Le collectif Les Morts de la Rue dénonce un "record effroyable" de SDF décédés en 2024 ( AFP / JOEL SAGET )
Les plus jeunes n'avaient que quelques jours, la plus âgée 93 ans: plus de 900 personnes sans domicile fixe sont décédées en France l'an dernier, un chiffre d'une ampleur inédite qui s'explique à la fois par une hausse du sans-abrisme et par un recensement associatif plus efficace.
"Tous les indicateurs sont au rouge, il y a urgence à se mobiliser", alerte auprès de l'AFP Adèle Lenormand, membre du collectif Les morts de la rue, qui a publié jeudi son décompte actualisé du nombre de personnes sans domicile fixe décédées en 2024.
Des hommes, des femmes mais aussi des enfants: 912 décès ont été dénombrés, soit "un nouveau record effroyable", depuis le premier recensement de 2012.
A titre de comparaison, à la même période l'an dernier, le collectif avait comptabilisé 735 morts pour 2023.
La hausse constatée est liée en partie à "l'augmentation du nombre de personnes sans domicile fixe", mais aussi au fait que le collectif reçoit plus de signalements de la part des particuliers, d'associations et de structures d'accompagnement social, explique Adèle Lenormand, qui a coordonnée l'enquête.
Ces personnes SDF sont décédées de manière "prématurée": à 47,7 ans en moyenne, soit un écart d'espérance de vie de 32 ans avec la population générale. Un âge moyen en recul.
Il s'agit en majorité d'hommes (82%) mais la part de femmes (13%) est "en hausse, reflétant une féminisation du sans-abrisme", selon le collectif.
- Bébés et personnes âgées -
Fait "inquiétant", 4% des décès concernent des moins de 15 ans, soit "un doublement par rapport à la période 2012-2023".
"C'est lié à la progression du nombre de familles dans la rue", précise Adèle Lenormand. Les plus jeunes personnes décédées recensées sont, selon elle, des bébés de quelques jours à peine.
A l'inverse, la personne la plus âgée avait 93 ans. "On observe une progression du nombre de personnes vieillissantes sans domicile fixe", détaille Mme Lenormand. "Depuis l'an dernier, des personnes âgées se retrouvent à la rue pour la première fois à la suite d'une expulsion".
Une partie des personnes décédées en 2024 vivaient dans la rue au moment de leur mort, d'autres étaient hébergées, dans des structures d'urgence ou de soins.
Dans de nombreux cas, la cause du décès reste inconnue (40%). Pour 17%, il s'agit d'une mort violente (noyade, agression, suicide).
L'Ile-de-France concentre 37% des décès et la région Hauts-de-France enregistre un doublement (163 décès), "notamment survenus lors de traversées de la Manche".
- Action publique -
"Face à cette tragédie, l'urgence est double: protéger les plus vulnérables et réformer en profondeur les politiques publiques pour que le droit au logement convenable devienne enfin une réalité", soulignent dans un communiqué Les morts de la rue, qui avaient organisé en mai à Paris une cérémonie d'hommage aux disparus.
Pour l'heure, l'action des pouvoirs publics est largement insuffisante aux yeux des associations. En février, une vingtaine d'entre elles ont déposé devant le tribunal administratif de Paris deux recours contre l'Etat pour "carence fautive" dans la lutte contre le mal-logement et le sans-abrisme.
L'Etat ne remplit pas "correctement" sa mission en matière de politique d'hébergement des personnes sans-abri, avait aussi estimé l'an dernier la Cour des comptes.
Le président Emmanuel Macron avait fait la promesse selon laquelle personne ne devait dormir à la rue d'ici à la fin de son premier quinquennat.
Il est difficile de connaître précisément le nombre de personnes sans domicile fixe en France: elles seraient environ 350.000, dont 20.000 à la rue, selon la Fondation pour le Logement (ex-Fondation Abbé Pierre).
La dernière évaluation officielle de l'Institut national de la statistique, qui remonte à 2012, estimait leur nombre à 143.000. L'Insee devrait dévoiler fin 2026 les résultats d'une enquête pour mettre à jour cette estimation.

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