par Matt Spetalnick
La frustration internationale accrue à l'égard de Washington à propos de la guerre à Gaza a été visible cette semaine lors de l'Assemblée générale de l'Onu, des alliés des Etats-Unis ayant annoncé reconnaître l'Etat de Palestine, ce qui représente un défi majeur pour la politique de Donald Trump au Proche-Orient.
Après avoir promis au début de son second mandat, en janvier dernier, de mettre fin rapidement à la guerre entre Israël et le Hamas, le président américain semble de plus en plus spectateur de l'intensification de la campagne militaire israélienne dans la bande de Gaza, qu'une commission d'enquête indépendante de l'Onu a qualifié la semaine dernière de génocide.
Réticent à l'idée de réfréner l'action d'Israël, principal allié régional des Etats-Unis, le chef de la Maison blanche a été pris au dépourvu par la décision du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de mener plus tôt ce mois-ci une attaque au Qatar avec l'objectif d'abattre des dirigeants du Hamas, dont le bureau politique se trouve à Doha.
Cette attaque a plombé les derniers efforts à date de l'administration Trump pour chapeauter un accord entre Israël et le Hamas sur la libération des otages détenus dans la bande de Gaza et un cessez-le-feu dans l'enclave palestinienne.
Depuis, Israël a débuté une offensive terrestre majeure dans la ville de Gaza, sans que les Etats-Unis n'y opposent une quelconque objection, alors même que la communauté internationale a condamné la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza, ravagée par les bombardements et où la population, déplacée par les combats, subit une famine.
Faisant fi des avertissements de Donald Trump qui a prévenu d'une "récompense" au Hamas, un groupe d'alliés de Washington - parmi lesquels la France, la Grande-Bretagne, le Canada et l'Australie - ont annoncé cette semaine, en ouverture de l'Assemblée générale des Nations unies, qu'ils reconnaissaient l'Etat de Palestine, opérant un virage diplomatique majeur.
Le président américain "n'a pas été capable d'obtenir de quelconques progrès majeurs ou gains dans la région, en particulier sur le principal dossier israélo-palestinien", a déclaré Brian Katulis, membre du centre de réflexion Middle East Institute, basé à Washington.
"Les choses ont même empiré par rapport à quand il a été investi" pour un second mandat, a-t-il ajouté.
RÉTICENCE
Alors que la perspective d'une issue au conflit à Gaza, qui approche de son deuxième anniversaire, semble plus lointaine que jamais, la marginalisation apparente de Donald Trump a jeté une ombre sur son désir d'être considéré comme un pacificateur sans égal méritant de recevoir le prix Nobel de la paix, pour lequel le président américain fait ouvertement campagne.
Une telle récompense est seulement envisageable s'il parvient à stopper la guerre dans la bande de Gaza, a déclaré mardi Emmanuel Macron lors d'un entretien à BFM TV.
"Il y en a un qui peut faire quelque chose, c'est le président américain", a dit le président français. "Et pourquoi il peut le faire davantage que nous ? Parce que nous, nous ne livrons pas d'armes qui permettent de mener la guerre à Gaza".
Selon certains analystes, la réticence de Donald Trump à utiliser auprès de Benjamin Netanyahu les moyens de pression dont dispose Washington vient du constat que la guerre à Gaza - de même que celle en Ukraine, que le président américain avait dit pouvoir stopper "en vingt-quatre heures seulement" - est bien plus complexe et plus insoluble qu'il ne l'a admis.
D'autres considèrent que Donald Trump a tacitement accepté que Benjamin Netanyahu agirait de la manière que le Premier ministre israélien juge conforme à ses intérêts et à ceux d'Israël, ne laissant ainsi aucune marge de manoeuvre au chef de la Maison blanche.
Enfin, certains émettent l'hypothèse que le président américain s'est focalisé avant tout sur des questions de politique intérieure, au détriment du Proche-Orient, avec le récent assassinat de l'activiste ultra-conservateur Charlie Kirk, figure des trumpistes au rôle crucial lors de la campagne électorale de l'an dernier, ou encore le déploiement de la Garde nationale dans plusieurs villes américaines pour mener des opérations contre la criminalité et les immigrés.
Aucun commentaire n'a été obtenu auprès de la Maison blanche.
Bien qu'il soit apparu moins concerné par la question de Gaza récemment, Donald Trump a pris part mardi en marge de l'Assemblée générale de l'Onu à des discussions avec l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, l'Egypte, la Jordanie, la Turquie, l'Indonésie et le Pakistan.
Il était attendu, selon Axios, que le président américain présente des propositions pour la gouvernance d'après-guerre à Gaza, sans le Hamas, et exhorte les pays de la région à accepter de fournir des troupes pour contribuer à la sécurité de l'enclave.
