par Patricia Zengerle et Doina Chiacu
L'administration du président américain Donald Trump s'est évertuée mardi à contenir la polémique née la veille après qu'un journaliste a rapporté avoir été inclus par erreur dans un groupe de discussion sur la messagerie Signal où ont été communiqués des plans militaires sensibles contre le Yémen.
Les élus démocrates du Congrès ont appelé à la démission de hauts représentants de l'administration républicaine, en dénonçant une atteinte à la sécurité nationale.
Au cours d'une audition devant la commission sénatoriale du Renseignement, la directrice du renseignement nationale, Tulsi Gabbard, et le directeur de la CIA, John Ratcliffe, ont déclaré qu'aucune donnée classifiée n'avait été partagée via Signal, une application commerciale de messagerie cryptée.
Mais les sénateurs démocrates ont exprimé leur scepticisme, notant que le rédacteur en chef de The Atlantic, Jeffrey Goldberg, a écrit que le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a communiqué dans le groupe de discussion des détails opérationnels à propos de frappes à venir contre les Houthis, mouvement yéménite aligné sur l'Iran. Hegseth a publié notamment "des informations sur les cibles, les armes que les Etats-Unis allaient déployer, et le séquençage de l'attaque", selon Goldberg, qui n'a pas donné davantage de détails.
Les membres de la commission sénatoriale du Renseignement ont dit qu'ils entendaient mener un audit de la discussion, une décision approuvée par Tulsi Gabbard et John Ratcliffe.
Par ailleurs, le chef de la majorité républicaine au Sénat, John Thune, a annoncé qu'il s'attendait à ce que la commission sénatoriale des Forces armées se penche sur l'utilisation de l'application Signal par les représentants de l'administration Trump.
Durant l'audition, par moments très tendue, de Tulsi Gabbard et John Ratcliffe, le sénateur indépendant Angus King, ralié aux démocrates, a dit avoir "du mal à croire que les cibles et le séquençage et les armes n'étaient pas classifiés".
Tulsi Gabbard a régulièrement renvoyé les questions des membres de la commission à Pete Hegseth et au département de la Défense. Comme John Ratcliffe, elle sera de nouveau interrogée par des élus mercredi à l'occasion de l'audition annuelle de la Chambre des représentants sur les "Menaces mondiales". Les démocrates ont fait savoir qu'ils aborderaient la question du groupe de discussion Signal.
"EMBARRASSANT"
Les révélations de The Atlantic ont provoqué une onde de choc à Washington, avec indignation et incrédulité parmi les experts en sécurité en sécurité nationale, tandis que les démocrates - de même que certains républicains - ont immédiatement appelé à l'ouverture d'une enquête.
"Mon avis est qu'il doit y avoir des démissions, à commencer par celles du conseiller à la sécurité nationale (Mike Waltz) et du secrétaire à la Défense", a déclaré le sénateur démocrate Ron Wyden lors de l'audition de la commission du Renseignement.
Donald Trump a toutefois exprimé son soutien à son équipe de sécurité nationale lorsqu'il a été interrogé sur l'incident mardi lors d'un événement à la Maison blanche, auquel participait Mike Waltz, semble-t-il responsable d'avoir ajouté Jeffrey Goldberg au groupe de discussion sur Signal.
Le président américain, qui a indiqué que son administration examinerait l'utilisation de l'application Signal, a dit ne pas penser que Mike Waltz devait s'excuser, tout en ajoutant que le conseiller à la sécurité nationale et le reste de l'équipe n'utiliseraient probablement plus Signal à l'avenir.
Par la suite, dans une interview à Newsmax dans la soirée, le chef de la Maison blanche a déclaré qu'un collaborateur de Mike Waltz à un échelon inférieur était impliqué dans l'ajout inopportun de Jeffrey Goldberg au groupe de discussion.
Selon Jeffrey Goldberg, le groupe de discussion incluait notamment des comptes semblant appartenir au vice-président J.D. Vance, au secrétaire d'Etat Marco Rubio, à John Ratcliffe, à Tulsi Gabbard et à la secrétaire générale de la Maison blanche Susie Wiles.
Via le réseau social X, la porte-parole de la présidence américaine, Karoline Leavitt, a accusé Jeffrey Goldberg de sensationnalisme.
Assurant assumer "l'entière responsabilité" de l'incident pour avoir créé ce groupe de discussion, Mike Waltz a déclaré à Fox News qu'aucune information classifiée n'a été partagée.
Il a qualifié la situation d'"embarrassante", ajoutant ne pas avoir le numéro de Jeffrey Goldberg parmi les contacts sauvegardés sur son téléphone et ne pas savoir comment le journaliste a été ajouté par erreur parmi les membres du groupe.
Un ancien responsable américain a déclaré à Reuters que les détails opérationnels de projets militaires sont traditionnellement classifiés et que seule une poignée de personnes au Pentagone en ont connaissance. Les informations de ce type classées top secret sont généralement conservées sur des ordinateurs qui disposent d'un réseau distinct.
Les informations sensibles ne sont pas supposées être partagées via des applications commerciales pour smartphones.
(Patricia Zengerle, avec Erin Banco, Doina Chiacu, Steve Holland et Jeff Mason; version française Jean Terzian)
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