Au delà de l'augmentation du nombre d'ogives opérationnelles à travers le monde qui mettent en péril la non-prolifération, les avancées technologiques autour des bombes nucléaires vont mener la dissuasion vers de nouvelles sphères.

Des missiles ballistiques intercontinentaux chinois DF-41, lors d'un défilé à Beijing, en 2019 (illustration) ( AFP / GREG BAKER )
Les principaux Etats dotés de l'arme nucléaire ont continué de moderniser leurs arsenaux l'année dernière, ouvrant la voie à une nouvelle course aux armements nucléaires, avertit l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) dans un rapport publié lundi 16 juin.
Les puissances nucléaires, notamment les Etats-Unis et la Russie, qui représentent environ 90% des stocks mondiaux, ont entrepris de "moderniser les armes existantes et d'ajouter de nouvelles versions", indique le Sipri dans un communiqué.
Depuis la fin de la guerre froide, les anciennes ogives ont généralement été démantelées plus rapidement que les nouvelles n'ont été déployées, ce qui a entraîné une diminution du nombre total d'ogives. Cette tendance risque de s'inverser dans les années à venir. "Ce que nous constatons aujourd'hui, tout d'abord, c'est que le nombre d'ogives nucléaires opérationnelles commence à augmenter", a déclaré Dan Smith, directeur du Sipri, à l'AFP.
C'est notamment le cas de la Chine qui, selon les estimations de l'institut, possède environ 600 ogives nucléaires, après avoir ajouté 100 nouvelles ogives chaque année en 2023 et 2024.
"La Chine augmente régulièrement sa force nucléaire", a déclaré M. Smith, ajoutant qu'il est "possible qu'elle atteigne 1.000 ogives d'ici sept ou huit ans".
Bien que ce chiffre soit encore loin des arsenaux russes et américains, il ferait de la Chine "un acteur beaucoup plus important", selon lui.
Le monde est confronté à de nouvelles menaces "à un moment particulièrement dangereux et instable" pour la géopolitique, ajoute-t-il. "Nous voyons les signes avant-coureurs d'une nouvelle course aux armements nucléaires".
Des programmes étendus
Le Sipri a recensé un total de 12.241 ogives en janvier 2025, dont 9.614 stockées en vue d'une utilisation potentielle. La Russie et les Etats-Unis disposent de "vastes programmes de modernisation et de remplacement de leurs ogives nucléaires", écrit-il.
Le Royaume-Uni n'aurait pas augmenté son nombre d'ogives en 2024, mais, étant donné la décision prise par le pays en 2021 de relever sa limite du nombre d'ogives de 225 à 260, il est probable que ce nombre augmente à l'avenir, indique l'institut.
De même, alors que l'arsenal de la France serait resté stable à environ 290 têtes, "son programme de modernisation nucléaire a progressé au cours de l'année 2024".
L'Inde et le Pakistan ont tous deux "continué à développer de nouveaux types de vecteurs d'armes nucléaires en 2024". Au début de l'année 2025, l'Inde disposait d'un "stock croissant" d'environ 180 armes nucléaires, tandis que l'arsenal pakistanais restait stable à environ 170 ogives.
Scénario catastrophe
Le programme d'armes nucléaires de la Corée du Nord reste "au cœur de sa stratégie de sécurité nationale", selon le rapport. Le Sipri évalue son arsenal à une cinquantaine d'ogives et pense que le pays dispose de "suffisamment de matières fissiles pour atteindre un total pouvant aller jusqu'à 90 ogives".
Israël, qui ne reconnaît pas posséder d'armes nucléaires, serait également en train de moderniser son arsenal, dont le Sipri estime qu'il comptait environ 90 ogives au début de l'année.
La course aux armements nucléaires qui s'annonce ne concerne pas seulement "le nombre d'ogives", selon M. Smith. "Il s'agit d'une course aux armements qui sera hautement technologique" et se déroulera à la fois dans "l'espace et dans le cyberespace", car les logiciels de commande et de guidage des armes nucléaires constitueront un domaine de concurrence, ajoute l'expert.
Le développement rapide de l'intelligence artificielle va probablement jouer un rôle, d'abord en complément des humains. "L'étape suivante consisterait à passer à l'automatisation complète. C'est un pas qu'il ne faut jamais franchir", a déclaré M. Smith. "Si nos perspectives d'échapper au danger d'une guerre nucléaire devaient être laissées aux mains d'une intelligence artificielle, je pense que nous serions alors proches des scénarios catastrophes".
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