Justin Vaisse, directeur général du Forum de Paris pour la Paix, le 27 octobre 2025 à Paris ( AFP / JOEL SAGET )
Face à la brutalisation du monde, le Forum de Paris sur la Paix entend apporter sa "modeste" pierre à l'édifice pour une paix durable notamment à Gaza en faisant converger société civile et diplomates, fait valoir Justin Vaisse, le directeur général de cette plateforme lors d'un entretien lundi avec l'AFP.
Cet événement, lancé par le président Emmanuel Macron en 2018 et initialement consacré "aux grands défis de gouvernance mondiale", s'est progressivement transformé en incorporant de plus en plus la question de la paix face au doublement du nombre de conflits en 15 ans, explique son fondateur à l'avant-veille de la 8e édition.
"Il faut être très modeste dans ce domaine-là. (...) Arrêter la guerre de Vladimir Poutine, on ne sait pas faire!", dit-il sans ambages.
Pour autant, l'ancien diplomate et chercheur estime nécessaire d'incorporer aux débats "toute une partie plus géopolitique" sans renier l'ADN du Forum, qui continue d'aborder des problématiques comme le réchauffement climatique car éviter des réfugiés climatiques, c'est éviter des conflits locaux.
Mercredi et jeudi, les conflits israélo-palestinien, en Ukraine ou dans la région des Grands Lacs seront au coeur des discussions qui réuniront 3.000 participants - chefs d'Etat et de gouvernement, ONG, experts...
- solution à deux Etats -
"Il y a quand même quelques domaines dans lesquels on peut avoir un impact réel, un impact ponctuel mais réel. Le conflit israélo-palestinien est un bon exemple", estime Justin Vaisse, rappelant qu'en juin dernier, 150 palestiniens et 150 israéliens de la société civile avaient déjà été réunis à Paris "pour essayer d'abord de les faire dialoguer".
Justin Vaisse, directeur général du Forum de Paris pour la Paix, le 27 octobre 2025 à Paris ( AFP / JOEL SAGET )
"Les diplomates seuls ne peuvent pas résoudre" ce conflit, constate-t-il. "La société civile toute seule est impuissante également. Ce qu'il faut, c'est avoir un soutien des populations et de la société civile (...) à cette solution à deux États".
Pas moins de quatre sessions seront ainsi dédiées à la question israélo-palestinienne.
A cette occasion, Ehud Olmert, l'ancien Premier ministre israélien, et Nasser Al-Kidwa, l'ancien ministre des Affaires étrangères palestinien, "maintenant intégré dans le Fatah (...) vont présenter la mise à jour de leur initiative de paix pour la solution à deux États".
"Cette solution politique ne pourra pas être réalisée tant que (le Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahou est au pouvoir", juge Justin Vaisse. "Mais il faut créer toutes les conditions pour qu'une fois qu'une majorité d'Israéliens sont convaincus que c'est possible, on puisse passer à une solution durable".
- Ordre mondial rebattu -
Selon lui, la multiplication des conflits dans le monde résulte de "l'évolution de la répartition de la puissance dans le système international".
"Dans les années de Guerre froide et dans les deux ou trois décennies qui ont suivi, on avait un système international relativement ordonné, où en particulier les Etats-Unis dominaient et étaient, comme on disait souvent pour les critiquer, le gendarme du monde", rappelle-t-il.
Mais leur réticence à intervenir dans des conflits depuis le mandat de Barack Obama (janvier 2009- janvier 2017), qui s'est accentuée avec la présidence de Donald Trump, et "l'érosion de leur marge de supériorité sur les autres ont créé un environnement dans lequel les autres pays sont plus libres d'agir et laisser libre cours à leurs instincts mauvais".
"Le système n'est plus aussi ordonné qu'auparavant et génère un peu partout des conflits", observe-t-il, ajoutant que l'on pourrait bien "regretter assez amèrement la période bénie" où on pouvait critiquer "le shérif", se plaindre de sa puissance hégémonique mais qui donnait aussi "une certaine discipline au régime de sécurité internationale".
"Toute cette époque-là est en partie révolue. Je dis en partie parce que les Etats-Unis restent première puissance, mais il va falloir s'y faire, essayer de trouver les voies et moyens de coopérer, de créer des nouvelles coalitions, de faire de la diplomatie autrement, et c'est exactement ça que le Forum essaie de faire", conclut-il.

2 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer