Le groupe minier public a découvert, dans la région de Kiruna, dans le Grand Nord de la Suède, "le plus grand gisement connu" de terres rares d'Europe, qui recèlerait plus d'un million de tonnes de ces métaux indispensables à l'économie de demain.

L'usine LKAB à Kiruna (Suède) le 15 novembre 2012. ( AFP / JONATHAN NACKSTRAND )
Cette découverte est importante à un moment où l'Europe s'inquiète de sa dépendance, en particulier à la Chine , plus gros producteur mondial, pour la fourniture de ces minéraux qui servent notamment à fabriquer les batteries des véhicules électriques et les turbines des éoliennes. "Il s'agit du plus grand gisement connu d'éléments de terres rares dans notre partie du monde, et il pourrait devenir un élément de base important pour la production des matières premières critiques absolument cruciales pour la transition verte" , s'est félicité le PDG du groupe public LKAB, Jan Moström, jeudi 12 janvier. "Nous sommes confrontés à un problème de fourniture. Sans mines, il ne peut pas y avoir de véhicules électriques".
Selon les estimations préliminaires, le gisement de Kiruna, grande région minière du pays scandinave, contient plus d'"un million de tonnes d'oxydes de terres rares", mais l'entreprise souligne ne pas avoir encore chiffré son ampleur exacte. "Un long chemin" reste à parcourir avant une mise en exploitation, prévient LKAB. "Nous prévoyons qu'il faudra plusieurs années pour étudier le gisement et les conditions d'une exploitation rentable et durable" . Cela prendrait probablement "entre 10 et 15 ans".
Fin des voitures essence et diesel
Cette annonce a été faite à l'occasion d'une visite d'une délégation de la Commission européenne en Suède, qui occupe la présidente tournante de l'UE depuis le début de l'année. Parmi ses efforts pour enrayer le réchauffement climatique, Bruxelles a acté l'an dernier la fin des ventes de voitures neuves essence et diesel à partir de 2035.
Dysprosium, néodyme, cérium... les terres rares sont des métaux stratégiques car indispensables à l'économie de demain, en particulier pour les grandes technologies de la transition énergétique. Les terres rares sont composées de 17 matières premières , découvertes à la fin du XVIIIe siècle en Suède, et possédant chacune des propriétés différentes. Ces éléments ont été regroupés sous une même appellation, car souvent présents dans les mêmes sols. Une fois le minerai récupéré dans la terre, il doit faire l'objet d'un traitement de "séparation", le fait de distinguer les différents minéraux, par le biais d'opérations chimiques impliquant parfois des acides.
Pas si rares
Ces terres "rares" sont en fait plutôt abondantes sur la planète. Avant la découverte suédoise annoncée jeudi (un million de tonnes d'oxydes de terres rares estimé), l'US Geological Survey évaluait à 120 millions de tonnes les réserves mondiales, dont plus du tiers, 44 millions de tonnes, situées en Chine, 22 millions au Vietnam, 21 millions au Brésil, 12 millions en Russie et 7 millions en Inde.
"Plus la demande progresse pour ces matières premières, plus les gens en cherchent et plus ils en trouvent. Le problème est davantage dans la relation entre le coût d'extraction et le prix de marché" , analyse John Seaman, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Or la demande devrait continuer à augmenter. Pour remplacer les hydrocarbures et atteindre la neutralité carbone en 2050, l'UE aura besoin à cette date de 26 fois plus de terres rares qu'aujourd'hui, a calculé l'université KU Leuven pour Eurométaux, l'association européenne des producteurs de métaux.
Irremplaçables
Chacun de ces minéraux a son utilité pour l'industrie, entre l'europium utile aux écrans de télévision , le cerium destiné au polissage du verre ou le lanthane pour les catalyseurs dans les moteurs à essence . On peut en trouver aussi bien dans un drone, une éolienne, un disque dur, un moteur de voiture électrique, une lentille de télescope ou un avion de chasse. "Certains de ces éléments sont plus ou moins irremplaçables, ou alors à des coûts élevés", note John Seaman auprès de l' AFP .
Irremplaçables parce que leurs propriétés sont parfois uniques, ils sont par exemple privilégiés pour fabriquer les aimants permanents des éoliennes en mer, grâce aux qualités du néodyme et du dysprosium. Une fois installés, les aimants nécessitent peu d'entretien et affichent de fortes performances, facilitant le fonctionnement de ces installations installées loin des côtes.
La Chine en pointe
Pékin a su, au fil des années et d'investissements publics massifs, maintenir un large réseau de raffinage des matériaux bruts, amenant aujourd'hui de nombreux producteurs sur la planète à y exporter leurs minerais. La Chine a par ailleurs déposé davantage de brevets dans les terres rares que l'ensemble du reste du monde réuni. Cela toutefois au prix d'un lourd tribut environnemental.
Entre divergences commerciales et géopolitiques, les tensions entre la Chine et l'Occident sont nombreuses. Bruxelles et Washington sentent l'urgence à diversifier leurs approvisionnements sur ces matières premières essentielles. Les craintes de blocages reposent d'ailleurs aussi sur un douloureux précédent : Tokyo avait vu son robinet de terres rares coupé par la Chine en 2010, en raison d'un conflit territorial. Aux États-Unis, une autre alerte s'est produite, lors de la guerre commerciale avec Pékin. En mai 2019, le président chinois Xi Jinping avait alors visité une usine de terres rares, un geste interprété comme une menace voilée d'embargo.
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