
Deux bateaux de pêche dans le Golfe de Gascogne. ( AFP / FRED TANNEAU )
La pêche française est une force en Europe qui fait face à plusieurs défis, parmi lesquels une flotte vieillissante, des techniques critiquées par les défenseurs des océans, ou encore des chocs successifs durs à encaisser.
Un géant européen aux pieds fragiles. La pêche française peine à répondre au défi du renouvellement de ses navires, enjeu majeur pour une pratique plus durable et décarbonée. Pour rappel, lundi 15 septembre, l'accord de l'OMC sur les subventions à la pêche, le premier qui porte sur l'environnement, est entré en vigueur.
Une force en Europe, mais déficitaire
La France est le deuxième producteur européen de produits de la pêche, derrière l'Espagne, avec 473.000 tonnes de poissons et crustacés pêchés en 2023, en recul de 9% par rapport à 2022, après deux années consécutives de hausse, selon les données du gouvernement. Elle reste le leader européen de la production d'huîtres et occupe la deuxième place derrière l'Espagne (en volume) pour les moules. Elle se classe au troisième rang des producteurs européens pour l'aquaculture.
Malgré cela, la pêche française est minoritaire dans l'assiette des Français et les produits de la mer contribuaient en 2022 pour 5,6 milliards d'euros au déficit du commerce extérieur. Le goût des Français, qui sont les quatrièmes consommateurs européens de ces produits avec 31,8 kg par habitant et par an, pèse dans la balance : au merlu ou au maquereau, ils préfèrent le saumon et la crevette, deux espèces représentant plus d'un tiers des importations totales de poissons et crustacés.
De vieux navires, moins de marins
La flotte de pêche française a diminué de plus d'un quart en vingt ans, avec moins de 6.000 navires en 2023, d'une moyenne d'âge de trente ans. En métropole, elle est composée essentiellement de petits bateaux : plus de 80% font moins de douze mètres. Elle se renouvelle doucement : une soixantaine de nouveaux navires sortent chaque année de chantiers navals français, belges ou marocains. Objectifs : réduire la facture énergétique et développer une pêche moins polluante (propulsion hybride, matériaux biosourcés...).
En 2022, les navires employaient 12.300 personnes. Les marins-pêcheurs sont moins nombreux (-13% par rapport à 2012) et environ la moitié devraient partir en retraite dans les prochaines années. Leur rémunération mensuelle moyenne varie entre 2.500 et 3.000 euros net, selon France Filière Pêche, avec de fortes variations dans l'année en fonction des espèces pêchées et de la météo.
Des techniques critiquées
La pêche au chalut approvisionne plus de la moitié de l'offre française. Le chalut ou filet pélagique permet de pêcher des espèces vivant en pleine mer comme l'anchois ou la sardine. Le chalut de fond, un filet conique encadré de panneaux métalliques traîné sur le plateau continental océanique, pêche les espèces vivant près du fond : cabillaud, merlu, sole ou encornet. Cette technique est dénoncée comme "destructrice" par des ONG de défense des océans, dont Bloom qui milite pour la faire interdire, suscitant la colère des pêcheurs. Le reste des approvisionnements se fait avec d'autres filets, à la drague (casier ou filet métallique pour les coquilles Saint-Jacques), avec des casiers (crabes, homards) et à la palangre (lignes garnies d'hameçons pour le thon).
Encore trop de surpêche
En 2023, 58% des poissons débarqués en France provenaient de populations exploitées durablement, un chiffre en amélioration par rapport à 2022 (52%), selon l'institut français de recherche Ifremer. Mais un poisson débarqué sur cinq (19%) reste issu de populations de poissons surexploitées et 2%, de populations effondrées, comme le merlu de Méditerranée ou la sole de Manche Est. Le progrès est net depuis 2000, quand seulement 18% des poissons étaient exploités durablement, mais l'objectif de 100% fixé par la Politique commune de la pêche est encore loin.
Des chocs successifs durs à encaisser
Après le Brexit, la France a envoyé 86 bateaux à la casse, indemnisant les pêcheurs n'ayant pas obtenu de renouvellement des licences de pêche dans les eaux britanniques. L'inquiétude porte désormais sur les modalités techniques (types de filets, quotas) des 1.054 licences britanniques finalement accordées. Paris s'inquiète aussi de la fermeture à certains types de pêche des aires marines protégées (AMP) britanniques, après l'annonce par Londres en juin dernier de la création de 43 nouvelles AMP.
Cet hiver, la fermeture pour un mois de la pêche dans le golfe de Gascogne pour protéger les dauphins , pour la deuxième année consécutive, a affecté les pêcheurs de la façade atlantique — qui ont été indemnisés —, tandis que dans l'océan Indien, la pêche thonière bat de l'aile, plombée par les coûts du gazole et l'épuisement de la ressource.
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