"Pour avoir un impact macroéconomique" des investissements étrangers, "il faut tenir la ligne pendant cinq, voire dix ans".
Une usine à Beinhem, le 25 janvier 2024. (illustration) ( AFP / FREDERICK FLORIN )
Les milliards d'investissements étrangers ne cessent de s'additionner en France, prouvant son statut de destination de choix pour les investissements étrangers. Mais les effets de cette attractivité sur l'économie mettront du temps à se concrétiser.
6,7 milliards d'euros en 2022, 13 milliards en 2023 ... À chaque sommet Choose France, grand rendez-vous à Versailles des patrons étrangers dont la septième édition se tient lundi, les milliards d'euros d'engagements d'entreprises qui misent sur la France s'additionnent.
Ces annonces sont brandies comme des gages d'une politique économique efficace par un gouvernement qui entend réformer le marché du travail et la fiscalité des entreprises afin de les inciter à choisir la France plutôt qu'un autre pays. Les effets directs de cette politique sur l'économie sont toutefois encore difficilement mesurables à l'heure du ralentissement généralisé de la croissance en Europe.
"Tenir cinq, dix ans"
"L'impact macroéconomique de ces projets peut mettre un peu de temps à se matérialiser", reconnaît-on à l'Élysée, précisant que "pour avoir un impact macroéconomique, il faut tenir la ligne pendant cinq, voire dix ans" .
Dans les faits, les entreprises à capitaux étrangers représentent "un petit nombre d'entreprises", remarque auprès de l' AFP Marc Lhermitte, associé au cabinet EY qui publie chaque année un baromètre de l'attractivité : 17.500 étaient sous contrôle étranger en 2021 selon l'Insee , soit moins de 1% des entreprises en France. Mais les entreprises étrangères contribuaient aux exportations françaises à hauteur de 30% et employaient près de 12% des salariés en France en 2020, selon l'Insee.
"Ça change beaucoup de choses d'être attractif, ça soutient une grosse partie de nos exportations et donne du carburant à fort volume sur l'innovation et la recherche et développement", relève Marc Lhermitte.
L'accent est surtout mis sur les projets industriels, redevenus une priorité des États développés après la crise du Covid et l'invasion russe en Ukraine qui ont montré les limites de la désindustrialisation. Pour la France, les projets d'implantation ou d'extensions d'usines se sont envolés : en 2023, ils ont plus que doublé par rapport à 2015, loin devant les concurrents allemands et britanniques, montrent les statistiques d'EY.
Selon une compilation du magazine l'Usine Nouvelle, 122 projets ont été annoncés -pour un cumul de 31,9 milliards d'euros- depuis le premier des sommets Choose France en 2018.
"Après des années de désindustrialisation, la France réussit à arrêter l'hémorragie", commente Thomas Grjebine, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), qui note une stabilisation de la part du secteur manufacturier dans le produit intérieur brut (PIB) et des créations nettes d'usines depuis 2018.
La réindustrialisation n'est toutefois pas encore au rendez-vous de l'avis de Maxime Darmet, économiste au cabinet AllianzTrade : "On observe une baisse du montant moyen investi par projet" depuis 2019 , souligne-t-il. La France subit par ailleurs une forte concurrence de ses voisins sur les gros projets industriels, à l'instar des annonces entre 2022 et 2023 des géants américain Intel et taiwanais TSMC de construire des usines de puces électroniques en Allemagne.
Dynamiser les exportations
L'attractivité est aussi perçue par le gouvernement comme une manière de redynamiser les exportations françaises, à l'image de l'engagement par le laboratoire pharmaceutique danois Novo Nordisk de créer une usine à Chartres dont "95% de la production est destiné à l'export" selon l'Élysée.
Les effets se voient peu dans les chiffres toutefois, rappelle Maxime Darmet, avec un déficit commercial français hors énergie encore supérieur à ce qu'il était avant la pandémie.
Sur l'emploi en revanche, la stratégie porte ses fruits à l'heure où les entreprises étrangères emploient plus de 2 millions de personnes dans le pays et permettent une revitalisation de certaines régions. Selon EY, elles se sont engagées à créer ou maintenir près de 40.000 emplois l'an dernier à travers leurs nouveaux projets, en hausse de 4% sur un an.
"Mais il faut une longue période pour espérer voir certaines régions devenir des poids lourds européens", souligne Thomas Grjebine, prenant pour exemple les projets d'implantation d'usines de batterie dans le nord de la France.
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