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Les terres rares, une arme pour Pékin dans la guerre commerciale
information fournie par Reuters 06/06/2025 à 13:37

Des échantillons de minéraux de terres rares exposés lors d'une visite de l'installation de terres rares de Molycorp à Mountain Pass, en Californie

Des échantillons de minéraux de terres rares exposés lors d'une visite de l'installation de terres rares de Molycorp à Mountain Pass, en Californie

par Laurie Chen

La Chine a fait savoir pendant plus de 15 ans qu'elle comptait utiliser certains maillons des chaînes d'approvisionnement mondiales comme des leviers commerciaux, s'inspirant d'un contrôle des exportations américaines qu'elle considère comme visant à freiner sa montée en puissance.

La ruée sur ses licences d'exportation de terres rares, en toile de fond d'un entretien par téléphone organisé jeudi entre le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping, prouve que Pékin s'est bel et bien dotée d'une arme efficace et ciblée dans le cadre de la guerre commerciale déclenchée par les Etats-Unis.

Selon des dirigeants du secteur industriel et des analystes, bien que la Chine montre des signes suggérant qu'elle autorisera davantage d'exportations de ses terres rares, essentielles à la fabrication de moteurs de voiture, de turbines éoliennes et même d'avions de chasse américains, elle ne compte pas pour autant démanteler son nouveau système de licences.

Celui-ci, inspiré des États-Unis, offre à Pékin une visibilité stratégique inédite sur les faiblesses de la chaîne d'approvisionnement mondiale.

"À l'origine, la Chine s'est inspirée du régime de sanctions global des États-Unis pour élaborer ces méthodes de contrôle des exportations", explique Zhu Junwei, chercheur à la Grandview Institution, un groupe de réflexion spécialisé dans les relations internationales.

"Depuis, elle tente de mettre en place ses propres systèmes, à n'utiliser qu'en dernier recours."

Après son entretien de jeudi avec Xi Jinping, Donald Trump a déclaré que les deux dirigeants avaient "éclairci certains points, concernant principalement les aimants en terres rares et d'autres choses".

Le président américain n'a pas précisé si Pékin s'était engagé à accélérer l'octroi de licences pour les exportations d'aimants en terres rares, alors que les Etats-Unis ont riposté à la lenteur présumée de la Chine en réduisant leurs expéditions de logiciels de conception de puces et celles de moteurs d'avion vers le pays.

QUASI-MONOPOLE

La Chine détient un quasi-monopole sur les aimants en terres rares, un composant essentiel des moteurs de véhicules électriques.

En avril, elle a ajouté certains des aimants les plus sophistiqués à sa liste de contrôle des exportations dans le cadre de sa guerre commerciale avec les États-Unis, obligeant tous les exportateurs à faire des demandes de licences.

Un service autrefois discret du ministère chinois du Commerce, composé d'une soixantaine d'employés, s'est ainsi vu confier la responsabilité d'un point névralgique de l'industrie mondiale.

Le ministère n'a pas répondu dans l'immédiat à des questions de Reuters.

Cette semaine, plusieurs équipementiers automobiles européens ont suspendu des lignes de production après avoir manqué d'approvisionnement. Et si les restrictions décidées par la Chine en avril ont coïncidé avec un ensemble plus large de mesures de rétorsion contre les droits de douane imposés par Washington, elles s'appliquent à l'échelle mondiale.

"Pékin bénéficie d'un certain degré de dénégation plausible, car personne ne peut prouver que la Chine agit de manière délibérée", déclare Noah Barkin, conseiller de Rhodium Group, un groupe de réflexion américain centré sur la Chine.

"Mais le rythme des approbations est un signal assez clair que la Chine envoie un message, exerçant une pression pour empêcher que les négociations commerciales avec les États-Unis ne débouchent sur un contrôle supplémentaire des technologies."

La Chine extrait environ 70% des terres rares du monde, mais détient un quasi-monopole sur leur raffinage et leur traitement.

"LE MOYEN-ORIENT A DU PÉTROLE, LA CHINE A DES TERRES RARES"

Des centaines de fournisseurs japonais auraient besoin que Pékin approuve des licences d'exportation pour des aimants en terres rares dans les semaines à venir afin d'éviter des suspensions de production, a indiqué une source qui a fait du lobbying en leur nom auprès de Pékin.

"Le scalpel de la Chine est de plus en plus aiguisé", relève un cadre américain d'une entreprise cherchant à mettre en place une chaîne d'approvisionnement alternative.

"Ce n'est pas un moyen de superviser l'exportation d'aimants, mais de gagner en influence et en avantages face à l'Amérique."

La crainte que la Chine puisse utiliser la puissance de sa chaîne d'approvisionnement mondiale comme une arme est née de l'interdiction temporaire des exportations de terres rares vers le Japon en 2010, à la suite d'un différend territorial.

Dès 1992, l'ancien dirigeant chinois Deng Xiaoping aurait déclaré : "Le Moyen-Orient a du pétrole, la Chine a des terres rares."

La loi sur le contrôle des exportations adoptée par Pékin en 2020 a étendu les restrictions à tous les produits affectant la sécurité nationale, qu'il s'agisse de biens et de matériaux essentiels ou de technologies et de données.

CONTOURNEMENT DES POLITIQUES AMÉRICAINES

Depuis, la Chine s'est dotée de son propre pouvoir de sanction tout en consacrant l'équivalent de milliards de dollars à des solutions de contournement des politiques américaines.

En 2022, les États-Unis ont imposé des restrictions draconiennes aux ventes de semi-conducteurs avancés et d'outils associés à la Chine, craignant que ces technologies ne renforcent la puissance militaire de Pékin.

Selon les analystes, cette mesure n'a pas réussi à stopper les progrès de la Chine en matière de puces avancées et d'intelligence artificielle.

Pékin a riposté un an plus tard en mettant en place des licences d'exportation pour le gallium et le germanium, ainsi que pour certains produits à base de graphite. Leurs exportations vers les États-Unis ont ensuite été interdites en décembre 2024.

La Chine a en outre restreint en février les exportations de cinq autres métaux essentiels aux secteurs de la défense et des énergies renouvelables.

Pour les analystes, le rythme des délivrances de licences est difficile à suivre.

"Il est pratiquement impossible de savoir quel pourcentage des demandes pour des utilisateurs non militaires est approuvé, car les données ne sont pas publiques et les entreprises ne veulent pas confirmer publiquement leur choix", explique Cory Combs, analyste des minéraux critiques chez Trivium, un cabinet de conseil politique centré sur la Chine.

(Reportage de Laurie Chen à Pékin ; avec Michael Martina à Washington, version française Benjamin Mallet)

1 commentaire

  • 06 juin 14:47

    Gisements de cuivre et de chrome et des réserves estimées de lithium, d'uranium et de borax les plus riches du monde. Sans compter le gaz et le pétrole: Ça c'est le Tibet! 1 200 000km² annexé sans que nous réagissions le 7/10/1950 par la Chine. Et maintenant Trump imite Mao et veut annexer le Groenland!


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