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Malgré la mort et la destruction, les Gazaouis rejettent le projet de Trump de les déplacer
information fournie par Reuters 08/07/2025 à 19:09

par Hussam al-Masri

A chaque fois qu'il regarde vers l'horizon dans la bande de Gaza, tout ce que Mansour Abou al-Khaier peut voir est la destruction, la mort, alors que l'enclave palestinienne a été complètement ravagée par la campagne militaire menée par Israël depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Malgré les bombardements à répétition, les affrontements terrestres et la pénurie de produits alimentaires et d'autres biens de première nécessité, le technicien âgé de 45 ans rejette catégoriquement, comme nombre de Gazaouis, le projet du président américain Donald Trump et du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de déplacer les 2,3 millions d'habitants hors du territoire palestinien.

"C'est notre terre. A qui la laisserions-nous, où irions-nous ?", interroge Mansour Abou al-Khaier.

Recevant lundi Benjamin Netanyahu pour un dîner à la Maison blanche, Donald Trump a signalé des progrès sur son projet, controversé, de reloger définitivement les Palestiniens hors de la bande de Gaza. Il y a une "grande coopération" de la part des pays voisins, a dit le président américain.

S'exprimant également devant des journalistes en préambule au dîner, auquel participaient plusieurs représentants américains et israéliens de haut rang, Benjamin Netanyahu a déclaré qu'Israël et les Etats-Unis travaillaient avec d'autres pays pour offrir aux Palestiniens un "avenir meilleur".

"Si les gens veulent rester, ils peuvent rester, mais s'ils veulent partir, ils doivent être en mesure de le faire", a dit le Premier ministre israélien, attablé face à Donald Trump dans l'un des salons de réception de la Maison blanche.

"Nous travaillons étroitement avec les Etats-Unis pour trouver des pays qui cherchent à réaliser ce qu'ils ont toujours dit - vouloir offrir aux Palestiniens un avenir meilleur. Nous sommes tout proches de trouver plusieurs pays", a-t-il ajouté.

"TRÈS CONTESTABLE"

Interrogée mardi lors d'un point de presse à Genève sur les commentaires du dirigeant israélien, la porte-parole du Haut-Commissariat de l'Onu aux droits de l'homme (HCDH) a déclaré que "cela soulève des inquiétudes à propos d'un transfert forcé".

"Le concept de transferts volontaires, dans le contexte de ce que nous voyons à Gaza en ce moment, est très contestable", a ajouté Ravina Shamdasani.

Dès les premiers jours de son second mandat présidentiel en janvier dernier, Donald Trump a appelé la Jordanie et l'Egypte à accueillir les Palestiniens de Gaza et s'est dit ouvert à l'idée que cela devienne une solution à long-terme.

En février, au cours d'une précédente visite de Benjamin Netanyahu à la Maison blanche, le président américain a présenté un projet destiné à déloger de manière permanente les Gazaouis et à rebâtir l'enclave pour en faire la "Côte d'Azur" du Proche-Orient, provoquant un tollé dans la région et au-delà. Netanyahu a apporté alors son soutien à ce plan.

Amman et Le Caire avaient immédiatement affiché leur opposition au projet de Donald Trump, comme l'avaient fait les Palestiniens et des groupes de défense des droits de l'homme, dénonçant un projet équivalant à un nettoyage ethnique.

Tout déplacement forcé d'une population est une violation du droit international.

Saïd, habitant de la bande de Gaza âgé de 27 ans, est préoccupé par le fait que Donald Trump et Benjamin Netanyahu ont de nouveau évoqué l'idée d'un déplacement des Palestiniens, alors qu'Israël a parallèlement accru le nombre de colonies en Cisjordanie occupée et y a multiplié les assauts terrestres.

En dépit de multiples déplacements à l'intérieur de la bande de Gaza depuis le début de la guerre, Saïd demeure profondément attaché à ce petit territoire qui abrite des générations de réfugiés palestiniens ayant été contraints de fuir leurs terres.

"Nous voulons pouvoir partir de notre propre volonté pour aller visiter d'autres pays, mais nous rejetons le projet de déplacement des Palestiniens", a-t-il dit.

LA CRAINTE D'UNE NOUVELLE "NAKBA" RAVIVÉE

De nombreux Palestiniens accusent Israël de nuire méthodiquement à leurs espoirs d'un Etat palestinien indépendant - qui serait composé de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est - en multipliant les colonies israéliennes en Cisjordanie et en ayant complètement détruit Gaza.

L'Etat hébreu nie ces accusations, disant combattre uniquement les groupes armés palestiniens qui représentent selon lui une menace pour son existence. Il revendique par ailleurs des racines historiques et bibliques en Cisjordanie.

La question d'un déplacement est particulièrement sensible pour les Palestiniens, qui craignent une nouvelle "Nakba" (catastrophe), quand des centaines de milliers de personnes ont été chassées de leurs habitations lors de la guerre de 1948 ayant accompagné la création de l'Etat d'Israël.

La Nakba a contribué à façonner l'identité nationale des Palestiniens tout en jetant une ombre sur leur relation conflictuelle avec les Israéliens.

Face à la pénurie de nourriture, carburant, médicaments et eau, certains Palestiniens cherchent à fuir la bande de Gaza, selon un rapport du Centre palestinien de politique et de sondage. "Près de la moitié" sont désireux de quitter l'enclave, était-il écrit dans le document du 'think tank' publié en mai.

Abou Samir el-Fakaawi ne fait pas partie d'entre eux. "Je ne quitterai pas Gaza. C'est mon pays", a-t-il dit mardi.

"Nos enfants tués pendant la guerre sont enterrés ici. Nos familles. Nos amis. Nous sommes tous enterrés ici", a-t-il ajouté. "Que cela plaise à Trump ou Netanyahu ou quiconque, nous restons sur cette terre".

(Reportage de Hussam al-Masri, avec la contribution de Steven Scheer à Jérusalem et Emma Farge à Genève; version française Jean Terzian, édité par Kate Entringer)

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