le Japon et les Émirats arabes unis, avaient appelé à tripler ses capacités dans le monde d'ici 2050. Selon l'AIE, l'agence pour l'énergie de l'OCDE, il faudrait plus que doubler les capacités nucléaires dans le monde d'ici 2050. "Le nucléaire fait un retour en force dans le monde", a assuré à l'AFP Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE, en soulignant les atouts du nucléaire, "un ami de la sécurité énergétique" et "de la réduction des émissions de gaz à effet de serre".

S'ajoutant aux problématiques récurrentes des déchets radioactifs et de la sûreté, ces ambitions rehaussées posent de nombreux défis: former du personnel, construire une chaîne d'approvisionnement, trouver des financements adaptés à ces investissements longs et coûteux. "Rien que pour maintenir la capacité actuelle, il faudrait déjà mettre en service 10 réacteurs par an", c'est-à-dire doubler la cadence actuelle, mais "c'est industriellement impossible", souligne Mycle Schneider, auteur d'un rapport annuel critique sur l'état de l'industrie nucléaire dans le monde. La conférence doit permettre "de passer des discussions aux actions concrètes", assure-t-on à l'agence pour le nucléaire de l'OCDE.

Pendant ce temps-là, questions autour des nouveaux commissaires européens

En parallèle de la réunion sous l'égide de l'OCDE, la question du développement du nucléaire a ressurgi à l'échelle européenne, à l'occasion des nouvelles nominations à la Commission européenne.

Chargée de la transition écologique et de la concurrence, la socialiste espagnole Teresa Ribera a ainsi hérité d'un portefeuille tentaculaire dans la nouvelle Commission européenne. Tête d'affiche dans la nouvelle équipe dévoilée mardi, elle doit encore, comme les autres commissaires, être adoubée par les eurodéputés pour être officiellement nommée.

Proche de Pedro Sanchez, l'actuelle ministre espagnole de la Transition écologique a mené la fermeture des réacteurs nucléaires du pays, critiquant le coût de l'énergie liée à l'atome. Elle avait par ailleurs qualifié de "grande erreur" la décision européenne d'intégrer l'énergie nucléaire dans la liste des investissements durables.

Vice-présidente exécutive de la Commission, son portefeuille promet une transition écologique "propre, juste et compétitive", avec sous ses ordres la puissante direction générale de la concurrence, l'une des administrations les plus influentes à Bruxelles. Teresa Ribera veut "connecter le Pacte vert européen et la compétitivité". Et plusieurs commissaires pourraient lui rendre des comptes, comme le Néerlandais Wopke Hoekstra (climat), la Suédoise Jessika Roswall (environnement) ou le Danois Dan Jorgensen (énergie).

Teresa Ribera a ainsi le "portefeuille le plus influent", estime Simone Tagliapietra, spécialiste des politiques européennes pour le think tank Bruegel. "La concurrence est l'une des compétences exclusives" de l'Union européenne, souligne-t-il. "Elle est en charge du défi politique le plus important des cinq ans qui viennent: articuler la décarbonation avec la compétitivité de l'industrie". Mais l'Espagnole n'aura pas les mains libres au milieu d'une commission dominée par la droite et face à un Parlement transformé par la montée de l'extrême-droite aux élections du mois de juin.

En toile de fond, embrumée dans l'incertitude : la stratégie sur le nucléaire. Interrogée sur ce point lors d'une conférence de presse, Teresa Ribera a montré des signes d'ouverture, selon Politico .

Von der Leyen en modératrice ?

Le média d'information affirme ainsi que la nouvelle Commissaire ne fera pas obstacle à l'expansion de l'atome dans l'Union, se référant à ses prises de parole mardi 17 septembre. "Je pense qu'il y a eu un grand respect (donné) à chaque décision différente que chaque Etat-membre a pris pour définir" leurs mix énergétiques, a t-elle ainsi lancé, dans une déclaration relayée par Politico .

En tant que ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera a par ailleurs présidé en juillet 2023 une réunion des ministres européens de l'environnement et l'énergie, à Valladolid. Interrogée sur ses positions à la table de ce rassemblement, Ribera estime qu'elle a joué "un rôle très important pour ne minimiser personne et faciliter les solutions qui puissent avoir du sens dans le changement stratégique promue par l'économie européenne". Selon Politico , ces observations sont de nature à rassurer les pays pro-nucléaires, dont la France, qui avaient manifesté leurs craintes de voir l'Espagnole réfrenner l'expansion de l'atome en Europe.

Selon la même source, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a ainsi donné l'instruction au nouveau commissaire de l'Energie, Dan Jorgensen, d'agir en faveur de l'expansion des "petits réacteurs nucléaires", technologie défendue par les partisans de l'atome, France en tête. Cette orientation stratégique est vue comme un signe à l'égard des pro-nucléaires et de leurs doutes à l'égard du Commissaire danois, qui, en 2022, s'était opposé à la reconnaissance du nucléaire comme énergie renouvelable dans la taxonomie verte de l'Union européenne.

L'énergie nucléaire a depuis été intégrée à la liste des technologies vertes à soutenir par un vote du Parlement européen, et intégrée à la taxonomie européenne, sous conditions. Toute nouvelle construction de centrale devra ainsi présenter des garanties pour le traitement des déchets nucléaires et le démantèlement des installations, et un permis de construire établi avant 2045. Par ailleurs, la réalisation de travaux pour prolonger la durée de vie des réacteurs actuellement en service devront être autorisés avant 2040.

5 commentaires

  • 19 septembre 14:31

    Tableau des perspectives comparées des prix des énergies et/ou solutions peu carbonées. Le nucléaire qui date pourtant de 1954 n'arrive pas à baisser ses prix aussi vite et fortement que les renouvelables (2006) donc impact bcp plus modeste, amplification des risques (voir conflit Ukraine etc) et perte de tps et d'argent pour un lobby plus inquiet de ses rentes que du climat

    https://www.woodmac.com/siteassets/article-images/2024/the-levelised-cost-of-geothermal-electricity-chart.jpg


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