"TOUT DÉPEND DE TRUMP"
Si Donald Trump a parfois exprimé une certaine impatience à l'égard de la gestion par Benjamin Netanyahu de la guerre à Gaza, il a fait clairement comprendre mardi qu'il n'était pas disposé à revenir sur son soutien sans faille à Israël, balayant l'idée d'être influencé par la décision d'autres pays occidentaux de reconnaître l'Etat de Palestine.
De telles annonces, a-t-il dit lors d'un discours devant l'Assemblée générale de l'Onu, ont pour seul effet d'encourager la poursuite du conflit en accordant au Hamas "une grande récompense" pour les "atrocités horribles" commises par le groupe palestinien.
France, Grande-Bretagne, Canada et Australie, entre autres, mettent en avant le fait que reconnaître l'Etat de Palestine permet de contribuer à préserver la perspective d'une solution à deux Etats et d'une fin à la guerre dans la bande de Gaza.
Les dirigeants mondiaux qui se sont également exprimés mardi à la tribune de l'Onu n'ont pas directement réprimandé Donald Trump pour sa position sur la question. Mais des analystes ont noté qu'un message lui a clairement été envoyé.
"Tout dépend de Donald Trump, qui peut mettre fin à la guerre avec un seul mot adressé au Premier ministre israélien", a dit Laura Blumenfeld, experte du Proche-Orient à l'école Johns Hopkins pour les études internationales avancées, à Washington.
Ce mot, a-t-elle ajouté, est: "Assez".
Principal fournisseur d'armes d'Israël, les Etats-Unis ont également pour tradition de servir de bouclier diplomatique à l'Etat hébreu auprès des Nations unies et d'autres organisations mondiales. Washington a opposé la semaine dernière son veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'Onu demandant un cessez-le-feu immédiat, sans conditions et permanent à Gaza.
Rien n'indique jusqu'à présent que Donald Trump envisage d'utiliser les moyens de pression dont il dispose.
Même après l'attaque menée par Israël au Qatar, allié des Etats-Unis où se trouve la base militaire américaine la plus importante au Proche-Orient, le chef de la Maison blanche a eu un échange téléphonique tendu avec Benjamin Netanyahu mais n'a pris aucune mesure.
Par ailleurs, quel que soit le nombre de pays qui reconnaissent un Etat palestinien, toute adhésion de cet Etat à l'Onu requiert l'approbation du Conseil de sécurité où Washington peut, en tant que membre permanent, recourir à son droit de veto.
UN RISQUE POUR LES ACCORDS ABRAHAM ?
Certains analystes refusent toutefois d'exclure la possibilité que Benjamin Netanyahu, attendu lundi prochain à la Maison blanche pour une quatrième visite depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir, fasse perdre patience au président américain.
La frappe effectuée par Israël à Doha a vraisemblablement douché les espoirs de Donald Trump de voir d'autres pays du Golfe intégrer les accords dits Abraham, conclus durant le premier mandat (2017-2021) du dirigeant américain, pour normaliser les relations diplomatiques entre Israël et plusieurs pays arabes.
Présentant l'hypothèse comme une réponse à la reconnaissance d'un Etat palestinien, Israël dit envisager d'annexer la Cisjordanie occupée, où les opérations militaires et les colonies israéliennes ont été étendues en marge de la guerre dans la bande de Gaza.
Benjamin Netanyahu a répété qu'il n'y aurait "jamais" d'Etat palestinien et a soumis en août au cabinet de sécurité israélien un projet visant à prendre le contrôle de la ville de Gaza, où l'armée israélienne mène une vaste opération terrestre.
Les Emirats arabes unis ont menacé de suspendre leur adhésion aux accords Abraham, que Donald Trump revendique de longue date comme l'un de ses succès majeurs de politique étrangère, si Israël venait à annexer la Cisjordanie.
Une telle démarche aurait également pour conséquence de fermer la porte à une normalisation des relations avec l'Arabie saoudite, selon la plupart des experts du Proche-Orient.
Il est peu probable, d'après ces experts, que Benjamin Netanyahu décide d'annexer la Cisjordanie sans avoir le feu vert de Donald Trump.
Le président américain "va publiquement laisser Benjamin Netanyahu faire ce qui lui semble juste, en particulier à Gaza", a déclaré Jonathan Panikoff, ancien responsable de haut rang des services américains du renseignement au Proche-Orient. "Mais, en privé, (Donald Trump) et son équipe pourraient exercer une certaine pression".
(Matt Spetalnick, avec la contribution de John Irish; rédigé par Jean Terzian)
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