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Quelques leçons à tirer du débat sur la 5G ?
information fournie par Le Cercle des économistes 12/04/2021 à 10:20

Françoise Benhamou
Françoise Benhamou

Françoise Benhamou

Sorbonne Paris Nord

Professeur

La 5G est aujourd'hui disponible dans la plupart des grandes villes et agglomérations françaises, à quelques exceptions près comme Nantes et Lille. Alors que les oppositions persistent, Françoise Benhamou revient sur les tenants et aboutissant d'un débat tout aussi idéologique que technologique.

2,786 milliards d'euros. C'est ce qu'a rapporté la vente aux enchères des premières fréquences 5G aux opérateurs français Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, à l'automne 2020. Belle affaire pour les finances publiques, qui en ont bien besoin, pour une avancée technologique majeure en termes de performance de débits et de latence.

La 5G peut grandement faciliter l'accès aux services publics. Elle est indispensable aux progrès de l'e-santé et de e-chirurgie. Elle est indissociable de la ville intelligente et conforte les usages de la voiture autonome. Innovation de rupture, elle emporte avec elle une vague d'innovations dans de nombreux secteurs de l'économie. On en attend des développements industriels majeurs, qu'il s'agisse de développer la connectivité des machines, de piloter à distance des outils industriels, de mettre en place une assistance à la maintenance grâce à la réalité augmentée, ou de développer des technologies nécessitant une connaissance des besoins en temps réel. Et la 5G est une condition du déploiement massif de l'Internet des objets.

Mais son adoption n'est pas un long fleuve tranquille. Elle révèle des failles et des lacunes du rapport de notre pays à l'industrie et à la technologie. Elle a suscité des polémiques sur son utilité et son innocuité, révélant un réflexe de méfiance quasi épidermique vis-à-vis de la technologie, nourri par des années de défaillances de l'éducation scientifique des Français et par un déficit d'information et de transparence. Il n'en fallait pas moins pour conduire à une polarisation des opinions (comme si la technologie était affaire d'opinion... !), ainsi qu'à des positions contradictoires de la part des mêmes qui rejettent la 5G mais se plaignent des lenteurs de son arrivée et des inégalités territoriales qui en accompagnent le déploiement.

Notre pays s'est désindustrialisé

Plutôt que des invectives, il aurait fallu des réponses claires, argumentées scientifiquement. Concernant les effets sanitaires, les rapports lèvent la plupart des inquiétudes, même si des débats persistent au sujet des effets de long terme. Concernant la sécurité, l'injonction de retirer les antennes Huawei de réseau mobile 5G déjà installées est arrivée tard, pénalisant les opérateurs les plus avancés. Concernant le fait que la multiplication des usages accroît mécaniquement les risques de cybersécurité, et que les usages ludiques et de loisirs, en gagnant en rapidité, peuvent renforcer le téléchargement illégal et la circulation de fausses nouvelles ou de contenus haineux, la régulation doit se renforcer et s'adapter.

Notre pays s'est désindustrialisé, dans les esprits comme dans les faits. Dans les esprits : les enjeux industriels ont été sous-estimés, d'autant que la 5G est une technologie évolutive dont certaines applications sont encore inconnues. Dans les faits : la France est en retard par rapport à de nombreux pays et souffre de la faiblesse de son positionnement. Alcatel a fusionné avec l'américain Lucent en 2006, et le nouvel ensemble a été racheté par Nokia en 2015. Face à Ericsson (Suède), Nokia (Finlande) et Huawei (Chine), la France semble bien absente. Et il faudra traiter la question du modèle économique de la 5G, face aux investissements très élevés (fréquences, équipements) que les opérateurs ont dû – et devront – consentir, quitte à accroître les prix des forfaits individuels. Y est-on prêt ?
Comment dès lors conforter les conditions nécessaires à l'invention et à l'adoption des technologies d'avenir ? Le Royaume-Uni a annoncé la création d'une agence nationale pour l'innovation de rupture, inspirée de l'Agence américaine de recherche pour la défense (DARPA), au sujet de laquelle Philippe Aghion note que des inventions comme le laser ou le GPS en sont issues directement ou indirectement. C'est dans cette direction qu'il est urgent d'aller. En se donnant les moyens financiers et humains d'une nouvelle donne pour la recherche-développement.

Françoise Benhamou, professeur à Sorbonne Paris Nord, Co-Présidente du Cercle des économistes

Ce texte est un extrait du dernier Cahier publié par le Cercle des économistes «La France est-elle toujours dans la course technologique ?». Cet ouvrage réunit les analyses de 19 experts sur les enjeux et l'avenir de le tech en France. Avec les contributions de : François Barrault, Véronique Bellon-Maurel, Françoise Benhamou, Bernard Bigot, Anne Bouverot, Elie Cohen, Mathieu Duchâtel, Lionel Fontagné, André Loesekrug-Pietri, Jean-Hervé Lorenzi, Denis Lucquin, Valérie Mignon, Mathieu Noguès, Tanya Perelmuter, Isabelle Piot-Lepetit, Erwann Tison, Alain Trannoy, Guy Turquet de Beauregard et Claire Waysand.
Ce e-book est gratuitement téléchargeable sur le site du lecercledeseconomistes.fr

4 commentaires

  • 14 avril 12:09

    On ne peut qu'être d'accord avec le constat. Notre pays n'aime pas la tech. Nous sommes cernés par des déclinistes, qui prônent le retour au moyen-âge. Il faut lire sur les problèmes environnementaux des personnes comme Bill Gates, pour comprendre le fossé entre ceux qui pensent que les solutions sont technologiques, et ceux qui veulent la marche arrière..


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