
Chen Yani (d), fondatrice du lieu "L'Univers imaginaire de Keke", dans le potager du gîte rural avec des participantes, le 14 juillet 2025 à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, dans l'est de la Chine ( AFP / Jade GAO )
Un potager, des oies, mais pas d'homme: ce gîte rural fait partie des communautés féminines qui essaiment en Chine. Les femmes y cherchent détente et entraide, loin des pressions socio-professionnelles et des jugements masculins.
Leurs motivations? "Parler librement de sujets intimes", "se faire des amies" ou "se sentir en sécurité", expliquent les participantes dans cette maison blanche à flanc de colline.
Après avoir confectionné des pains vapeur à la viande dans la cuisine avec vue sur les montagnes, les femmes discutent dans le salon cosy, où les rires fusent autour d'un jeu de société et de cafés latte.
"Un espace 100% féminin, c'est sécurisant. Entre femmes, on parle plus facilement de certaines choses", comme des relations amoureuses et de ses blessures, déclare Zhang Wenjing, 43 ans, une participante.
"En présence d'un homme, on fait davantage attention" à notre attitude, renchérit Chen Fangyan, 28 ans.

Chen Yani (d), fondatrice du lieu "L'Univers imaginaire de Keke", déjeune avec des participantes dans la cuisine du gîte rural, le 14 juillet 2025 à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, dans l'est de la Chine ( AFP / Jade GAO )
Les participantes paient 30 yuans (3,60 euros) par nuit, puis 80 yuans (9,60 euros) à partir du quatrième jour, dans ce lieu nommé "L'Univers imaginaire de Keke", du surnom de la fondatrice, Chen Yani, 30 ans.
"Durant mes expériences professionnelles et entrepreneuriales, j'ai été harcelée par des hommes", au point "d'être souvent incapable de travailler normalement", raconte-t-elle ajoutant que c'est là qu'elle a commencé à réfléchir à "un lieu où l'on n'aurait pas d'appréhension".
- Pas "obligées de jouer un rôle" -
Elle retape alors cette maison située à Lin'an, dans la province du Zhejiang (est du pays) et organise via le réseau social Xiaohongshu (le "Instagram chinois", aussi appelé RedNote), un séjour chez elle durant le Nouvel an chinois.

Chen Yani (d), fondatrice du gîte rural "L'Univers imaginaire de Keke", montre aux nouvelles invitées leurs chambres, le 14 juillet 2025 à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, dans l'est de la Chine ( AFP / Jade GAO )
Douze femmes viennent, notamment pour échapper aux questions intrusives de leurs parents durant les fêtes - la pression en Chine pour se marier avant 30 ans étant particulièrement forte.
"En famille, les femmes doivent souvent s'occuper des grands-parents, des enfants, du ménage. Sans compter les responsabilités au travail", note Chen Yani.

Chen Yani (g), fondatrice du lieu "L'Univers imaginaire de Keke", lors d'un pique-nique avec des participantes, le 15 juillet 2025 à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, dans l'est de la Chine ( AFP / Jade GAO )
"Elles ont besoin d'un endroit où elles ne sont pas obligées de jouer un rôle", souligne-t-elle.
Grâce à leur indépendance économique et à un niveau d'études plus élevé, les femmes ont aujourd'hui davantage de choix, estime Yuan Xiaoqian, 29 ans, une autre participante.
Et sur RedNote notamment, ces communautés féminines se multiplient.
- "Force mentale" -
Pour quelques jours ou mois, elles proposent davantage qu'un hébergement: elles se veulent des lieux de solidarité entre femmes.

Yang Yun (d), fondatrice de l'espace de cohabitation pour femmes "Her Space", regarde une invitée faire de la calligraphie à Hangzhou, le 14 juillet 2025 dans la province du Zhejiang, dans l'est de la Chine ( AFP / Jade GAO )
Comme celui que Yang Yun, 46 ans, a ouvert début juin à Xiuxi, un village du Zhejiang. Un endroit aux airs d'hôtel de charme, avec meubles bruts et calligraphies aux murs.
Contre 3.980 yuans (480 euros) d'adhésion à ce club, nommé "Son Espace", les membres peuvent y venir à tout moment et à vie.
"Si elle perd son emploi, ses parents, se dispute avec son mari, est épuisée par la vie urbaine, elle sait qu'elle peut venir trouver un peu de chaleur", explique Mme Yang, qui revendique 120 membres. "Cela leur donne une force mentale."

Yang Yun (g), fondatrice de l'espace de cohabitation pour femmes "Her Space", avec des villageois à Hangzhou, le 14 juillet 2025 dans la province du Zhejiang, dans l'est de la Chine ( AFP / Jade GAO )
Les membres peuvent devenir partenaires, en investissant dans la rénovation de maisons du village, qu'elles peuvent ensuite louer aux touristes.
Ces espaces non-mixtes sont par certains accusés de nourrir l'antagonisme entre sexes ce que Chen Yani récuse.
"Comme les enfants ou les seniors (...), les femmes constituent un groupe social avec des trajectoires de vie, des problèmes similaires. C'est plus facile de se comprendre et de faire preuve d'empathie", explique-t-elle.
- Colocations permanentes? -
D'autres lieux réservés aux femmes ouvrent en Chine.
"Les hommes ont plein d'occasion de socialiser, lors de soirées arrosées ou en faisant du sport", souligne Lilith Jiang, 34 ans, fondatrice à Pékin de la librairie-café non-mixte "La moitié du ciel".

Chen Yani (c), fondatrice du lieu "L'Univers imaginaire de Keke", avec des participantes devant son gîte rural, le 15 juillet 2025 à hangzhou dans la province du Zhejiang, dans l'est de la Chine ( AFP / Jade GAO )
Des espaces d'échanges que "les femmes n'ont pas", explique-t-elle.
Si Chen Yani concède que son "modèle économique n'est pas viable" elle assure que "tant qu'il y aura une demande, il continuera d'exister" et "d'inventer une autre manière de vivre".
"Certains disent sans cesse aux femmes: +si tu ne te maries pas, qu'est-ce que tu deviendras en vieillissant?+", souligne Lilith Jiang.
Pour elle, en alternative aux relations amoureuses, "des colocations 100% féminines sur le long terme, pour vieillir entre femmes, ça pourrait être une solution".
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