
Frédéric Péchier (c), médecin anesthésiste accusé d'avoir tué 12 patients, et son avocat, Randall Schwerdorffer (g), arrivent au palais de justice de Besançon, le 8 mars 2023 ( AFP / ARNAUD FINISTRE )
A trois semaines du procès de l'anesthésiste Frédéric Péchier, poursuivi pour 12 empoisonnements mortels, ses avocats ont dénoncé mardi leur faible rémunération, laissant planer le doute sur leur participation aux débats.
Le procès de l'ancien médecin anesthésiste doit s'ouvrir le 8 septembre devant la cour d'assises du Doubs à Besançon et durer jusqu'au 19 décembre, une durée exceptionnelle justifiée par le nombre d'empoisonnements dont Frédéric Péchier est accusé: 30, dont 12 mortels.
Dans le cadre actuel, "on n'assumera pas la défense de Frédéric Péchier" a indiqué un de ses avocats, Randall Schwerdorffer, joint par téléphone par l'AFP.
L'avocat met en cause l'aide juridictionnelle versée par l'État aux justiciables n'ayant pas les moyens de financer leurs frais de justice: elle s'élève à 35.000 euros pour les deux avocats du médecin sur toute la durée du procès.
"Cela fait 17.000 euros par cabinet pour quatre mois, c'est extraordinaire", soupire l'avocat bisontin. "Il est hors de question d'intervenir aux frais de mon cabinet pour assumer la défense".
Frédéric Péchier, qui reste en liberté, n'exerce plus sa profession.
- Des règles "connues" -
En réaction, le ministère de la Justice a rappelé que les avocats de Frédéric Péchier "ont accepté de représenter leur client sous le régime de la rétribution à l'aide juridictionnelle en pleine connaissance de cause".
Il a souligné que cette aide, qu'il chiffre plutôt à 37.500 euros hors taxes, est versée "au bénéfice d'un justiciable, quel que soit le nombre d'avocats que celui-ci choisit pour assurer sa défense".
Ainsi, "ces règles étant connues depuis le début du travail des avocats, leur désistement à moins d'un mois de l'ouverture de l'audience et les conséquences de ces annonces relèvent de leur entière responsabilité", a averti la place Vendôme.
Le médiatique Randall Schwerdorffer, ancien défenseur de Jonathann Daval, souhaite que les conseils des 155 parties civiles reversent à la défense 10% de leur aide juridictionnelle, dont le cumul s'élève selon lui à 2 millions d'euros.
"Comme dans le procès de Salah Abdeslam (principal accusé au procès des attentats de 2015, ndlr), il faudrait un accord avec les avocats des parties civiles. C'est la responsabilité de tous les intervenants au procès", poursuit Me Schwerdorffer.
Pour le moment, les avocats des parties civiles ont refusé de partager cette aide, selon Me Schwerdorffer. Mais une réunion de médiation avec le conseil de l'ordre des avocats est prévue le 2 septembre. A l'issue, l'avocat décidera de poursuivre ou non la défense de l'ancien anesthésiste.
- "Ridicule" -
Pour l'autre avocat du Dr Péchier, Lee Takhedmit, l'aide accordée au Dr Péchier est "ridicule" et le cas de l'ex-anesthésiste est symptomatique des biais de l'aide juridictionnelle.
"Aujourd'hui, on fait croire que l'on finance la défense des voyous et donc les voitures de sport des avocats pénalistes avec l'argent du contribuable", dénonce-t-il.
Me Takhedmit souhaite avoir "l'occasion de s'exprimer sur des sujets globaux, de société. C'est aussi notre boulot d'avocat que de faire avancer des choses. Je pense que la loi doit changer à ce sujet-là".
Il y a quelques jours, le troisième avocat du Dr Péchier, Samuel Estève, s'était retiré pour les mêmes raisons.
Frédéric Péchier, 53 ans, travaillait comme médecin anesthésiste dans des cliniques privées de Besançon. Il est accusé d'avoir, entre 2008 et 2017, volontairement empoisonné 30 patients âgés de 4 à 89 ans, entraînant la mort de 12 d'entre eux.
L'accusation le soupçonne d'avoir empoisonné des patients en bonne santé afin de nuire à des collègues avec lesquels il était en conflit et démontrer en même temps ses qualités de réanimateur.
Lui-même clame son innocence, et ses avocats au procès plaideront l'acquittement.
En 2025, l'aide juridictionnelle représente pour le contribuable un total de 661 millions d'euros, un montant "qui a doublé depuis 2017 et qui place désormais la France dans la moyenne des pays de l'OCDE", selon le ministère de la Justice.
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