
Le Premier ministre Sébastien Lecornu, le 10 septembre 2025 à Paris ( POOL / Ludovic MARIN )
Resté volontairement discret depuis sa nomination le 9 septembre, Sébastien Lecornu affronte une semaine décisive pour la suite de son action à Matignon, au cours de laquelle il devra dévoiler son gouvernement, et trouver la clé d'une équation politique complexe s'il veut éviter la censure.
Le Premier ministre doit revoir lundi les chefs de parti et de groupe du socle commun, qu'il s'est attaché à consolider tous ces derniers jours. Jeudi, il affrontera sa troisième journée de mobilisation populaire et syndicale, après celles des 10 et 18 septembre, avant de mener de nouvelles consultations politiques - RN compris - jeudi et vendredi.
Alors que la session ordinaire de l'Assemblée s'ouvre mercredi, il devrait aussi rapidement faire connaître son gouvernement. Et les oppositions attendent de pied ferme sa déclaration de politique générale, peut-être le 6 ou le 7, même si un proche envisageait qu'il puisse s'en passer. "Un refus d'obstacle" qui pourrait en soi justifier une censure, a glissé la semaine dernière un proche de Marine Le Pen à l'AFP.
Le temps presse, alors que le gouvernement doit présenter son projet de budget pour 2026 au plus tard mi-octobre, pour espérer respecter les délais constitutionnels.
Vendredi, le Premier ministre a dévoilé dans Le Parisien de premières orientations, qui ont plutôt eu pour effet de crisper les oppositions.
Fidèle aux fondamentaux de la doctrine macroniste et soucieux de ramener le déficit sous la barre des 3% du PIB en 2029, il a écarté les principales revendications du PS, comme la taxe Zucman ou la suspension de la réforme des retraites, même s'il a invité le Parlement à retravailler sa copie.
"Sans changement majeur d'orientation, nous censurerons ce gouvernement", a immédiatement réagi le Parti socialiste, érigé en principal interlocuteur de la coalition gouvernementale par le président de la République début septembre.
Même au sein du bloc central, la tonalité de l'interview a surpris: "Il est nommé. Il dit, et le président de la République dit: +il faut une rupture+. Le président dit: +il faut un accord avec le PS+. Ce n'est pas exactement ce que j'ai lu dans l'interview d’hier. C'est même exactement le contraire", a grincé un dirigeant samedi.
- "Entrée en mêlée" -

Manifestation contre le plan de budget du gouvernement, le 18 septembre 2025 à Lyon ( AFP / OLIVIER CHASSIGNOLE )
M. Lecornu chercherait-il un accord de non-censure avec le Rassemblement national? S'il s'est dit ouvert à une évolution de l'Aide médicale d'Etat, destinée aux étrangers et que le RN veut voir réduite à une aide d'urgence, cela risque de ne pas suffire aux yeux du parti à la flamme.
"On ne va pas accepter 200 millions d'euros d'économies sur l'immigration, contre 20 milliards d'euros d'efforts imposés aux honnêtes gens", a prévenu le député Jean-Philippe Tanguy dans La Tribune Dimanche.
Face aux réactions de la gauche, 78 députés Renaissance, Horizons et MoDem ont pris la plume dimanche, se disant convaincus dans une tribune au même média qu'un "chemin existe".
"Si le Parti Socialiste souhaite avoir une discussion sincère et constructive concernant, notamment, l'effort fiscal à demander aux plus fortunés ou la justice sociale, nous y sommes prêts", ont-ils écrit.
Auprès de l'AFP, un cadre macroniste tente de se rassurer: "C'est normal dans une négociation que les entrées en mêlée soient rudes. Je note que les socialistes verront Sébastien Lecornu en fin de semaine, c'est bien qu'il y a une espérance de dialogue et de compromis possible".
Le spectre de la censure, et d'une éventuelle dissolution de l'Assemblée, plane cependant de nouveau sur le gouvernement, moins d'un mois après la chute de François Bayrou, renversé le 8 septembre après avoir sollicité la confiance des députés, et moins d'un an après la censure de Michel Barnier (4 décembre).
Le groupe des députés LFI a promis le dépôt rapide d'une motion de censure. "Si le 1er octobre le gouvernement est nommé on (la) dépose tout de suite. S'il n'y a pas de gouvernement on peut attendre qu'il y en ait un", a affirmé à l'AFP une députée Insoumise, alors que la question de savoir s'il est possible de renverser un Premier ministre seul est débattue par les constitutionnalistes.
"Aujourd'hui, on ne voit aucun autre scénario que la censure", avait tranché samedi la patronne des Ecologistes, Marine Tondelier.
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