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Quel visage Trump affichera-t-il lors du sommet avec Poutine ?
information fournie par Reuters 14/08/2025 à 12:00

par Steve Holland

La dernière fois que Donald Trump et Vladimir Poutine se sont réunis en sommet bilatéral, à Helsinki en juillet 2018, lors du premier mandat du président américain, les alliés de Washington ont été alarmés par le ton amical de la rencontre.

Dans la capitale finlandaise, Donald Trump s'était notamment rangé derrière la position du président russe selon laquelle Moscou n'avait pas interféré dans l'élection présidentielle américaine de novembre 2016, remportée par l'ancien magnat de l'immobilier, balayant les rapports effectués par les agences fédérales américaines du renseignement.

Au moment de s'envoler pour l'Alaska, où se tiendra vendredi le premier sommet américano-russe depuis 2021, Donald Trump semble se trouver dans un état d'esprit différent, après avoir exprimé ces dernières semaines son impatience face à la réticence du Kremlin à négocier un accord pour mettre fin à la guerre en Ukraine - l'une de ses promesses de campagne.

Le chef de la Maison blanche s'est plaint publiquement de la poursuite des bombardements russes à travers l'Ukraine, affichant son mécontentement à l'égard de Vladimir Poutine et menaçant la Russie de sanctions.

Mais alors que le ton de Washington a encore évolué, la semaine dernière, après une visite à Moscou de l'émissaire spécial américain Steve Witkoff, la communauté internationale attend de savoir quel visage Donald Trump affichera vendredi à Anchorage, où les Etats-Unis ont une base militaire aérienne qui accueillera le sommet avec Vladimir Poutine.

Adoptera-t-il une position de force ou une attitude similaire au passé, quand l'ex-homme d'affaires cherchait à s'attirer les bonnes grâces de l'ex-agent du KGB ?

CRISPATIONS EUROPÉENNES

La réponse à cette question pourrait avoir d'importantes répercussions pour les dirigeants européens, qui craignent que la Russie se montre à l'avenir plus agressive à l'égard de pays voisins composant le flanc oriental de l'Otan - Pologne, Estonie, Lituanie, Lettonie - si elle venait à être autorisée par les Etats-Unis à absorber des régions ukrainiennes.

Pour Kyiv, l'enjeu est évidemment encore plus primordial, alors que les troupes ukrainiennes ont subi des revers sur les lignes de front face à l'armée russe, près de quarante-deux mois après le début de la guerre.

S'il a utilisé récemment un ton plus ferme à l'égard du président russe, Donald Trump a traditionnellement tendance à se montrer complaisant avec Vladimir Poutine.

Quand, en février 2022, le chef du Kremlin a ordonné l'invasion de l'Ukraine, Donald Trump - qui n'était plus au pouvoir - s'est gardé de formuler toute critique à l'encontre de Vladimir Poutine.

Ce dernier, avec lequel l'ex-président américain Joe Biden avait rompu les échanges directs à la suite de l'offensive russe en Ukraine, a fait l'éloge de Donald Trump pour ses efforts destinés à améliorer les relations entre Washington et Moscou.

Les observateurs du Kremlin attendent de voir si Donald Trump sera ravi de retrouver Vladimir Poutine et convaincu par le président russe du bien-fondé des ambitions de Moscou en Ukraine.

LE RISQUE D'ÊTRE "EMBOBINÉ"

"C'est une préoccupation raisonnable de penser que Trump puisse être embobiné par Poutine et sceller un accord horrible aux dépens de l'Ukraine", a déclaré Dan Fried, qui a travaillé comme diplomate pour plusieurs présidents américains.

Une autre issue est toutefois possible, a ajouté celui qui est désormais membre du centre de réflexion Atlantic Council: "Que l'administration (américaine) prenne conscience du fait que Poutine continue de se jouer d'elle".

Washington a cherché à tempérer les attentes avant le sommet de vendredi, la porte-parole de la Maison blanche Karoline Leavitt décrivant le rendez-vous comme un "exercice d'écoute".

S'exprimant devant les journalistes à l'issue d'une réunion virtuelle avec des dirigeants européens et Volodimir Zelensky mercredi, Donald Trump a déclaré qu'il pourrait organiser un deuxième sommet, auquel serait cette fois convié le président ukrainien, si les discussions en Alaska avec Vladimir Poutine se passaient bien.

Jusqu'à présent, le président russe a ignoré les appels de son homologue ukrainien à une rencontre en face-à-face.

Moscou n'a laissé apparaître aucun signe suggérant qu'il était disposé à effectuer des concessions. Kyiv dit vouloir, avant de négocier un quelconque accord, qu'un cessez-le-feu soit en vigueur et que des garanties sécuritaires lui soient apportées.

