Une commission d'enquête des Nations unies a conclu dans un document publié mardi qu'Israël commet un génocide dans la bande de Gaza et que les plus hauts responsables israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont incité à de tels actes.
La Commission d'enquête indépendante sur le territoire palestinien occupé cite en exemples l'ampleur de la tuerie dans la bande de Gaza, les obstructions à l'aide humanitaire, les déplacements forcés de la population et la destruction d'une clinique de fertilité pour étayer ses conclusions.
Plus tôt ce mois-ci, une éminente association internationale de chercheurs a déclaré à propos de l'offensive israélienne à Gaza que les critères juridiques d'un génocide étaient remplis. Deux ONG israéliennes, B'Tselem et Physicians for Human Rights Israel (Médecins pour les droits humains), avaient accusé pour la première fois en juillet Israël de commettre un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza.
L'Afrique du Sud a déposé en décembre 2023 devant la Cour pénale internationale (CPI) une plainte accusant Israël d'actes génocidaires à Gaza. Israël nie ces accusations et a dit exercer son droit à l'autodéfense.
"Un génocide se produit à Gaza", a déclaré Navi Pillay, directrice de la Commission d'enquête indépendante sur le territoire palestinien occupé et ancienne juge de la CPI.
"La responsabilité de ces crimes atroces repose sur les plus hauts échelons des autorités israéliennes, qui ont orchestré une campagne génocidaire depuis près de deux ans désormais, avec l'intention précise de détruire les Palestiniens de Gaza", a-t-elle ajouté.
Israël, dont la mission diplomatique à Genève a accusé la commission d'enquête d'avoir des intérêts politiques contraires à l'Etat hébreu, a refusé de coopérer avec la commission.
Les conclusions publiées mardi dans un document de 72 pages représentent à date la position la plus tranchée de l'Onu à propos de l'offensive israélienne à Gaza. Toutefois, la commission ne parle pas officiellement au nom des Nations unies, qui se sont gardé jusqu'à présent d'utiliser le mot génocide en dépit de pressions internationales croissantes.
D'après les autorités locales, plus de 64.000 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza depuis le début du "siège total" déclaré par Israël en réponse à l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023 lors de laquelle 1.200 personnes ont été tuées et 251 autres enlevées, selon les autorités israéliennes.
La population gazaouie a été déplacée par les bombardements qui ont ravagé l'enclave, où la situation humanitaire est catastrophique. Le Bureau des affaires humanitaires de l'Onu a prévenu plus tôt ce mois-ci que le temps pressait pour lutter contre la propagation de la famine dans la bande de Gaza.
Un organisme onusien a établi en août que plus de 500.000 Gazaouis étaient touchés par la famine.
PARALLÈLE AVEC LE GÉNOCIDE AU RWANDA
Aux termes de la Convention de l'Onu sur le génocide, adoptée en 1948, le génocide est défini par des crimes commis "avec l'intention de détruire, dans son intégralité ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".
Dans le document publié mardi, la commission onusienne conclut qu'Israël a commis quatre des cinq actes constitutifs d'un génocide (au moins l'un d'entre eux est requis pour justifier cette qualification aux termes de la Convention): il a tué, infligé des blessures physiques ou psychologiques graves, imposé délibérément des conditions de vie destinées à supprimer partiellement ou totalement les Palestiniens, et pris des mesures destinées à empêcher les naissances.
Sont cités comme preuves des entretiens avec des victimes, des témoins, des médecins, des documents 'open source' et des images satellites collectés depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.
La commission établit également que des déclarations effectuées par Benjamin Netanyahu et d'autres responsables israéliens, parmi lesquels le président Isaac Herzog et l'ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, constituent "des preuves directes d'une intention génocidaire".
Elle cite une lettre envoyée par le Premier ministre israélien aux soldats de Tsahal en novembre 2023 dans laquelle le dirigeant compare l'opération à Gaza à ce que la commission décrit comme une "guerre sainte d'annihilation totale" de la Bible hébraïque.
Navi Pillay, qui a présidé le Tribunal pénal international pour le Rwanda, où plus d'un million de personnes ont été tuées en 1994, a dressé mardi un parallèle entre les deux situations.
"Quand je regarde les faits lors du génocide au Rwanda, c'est très, très similaire" à ce qui se passe à Gaza, a-t-elle dit. "Les victimes sont déshumanisées. Ce sont des animaux, et par conséquent, vous pouvez les tuer sans état d'âme".
"J'espère que, à la suite de notre rapport, les Etats auront aussi l'esprit ouvert", a-t-elle ajouté.
(Emma Farge, avec la contribution de Stephanie van den Berg à La Haye; version française Jean Terzian, édité par Blandine Hénault)
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