par John Irish, Lili Bayer et Andrew Gray
Après avoir évoqué l'envoi de troupes de maintien de la paix en Ukraine en cas de trêve avec la Russie, les pays européens sont à la recherche de mesures alternatives en raison des contraintes politiques et logistiques et de l'opposition potentielle de Moscou et Washington, ont déclaré des responsables à Reuters.
La France, qui travaille en étroite collaboration avec le Royaume-Uni sur ce dossier, accueillera 30 dirigeants et représentants de près de 30 pays jeudi, lors d'un sommet réunissant une "coalition des volontaires" pour tenter de développer des idées.
Alors que Londres et Paris travaillent depuis des semaines sur un plan visant à envoyer des milliers de soldats en Ukraine pour aider à sécuriser un futur cessez-le-feu, les diplomates affirment qu'il est de plus en plus admis que l'envoi d'une telle force ne sera pas l'issue la plus probable.
"Ils reculent sur l'idée de troupes terrestres et essaient de redimensionner leur approche pour quelque chose de plus raisonnable", a déclaré un diplomate européen.
"Quand l'Ukraine était dans une meilleure position, l'idée d'envoyer des troupes était séduisante. Mais maintenant, étant donné la situation sur le terrain et l'administration américaine actuelle, ce n'est plus très attrayant", a ajouté un autre diplomate.
L'Ukraine a toujours affirmé que tout accord de paix nécessiterait des garanties de sécurité fermes de l'Occident pour empêcher de nouvelles attaques russes.
Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui se sont chacun rendus à la Maison blanche le mois dernier, ont suggéré que leurs pays pourraient contribuer à une force future. Ils ont également cherché jusqu'à présent, en vain, à obtenir un "filet de sécurité" de Washington, sans préciser exactement ce que cela impliquerait.
Moscou affirme qu'il n'acceptera jamais aucune proposition d'envoi de troupes de l'Otan en Ukraine.
Le président Donald Trump, qui a modifié brutalement la politique américaine pour accepter le discours russe sur le conflit, a initialement salué les propositions britanniques et françaises d'envoi de troupes et pensait que la Russie y serait favorable.
Mais récemment, les responsables américains se sont montrés plus sceptiques. Lors d'un entretien avec le podcasteur Tucker Carlson la semaine dernière, l'envoyé de Donald Trump, Steve Witkoff, a ridiculisé les propositions européennes les qualifiant de "posture".
"DEGRÉ DE SINCÉRITÉ"
Selon les diplomates, les discussions de jeudi à Paris se concentreront notamment sur le renforcement militaire de l'Ukraine pour décourager de futures attaques, les moyens de contrôler des cessez-le-feu limités sur les cibles maritimes et les infrastructures énergétiques, comme lors des discussions dirigées par les États-Unis en Arabie saoudite.
"En fin de compte, tout dépendra du degré de sincérité du cessez-le-feu, et je ne suis pas optimiste", a déclaré un haut responsable européen.
Alors que l'hypothèse de l'envoi de troupes de maintien de la paix s'éloigne, "cela ne signifie pas que des pays individuels n'auront pas de soldats déployés en Ukraine pour fournir une formation et d'autres soutiens", a déclaré un autre haut responsable de la défense européenne.
Un document de travail pour le sommet, consulté par Reuters, mentionne une possible force de réassurance en Ukraine "dans le cadre d'un futur accord de paix et avec le soutien des États-Unis".
Une source à l'Elysée a déclaré que lors des discussions avec les États-Unis, les responsables ont montré un intérêt pour une contribution européenne solide une fois un cessez-le-feu permanent en place.
Le Premier ministre britannique Starmer a déclaré la semaine dernière que les chefs militaires élaboraient des plans pour sécuriser l'Ukraine "sur terre, en mer et dans le ciel".
"Nous travaillons maintenant à un rythme soutenu car nous ne savons pas s'il y aura un accord - j'espère qu'il y en aura un - mais s'il y a un accord, il est vraiment important que nous puissions réagir immédiatement."
Certains alliés européens ont reculé face à la perspective d'envoyer des troupes sans garanties américaines fermes et sans mandat international. Ils s'inquiètent des coûts, des pénuries de personnel et d'équipement, et surtout de la perspective de se retrouver à combattre la Russie.
Ben Hodges, ancien commandant des forces de l'armée américaine en Europe, a souligné la nécessité de définir clairement la mission de toute force avant d'essayer de planifier ses capacités.
"Je ne peux pas trop insister sur l'importance de cela, car ce n'est qu'en définissant correctement la mission que l'on peut déterminer ce qui est nécessaire pour l'accomplir", a-t-il dit.
Les responsables militaires européens ont indiqué que même s'il était peu probable qu'une force soit déployée, ces discussions créaient une dynamique et montraient que l'Europe pouvait agir.
"Nous ne devons pas voir cela uniquement à travers le prisme de 'Nous allons placer X chars, X hommes, X avions derrière les frontières ukrainiennes'", a déclaré un responsable militaire européen.
"C'est une dynamique globale qui n'a pas fini de se développer. Ce projet va durer plusieurs, plusieurs années."
Si l'Europe n'envoie pas de grande force en Ukraine, elle pourrait toujours jouer un rôle en servant de soutien à une force distincte opérant à l'intérieur de l'Ukraine dans le cadre d'un hypothétique accord de paix, peut-être avec l'approbation des Nations unies.
Le secrétaire général adjoint de l'Onu aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, a déclaré aux journalistes mardi que les spéculations sur une possible future mission de surveillance des Nations unies en Ukraine étaient "très hypothétiques" et que toute planification nécessiterait un mandat, bien que "la question soit posée de plus en plus fréquemment".
Les diplomates ont suggéré que l'Europe pourrait trouver son rôle en renforçant les troupes dans des pays adjacents comme la Roumanie, en renforçant éventuellement les forces de présence avancée renforcée de l'Otan en Europe de l'Est.
La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, bien qu'opposée à l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan, a proposé d'étendre l’article 5 de l'alliance, soit la clause de défense mutuelle, à Kyiv. L'émissaire spécial américain Steve Witkoff a déclaré que cette option était ouverte à la discussion.
Un troisième diplomate européen a estimé qu'une telle mesure offrirait "la plus grande garantie de sécurité possible à un coût moindre" que le déploiement de fait de troupes en Ukraine.
(Version française Noémie Naudin, édité par Kate Entringer)
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