Donald Trump s'est engagé mercredi auprès des Européens à ce que les questions territoriales soient négociées avec l'Ukraine dans le cadre d'un éventuel accord de cessez-le-feu avec la Russie, a dit le président français Emmanuel Macron.

UN ÉCHO AUX ARGUMENTS DU KREMLIN

Dès son retour au pouvoir en janvier dernier, Donald Trump a voulu raviver la relation chaleureuse qu'il a entretenue avec Vladimir Poutine lors de son premier mandat à la Maison blanche et qu'il a mise en avant pour se présenter comme le seul capable de stopper la guerre en Ukraine.

Il a exprimé sa sympathie à l'égard du président russe, isolé sur la scène internationale depuis l'invasion de l'Ukraine, et promis de mettre fin au conflit en vingt-quatre heures seulement.

Washington a opéré un rapprochement avec Moscou, certains représentants de l'administration Trump relayant même des arguments du Kremlin, au grand désarroi de Kyiv et de ses alliés européens.

Invité du podcast du chroniqueur conservateur Tucker Carlson en mars dernier, Steve Witkoff a laissé entendre que la Russie était dans son bon droit en voulant contrôler quatre régions ukrainiennes - Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson - parce que, a-t-il dit, "elles sont russophones".

De manière spectaculaire, fin février à la Maison blanche, en direct devant les caméras du monde entier, Donald Trump et son vice-président J.D. Vance ont vigoureusement réprimandé Volodimir Zelensky pour sa gestion de la guerre. Le président américain a par ailleurs qualifié son homologue ukrainien de "dictateur" et a reproché à Kyiv d'avoir déclenché le conflit.

Bien que tout cela a été apprécié à Moscou, les responsables russes n'ont pas suivi le mouvement que Donald Trump a voulu impulser vers un accord de paix avec l'Ukraine. Les négociations directes réclamées par le président américain et organisées en Turquie n'ont permis aucune avancée notable, les deux parties ayant campé sur leurs positions.

Vladimir Poutine s'est entretenu à plusieurs reprises avec Donald Trump mais n'a pas relâché la pression militaire sur l'Ukraine - au contraire, l'armée russe a intensifié ses frappes aériennes. Décriant ce bain de sang, le président américain a haussé le ton en juillet, se plaignant de l'attitude de son homologue russe.

"CONSÉQUENCES TRÈS SÉVÈRES"

Après avoir un temps suspendu les aides militaires à l'Ukraine, Donald Trump a autorisé de nouvelles livraisons d'armes américaines - financées toutefois par les Européens - et il a, mercredi, menacé la Russie de "conséquences très sévères" si elle refusait de conclure un accord.

"Si le ton en provenance de la Maison blanche a changé, il n'a pour l'heure pas été suivi d'un élargissement des sanctions américaines - la date butoir fixée par Trump n'a cessé d'être repoussée - ou de promesses supplémentaires de renforcer la sécurité de l'Ukraine", a déclaré Nicolas Fenton, spécialiste de l'Eurasie au Centre pour les études stratégiques et internationales.

Donald Trump a affirmé lundi qu'il sera en mesure de déterminer en deux minutes si Vladimir Poutine est prêt à effectuer des concessions. "Il est possible que je dise: bonne chance, continuez à combattre. Ou que je dise que nous pouvons conclure un accord", a-t-il déclaré aux journalistes.

Cette seconde hypothèse est privilégiée par le président américain, qui se plaît à être sous le feu des projecteurs avec un sommet attendu à travers le monde et qui fait publiquement campagne pour recevoir le prix Nobel de la paix, se vantant de ce qu'il décrit comme des victoires diplomatiques majeures.

Les alliés traditionnels des Etats-Unis sont crispés par la volonté de Donald Trump d'obtenir un accord sur l'Ukraine coûte que coûte, avec le risque d'enhardir Vladimir Poutine. Les récents commentaires du président américain, sur la nécessité d'un "échange de territoires pour le bien des deux parties", ont provoqué un tollé en Europe et à Kyiv.

D'autant plus que les contours d'un quelconque "échange" sont pour le moins flous. La Russie, qui a annexé la péninsule de Crimée en 2014, a pris le contrôle d'environ un cinquième du territoire ukrainien dans le cadre de son offensive, tandis que l'Ukraine n'occupe plus aucune région russe après avoir un temps réalisé une percée dans la région frontalière de Koursk.

(Steve Holland, avec la contribution de David Brunnstrom, Ashraf Fahim et Jonathan Landay; version française Jean Terzian, édité par Blandine Hénault)

2 commentaires

  • 13:38

    Une face jaune...


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