Largué face aux capacités d'innovation chinoises, le Vieux continent compte désormais sur les investissements de Pékin pour relancer son industrie. La tendance soulève notamment de nombreuses questions en matière de souveraineté.
Une cérémonie d'accueil, à Pékin, lors d'une visite d'Emmanuel Macron en Chine, en avril 2023 (illustration) ( AFP / LUDOVIC MARIN )
La visite d'Emmanuel Macron en Chine, qui débute mercredi 3 décembre, a notamment pour objectif de convaincre Pékin d'investir davantage en France, dans l'espoir de s'inspirer des technologies chinoises et permettre à l'industrie de rattraper son retard. "Après 30 ans de mondialisation qui ont largement permis à la Chine de croître et d'innover (...) les Chinois ont aujourd'hui des technologies particulièrement avancées qui peuvent être partagées avec leurs partenaires de confiance, notamment européens", soulignait l'Élysée la semaine dernière.
"Tout s'est inversé"
Une perspective qui marque un retournement de l'histoire alors que ces quarante dernières années, c'est de l'Europe vers la Chine que les transferts de technologies avaient lieu, grâce à l'arrivée de nombreuses entreprises du Vieux Continent dans différentes provinces chinoises à partir des années 1980. Les investissements français en Chine (40 milliards d'euros en 2023, selon le Trésor) sont toujours trois fois supérieurs aux investissements chinois en France (13,5 milliards d'euros), mais Pékin se démarque dans des domaines comme les batteries, le photovoltaïque ou encore la voiture électrique.
"Tout s'est inversé. Les pays émergents, c'est nous. Le pays développé, c'est eux. Donc tout ce qu'ils nous ont fait, il faut le leur faire. Il faut imposer des 'joint venture' (co-entreprise, forme de partenariat dans lequel deux entreprises collaborent sur un projet, NDLR) et du transfert de technologie", prône le directeur général de la banque publique d'investissement Bpifrance, Nicolas Dufourcq, interrogé par l'AFP. L'Elysée met en avant le cas d'Orano, qui s'est associé fin 2024 avec le chinois XTC New Energy pour produire des matériaux critiques à Dunkerque. La co-entreprise fait "partie des modes possibles de l'investissement en France", mais l’Élysée ne souhaite pas "imposer des règles en la matière". "C'est une bonne politique!", affirme à l'AFP le prix Nobel d'économie 2025 Philippe Aghion. "Simplement, il faut faire en sorte qu'on ne se fasse pas avoir, et qu'on ait bien des transferts de technologie des deux côtés".
Concurrence européenne
L’Élysée insiste aussi sur "le respect absolu de notre souveraineté", pour ne pas répéter le cas de Huawei, géant des télécoms, dont la première usine hors de Chine devait commencer à produire fin 2025 en Alsace et demeure vide. En 2023, la Commission européenne a appelé les 27 pays membres et les opérateurs télécoms à exclure Huawei et son compatriote ZTE de leurs réseaux mobiles.
"Sur les sujets de télécommunications et de communication stratégique, nous estimons qu'ils ressortent de la souveraineté nationale", explique l’Élysée. De son côté, la Chine a intérêt à investir en Europe car cela lui permettrait, dans un contexte international de tensions commerciales, de "contourner les barrières douanières" européennes, estime Nicolas Dufourcq. L'Europe "est un grand marché, et la Chine a intérêt à vendre", complète Philippe Aghion. "Et puis elle a un intérêt également dans la science. L'Europe est encore devant la Chine dans les publications de papiers de recherche. On a de très bons chercheurs, mais on n'a pas toujours les moyens de traduire la recherche en innovation de rupture. Or la Chine sait innover. Donc les Chinois peuvent être intéressés par des collaborations", insiste le prix Nobel d'économie.
Mais la France pourrait ne pas être une priorité aux yeux de la Chine, met en garde Nicolas Dufourcq, qui dit avoir constaté, lors d'un récent voyage que les Chinois reprochaient à la France "son coût du travail, le temps de travail, et la conflictualité (sociale)". Selon le Trésor, plus de 250 filiales d'entreprises chinoises étaient toutefois présentes en France en 2023, employant près de 24.000 personnes. Mais d'autres pays européens sont sur les rangs. La Hongrie ou l'Espagne sont parvenues à signer plusieurs accords avec des géants chinois des batteries et des véhicules électriques, comme CATL ou BYD, quitte à faire des concessions en termes de réciprocité et de transferts technologiques. Dans ces deux pays, les voitures sont assemblées "avec des composants chinois et des ouvriers chinois", déplorait début novembre Stéphane Séjourné, commissaire européen à l'industrie. Mais ça paye: selon un rapport de Merics et Rhodium Group publié en mai, la Hongrie s'est accaparé un tiers des 10 milliards d'investissements chinois l'année dernière en Europe.
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