La patronne des députés du Rassemblement national a relativisé le domaine réservé du chef de l'Etat dans l'hypothèse d'une cohabitation avec Jordan Bardella. Elle a depuis nuancé son propos, suscitant toutefois de vives interrogations.

Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le 21 juin 2022, à Paris ( POOL / LUDOVIC MARIN )
"Chef des armées, pour le président (de la République), c'est un titre honorifique puisque c'est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse". Cette déclaration de Marine Le Pen dans les colonnes du Télégramme a semé le trouble sur le rôle qu'ambitionne de jouer un éventuel gouvernement mené par Jordan Bardella dans le domaine militaire, face aux prérogatives attribuées à Emmanuel Macron par la Constitution, en tant que président de la République "chef des armées" (article 15).
"Jordan (Bardella) n'a pas l'intention de lui chercher querelle, mais il a posé des lignes rouges. Sur l'Ukraine, le président ne pourra pas envoyer de troupes", a indiqué la patronne des députés RN dans un entretien au quotidien régional Le Télégramme , publié mercredi 26 juin. Emmanuel Macron avait ouvert le débat sur l'envoi en Ukraine de soldats occidentaux en février, en refusant d'exclure l'option.
"Une règle du jeu qui s'impose à tout le monde"
Jeudi 27 juin, le président du Modem, François Bayrou, a estimé que Marine Le Pen avait mis "en cause profondément la Constitution" par cette déclaration "extrêmement grave". "Si vous prétendez que celui qui nomme aux emplois civils et militaires de l'État, celui qui préside les conseils de défense, celui dont la Constitution dit en toutes lettres qu'il est le chef des armées, si vous prétendez que ce n'est pas vrai, que ce serait des titres pour faire joli, alors vous mettez en cause profondément la Constitution", a affirmé l'allié d'Emmanuel Macron sur Europe1-Cnews . Il a rappelé que la Constitution préservait "la démocratie: pouvoir vivre ensemble avec des opinions différentes et même divergentes et même opposées parce que nous avons une règle du jeu qui s'impose à tout le monde".
Quelques minutes plus tard, Marine Le Pen a semblé nuancer cette déclaration, e évoquant sur X "le domaine réservé du Président de la République" tout en reconnaissant, en même temps, des compétences au Premier ministre dans ces domaines sensibles que sont la politique étrangère et de la défense. "Sans remettre en cause le domaine réservé du président de la République, en matière d'envoi de troupes à l'étranger, le Premier ministre a, par le contrôle budgétaire, le moyen de s'y opposer. Jordan Bardella était donc fondé à rappeler qu'il est opposé à l'envoi de militaires français en Ukraine" , a-t-elle estimé.
"Si nous arrivons aux responsabilités, c'est pour appliquer une politique, ce n'est pas pour faire semblant, ce n'est pas pour occuper des places et des strapontins", a abondé jeudi sur BFMTV-RMC le député RN Sébastien Chenu, vice-président du parti lepéniste.
Si le Rassemblement national, très large favori des sondages, remportait les élections législatives des 30 juin et 7 juillet, une situation de cohabitation entre un président et un gouvernement de couleurs politiques différentes se mettrait en place. Lors des trois précédentes cohabitations de la Ve République, le président avait conservé de larges pouvoirs en matière de politique internationale et de défense, au nom d'une interprétation de la Constitution octroyant un "domaine réservé" au chef de l'Etat.
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